L’oiseau du clair de Lune
La nuit était froide. Un brouillard épais s’était installé dans les faubourgs du village caché d’Iwa, d’aucun ne pouvait y progresser à l’aveugle sans risquer dans le meilleur des cas de passer une nuit d'errance. Pourtant, à l’orée des portes du village, une jeune joueuse de cithare interrompit sa langoureuse mélodie accompagnée des mélopées des fumeurs d’opium afin de suivre un cri perçant que seules ses oreilles mélomanes avaient pu extirper de l’étouffement de la brume.Guidée par la lueur de la pleine lune, la simple civile parvint à se soustraire à la vigilance des gardes pour s’aventurer dans le dédale humide mue par une curiosité et un instinct sibyllin grandissant dans son giron. Elle n’y voyait rien, pourtant, elle arrivait à se diriger en suivant ce qui ressemblait au crissement d’une craie sur un tableau noir, elle trébucha à plusieurs reprises sur le sol rocailleux environnant, mais se releva tout autant de fois afin de continuer sa progression. Au bout de plusieurs dizaines de minutes à s’aventurer dans la nuit claire mais floue elle parvint à distinguer un petit être dans le creux d’un Acacia. Ainsi l’appel qu’elle avait ressenti était son époumonnement ? L’instinct qu’elle identifia comme maternel par la suite, le même qui l’avait poussée à déjouer la discrétion des sentinelles pris le dessus sur la raison et elle décida de le recueillir et de l’élever comme un fils.
La lune était pleine cette nuit là. Elle le surnomma “ Mangetsu”.
L’oisillon venait de se trouver un nid.Dire que l’enfance du rejeton des massifs fut difficile serait une erreur. Une aberrante hyperbole. En revanche, les courts mois précédant son abandon par ses parents biologiques ont laissé leurs stigmates dans l’esprit du jeune homme que nous connaissons aujourd’hui.
La modestie habitait le ridicule foyer créé par la joueuse de cithare. Elle, dont les choix de vie ne lui avaient jamais permis d’espérer avoir un enfant sans dégrader son gagne pain, faisait de son mieux pour subvenir aux besoins de son caprice de pleine lune. Dans une société ultra connectée et privilégiant les hautes catégories socio-professionnelles comme à Iwa, les artistes étaient considérés comme de véritables parias. A titre encore plus justifié lorsque leur fond de commerce se situait sous la ceinture. La courtisane avait espéré que son compagnon d’infortune vivrait autrement et décida de lui transmettre l’état d’esprit des shinobis à sa mesure de novice en la matière.
Toute la jeunesse du garçon, elle la passa à lui enseigner qu’un ninja devait respecter la plus grande des discrétions afin d’accomplir au mieux ses missions, elle le convaincu qu’il était glorieux de mourir pour son village au cours d’une campagne et qu’il n’y avait pas plus important pour un homme que l’honneur après la mort. En réalité, elle craignait que le nom de l’enfant soit à jamais sali par sa profession horizontale et tentait de semer dans son esprit les graines d’un avenir qu’il se forgerait lui même .
Et il battit des ailesLes nuits étaient longues pour l’innocent garçon. Sa mère de fortune pris donc le soin de lui offrir un Kokyu. Un luth à cordes frottées, afin qu’il puisse s’occuper alors qu’elle besognait sa cithare d’un rythme saccadé dans la pièce adjacente jusqu’aux premières lueurs de l’aurore.
Mangetsu pris le temps d’étudier son nouveau compagnon de bois, il permit à ses doigts maladroits d'entamer un taïko claudiquant sur le manche de l’instrument alors que de l’autre main son archet venait timidement flatter les cordes qui lui répondaient d’une aria maladroite.
Mais alors que la réverbération des notes lui parvenait aux oreilles il pouvait assister à un spectacle cabalistique se déployer sur les murs de la pièce exiguë qu’il occupait. Grossissant à vue d’oeil à la lueur vacillante d’une lampe à huile, une troupe d’ombres lui livrait une mise en scène méticuleuse.
Lorsque le phénomène se produisit pour la première fois, il demeura stupéfait, à mi-chemin entre la frayeur et l’admiration. Les nuits qui suivirent il comprit à mesure qu’il se concentrait sur son jeu de kyoku, que les apparitions obscures étaient liées à lui si bien qu’avec le temps il parvint à les dompter. Sans dire un mot à la joueuse de cithare ni même sans pouvoir donner un nom aux tours qu’il projetait à la manière de diapositives, il continua chaque nuit de faire valser des représentations opaques et bidimensionnelles de grues et de corbeaux, de mandarins en cage qui finissent par s’échapper et tant d’autres situations distrayantes.
A mesure que les jours avançaient depuis la découverte de son don secret, il s’approchait peu à peu du statut de virtuose du luth à archet alors que sa dramaturgie des ombres devenait de plus en plus complexe. Les figures finirent par quitter leur plan en deux dimensions pour prendre une substance tridimensionnelle. Ainsi, les volatiles prirent possession de la chambre qu’il occupait, se posant sur ses épaules et gazouillant au grès des notes. Ils furent très vite rejoints par une pléiade d'échantillons du règne animal. Au aves succédèrent les canidés, puis les reptiles, les ophidiens, les félins et les pachydermes. L’enfant du clair de lune, assimilant sa faculté à l’onmyōdō nomma ses créations des shikigamis, loin de se douter qu’il créait ses propres illusions pour palier à sa solitude nocturne.
Cependant l’abandon dans la noirceur de la nuit et le froid du pays de la terre lorsque le soleil se couche, ne laisse pas les idées particulièrement lumineuses. Surtout quand on est encore qu’un chérubin aux dents de lait. Les cauchemars qui le hantaient dès que le sommeil le guettait poussèrent Mangetsu à imaginer un shikigami à l’apparence d’un tapir afin de veiller sur son corps inerte jusqu’au lever du soleil. Le placebo fonctionna puisque par le biais de cette méthode son âme se voyait apaisée et l’animal pouvait disparaître aussitôt la conscience de l’enfant endormie.
Pour prendre son premier envolSans jamais prononcer un mot plus haut que l’autre, Mangetsu rejoignit la haute école d’Iwa et obtenu son diplôme sans souci. Sa maîtrise du Taijutsu était médiocre, bien en deçà de la moyenne de ses camarades masculins et féminins confondus, mais il avait réussi à pallier à ses lacunes avec un véritable don pour le Genjutsu. C’est la maîtrise surprenante de cet art dès l’aube de son existence alors qu’il n’en était même pas conscient qui lui valut d’être recruté afin de recevoir un enseignement ninja gratuit. En effet, la singularité de ses yeux aux iris drastiquement différents l’un de l’autre couplée à une création intuitive d’illusions dès le plus jeune âge firent naître un nouvel espoir au sein du village.Les autorités avaient cru déceler en lui la genèse d’un nouveau Dojustu, le premier à appartenir au pays de la terre mais le temps prouva que la suspicion nationale n’était pas avérée. Lorsque l’encensoir cessa de fumiger en sa direction, il comprit qu’il n’était rien de plus qu’un être banal aux dons prodigieux dans un domaine particulier. A ses yeux il n’est n’était qu’un faible et bien qu’il eût pu être assimilé à un génie en matière d'illusionnisme en dépit de son jeune âge, il considérait le genjutsu comme le moins utile des trois trésors du combat ninja.
Bridant ses capacités génétiques qu’il jugeait trop tonitruantes pour atteindre ses objectifs, il se confondit donc dans la masse en s’en tenant aux bases du ninjutsu admirablement exécutées. Il était jeune, et ne se doutait pas de la vanité de ses actions alors que le sérum du C1 avec lequel il avait été vacciné peu de temps après avoir été recueilli offrait déjà les informations nécessaires concernant ses attributs génétiques aux autorités militaires.
La chute fut douloureuse.Un jour d’été, alors que le jeune homme revenait de mission il ne trouva personne pour l'accueillir dans l’ancienne maison de thé qui, faute de moyens, avait su conserver son charme malgré le boom technologique ambiant . Sceptique quant au fait que la joueuse de cithare ait pu s’absenter alors que la course du soleil convergeait de plus en plus vers l’horizon, le flavescent se mit à l’appeler et à la chercher à l’intérieur.
Le silence l’inquiétait, il n’aurait pas dû s’installer dans une si petite maison alors que la clientèle était sur le point d’arriver. Finalement, un forme attira son attention dans le Tokonoma. Elle gisait là, recroquevillée au sol comme un insecte asphyxié, le visage encore plus pâle qu’à l’accoutumée, les yeux aussi profonds que les cieux et un filet de rubis suintant depuis le coin des lèvres. Il n’y avait pas de doute, son âme de lumière s’était dissoute dans l’éternité.
Il demeura coi quelques instants, ne sachant comment réagir face à la poupée au cœur fatigué qui traînait sur le sol, posant son regard tantôt sur l'albâtre qu’était devenu sa peau, tantôt sur le collier d'améthyste qui ornait à présent sa gorge.
Il fit l’impasse quelques instants sur la strangulation dont sa tutrice fut victime pour déplacer la masse froide jusqu’à la Mizuya. Sa première réaction fut de cacher la macabre aventure qui venait de trancher à vif les cordes de la joueuse cithare en appliquant ce qu’elle lui avait toujours appris, à savoir de marcher sans la terre sans soulever la poussière.
Le crépuscule touchait presque à son terme, l’effervescence n’allait pas tarder à s’agglutiner autour de la maison et une fermeture exceptionnelle n’était pas à envisager. Il avait autre chose en tête. Tromper l’assassin et le pousser à revenir pour soulager sa conscience. Mangetsu revêtu donc l’apparence de la maîtresse de maison, et repris toutes les fonctions qui étaient les siennes avant son trépas. Il fit en sorte de restaurer à l’identique l’ambiance des lieux grâce à l’art des illusions dans le but de tromper chaque chaland. Il n’avait aucune idée de comment préparer un bon thé, son jeu de cithare était habile mais n’avait rien à voir avec la virtuosité de celui de sa mère adoptive et il n’avait pas le temps d’entretenir correctement la chashitsu tant il essayait d’analyser le mouvement de chacun des clients à la recherche de celui qui aurait pu s’avérer être l’auteur de l’immondice qu’il venait de découvrir.
La tromperie devînt donc le fer de lance de ce salon éphémère dans lequel le jeune homme imaginait que le pervers méphistophélique finirait par remettre les pieds en estimant que la courtisane qu’il avait tenté d’étouffer avait survécu.
Cependant, au fil des heures, la lutte fut contre lui même fut de plus en plus difficile.
Maintenir une telle illusion demandait énormément de chakra en particulier pour camoufler l’odeur du corps rance qui pourrissait dans la salle d’eau et dont les vapeurs macabres embaumaient même goût du thé déjà bien peu réussi.
Si duper un seul sens d’une seule cible est un jeu d’enfant, trahir la confiance de l’intégralité de la perception d’un groupe se révéla beaucoup trop fatiguant pour qu’il puisse se permettre de commettre le moindre faux pas.
Il avait beau s’épuiser à n’en plus dormir, rien ne pouvait échapper à la vigilance du bunker militaire d’Iwa. Très vite, la chair en décomposition de la musicienne, véhicule d’une Guanyin sycophantique dénuée de miséricorde nommée sérum C1 alerta les radars de l’unité de surveillance de la population. Par ailleurs, il ne s’agissait pas de la seule masse infusée au C1 à émettre un état d’alerte, en effet l’envie de meurtre grandissante dans l’esprit de Mangetsu eut tôt fait de mettre à son tour en garde les ninjas d’élite. Une escouade fut envoyée en direction de la maison de thé à la recherche de sa directrice d’origine dès l’aube, mais sa dépouille ne pu être trouvée. Les scenarii se montrèrent nombreux dans l’esprit des forces de l’ordre mais tous convergeaient dans la même direction. Il apparaissait évident que le jeune shinobi avait liquidé sa mère pour ensuite camoufler son infamie afin de reprendre l’exploitation de la chashitsu.
Connaissant les talents du jeune homme en matière de Genjutsu, une seconde unité spécialisée dans la détection et la libération d’illusions fut envoyée pour lever le voile sur la supercherie.
Une lutte implicite s’en suivit entre les deux parties mais elle ne s'éternisa pas. En effet, il était proche de l’impossible de pouvoir lutter contre un groupe de ninja spécialistes en illusions en étant seul et le chakra amoindri par une nuit de mensonges et bien que le talent du flavescent en la matière était exceptionnel, il ne fit pas le poids.
Il fut mis en cage Une fois le rideau de mystère retiré, l’odeur du cadavre moisissant depuis plus d’une journée estivale accompagnée d’une nuée de moucherons se diffusa dans les environs. Finalement vomissant alors que défait de son auto persuasion, Mangetsu fut mis sous fer pour être interrogé. L’histoire fit écho dans tout le village, et avec elle s’envolèrent tous les espoirs du garçon de rejoindre un jour l’unité d’élite.
La version du flavescent laissa ses interrogateurs dubitatifs et son appartenance au clan Jigoku reconnu pour être fauteur de troubles depuis la désertion de Deidera ne joua pas en sa faveur. Il fut placé en état de stase durant douze mois le temps que son procès soit prononcé, maintenu dans un sommeil artificiel par les atouts médicaux de l’unité spéciale.
Plusieurs facteurs jouèrent en sa défaveur lors du procès. Son appartenance au clan Jigoku susmentionné n’en incarnait qu’un seul. Le maintien d’une illusion non autorisée au sein du village en fut un second, la préméditation d’un meurtre un troisième. Un quatrième facteur entra en jeu de manière implicite, celui de la déception engendrée par les faux espoirs que le pays avait placé dans ses pupilles ordinaires mais souffrant d’une anomalie génétique laissant imaginer qu’il aurait pu s’élever à un haut niveau de Genjutsu. Cela n’avait rien d’un crime, et il n’y pouvait rien, toutefois cela lui valut d’écarter toute once de compassion qu’aurait pu avoir le jury chargé de sa condamnation.
Il fut condamné à 3 ans de réclusion. Mangetsu passa le premier mois derrière les barreaux à se morfondre en silence sur la fin de son existence et l’avortement de sa vengeance. Il crachait l’âme amère de n’avoir pu assister aux funérailles de la seule femme qu’il eût jamais aimé, maudissant le tsuchikage et sa volonté malsaine de vouloir contrôler le moindre des ses citoyens.Ce mois lui permis d’ouvrir les yeux sur le chef de son village. Il condamnait le climat de méfiance qui régnait au sein du village caché de la roche entretenu par sa tête elle même, se satisfaisant de la répression injustifiée qu’il faisait subir à tous dans le seul but d’asseoir son pouvoir et d’éviter à quiconque de contredire la moindre de ses actions douteuses.
Il passa le second mois à entretenir la haine qui grandissait pour Iwa en lui, ce village qui lui avait ôté tout espoir de réaliser ses ambitions de manière arbitraire et qui lui avait arraché le moyen de retrouver l’assassin de la joueuse de cithare.
A partir du troisième mois, il commença à se défenestrer métaphoriquement, c’est à dire s’imaginer vivre dans le petit carré visible par delà la fenêtre de sa cellule. De là il pouvait surveiller l’agitation de la ville et s’y projeter par la pensée. Il s’imaginait interagir avec chacun des habitants passant dans son champ de vision comme il n’avait jamais pu le faire autrement.
La cellule était imprégnée de puissants sorts de fuinjutsu ce qui rendait impossible l’utilisation de son chakra, il ne pouvait donc plus appeler ses shikigamis pour se distraire ni même aucun de ses autres tours de Genjutsu pour espérer s’échapper. Cela était logique, après tout les geôles étaient prévues pour accueillir des criminels bien plus dangereux que lui, certains auraient certainement pu les détruire en un clin d’oeil si le recours au chakra avait été permis. Le pan de mur ouvert lui laissant la possibilité d’entrevoir l’extérieur demeurait donc son unique distraction.
Un rossignol des murailles venait régulièrement se poser sur le recoin de sa fenêtre, pendant les trois mois qui suivirent, chaque jour il venait sautiller devant le nez de Mangetsu et le flatter d’un léger gazouillis. Pourtant un jour il ne vînt pas, comme s’il avait prévu que quelque chose de terrible allait se produire. La sensibilité du volatile devait être extraordinaire puisque le soir même, les tensions entre les deux factions d’iwa, les progressistes et les traditionalistes avaient fini par atteindre un point de non retour. Enfant du progrès et embrigadé dans une vision du monde à l’image de son ancienne idole de tsuchikage, il ne reconnut le bien-fondé du traditionalisme uniquement une fois qu'il fut à son tour injustement mis en cage et un profond regret de ne pas s’être soulevé plutôt contre l'inondation technologique.
Il finit par s’envoler par la porte laissée entrouverte.L’usage du Bakuton dans ce qui semblait être un attentat au régime actuel par le biais de la destruction de la tour cristalis, n'échappa pas au descendant des jigoku. Bien qu’il mettait un point d’honneur à ne jamais dévoiler à quiconque son art explosif, il savait reconnaître sa manifestation lorsqu’elle venait d’autrui. La panique avait gagné le village et les émeutes commencèrent à éclater entre rebelles et pouvoir en place si bien que les accrochages avaient fini par gagner le centre de détention. La nuit fut longue et pleine de rebondissement. Les cris de panique et les vociférations de rage s’accumulaient et se chevauchaient, les murs tremblaient, le sol vibrait. Au bout de quelques heures, un des rebelles finit par libérer l’intégralité des prisonniers, parmi lesquels Mangetsu pu s’enfuir afin de se réfugier dans un endroit discret.
L’état d’alerte était tel qu’il pouvait facilement déambuler dans les rues du village sans que l’on s’occupe de lui. Il devait bien entendu affronter la débandade d’une foule paniquée, et manqua à plusieurs reprise de ses faire démettre l’épaule par un fuyard. Toutefois il demeura calme et continua sa procession jusqu’à son ancien logis, curieux de son devenir puisqu'en dehors du rectangle d’extérieur par lequel il se défenestrait depuis sa mise au trou. La maison de thé n’avait pas énormément changé, toutefois on pouvait constater que le temps et l’absence d’entretien lui avait apporté un état de déliquescence prononcé. Elle demeurait inhabitée mais avait de toute évidence servi d’abri à une succession de squatteurs. Tant pis. Tant mieux même, au moins elle avait continué de vivre malgré la succession de drame dont elle fut témoin.
L’intérieur quant à lui n’avait plus rien à voir avec ce que l’enfant de la lune avait pu connaître, un profond dégoût s’empara de lui à la vue de l’espace dénué de sens qui se dressait devant lui.
Les lieux n’avaient pas été saccagés, mais l’occupation successive par des individus différents leur avait fait perdre leur âme. Il ne sentait plus le parfum de la joueuse de cithare et vînt même à en regretter l’odeur de sa putréfaction. C’était comme si elle n’avait jamais existé. Il porta son regard sur le tokonoma qu’elle entretenait avec soin et où il avait retrouvé sa dépouille, et le trouva vide, défait de l’empreinte de son enfance et de sa jeunesse. La mizuya avait été travestie en simple cuisine de fortune et le reste de la maison uniquement pourvu d’un confort sommaire.
Qu’en était-il de ses quartiers ? Les cinq mètres carrés qui incarnaient son domaine nocturne, étaient chargés de tout-venant. Visiblement ses prédécesseurs avaient estimé qu’il s’agissait d’un débarras.
Il récolta des branchages.L'illusionniste prit le temps de vider l'amoncellement d’artefacts. Broc à eau, fourche de vélo, idole de jizô, déchets en tout genre, bonzaï flétri, guéridon fissuré et une bonne dizaine d’autres objets soit dans un état d’usure conséquent soit dont la fonction lui échappait. Finalement, un système de clé particulier lui rappela une vièle cher à son cœur, l’espoir qu’il s’agisse de ce qu’il était venu chercher le gagna jusqu'à ce qu’il puisse se rendre compte au fur et à mesure de qu’il s’enfonçait dans la pièce en tant que spéléologue amateur que l’instrument était en état plus que honorable. Sans même ranger l’étendue du bazar occasionné par sa fouille, il s’empara de son vieil ami. Dernier souvenir d’un passé sur lequel il était temps de tirer un trait.
Il venait de prendre une décision, cette nuit, il quitterait Iwa peu importe la tournure que prendrait la guerre civile. Il y avait peu d’espoir pour que le groupe traditionaliste puisse acquérir l’avantage et même si le cas se présentait, il doutait fort que son jugement puisse être réévalué. Il n’avait plus aucun espoir de liberté au sein du village caché de la roche.
Avant de poser le pied hors de son ancienne demeure, il prit le temps de se saisir de la statuette de jizô, le protecteur des enfants. Il la contempla un instant et détailla, ses mains vinrent flatter les joues glacées mais généreuses de ce petit bouddha de pierre, son pouce redessina le sourire rempli de sérénité qui lui surplombait le menton et à son tour Mangetsu dessina une virgule sur son propre visage. Il voyait en cette idole l’avatar de son enfance et la joueuse de cithare qui comme le démiurge l’avait protégé durant toute sa vie avant d'être frappée par le trépas.
Une fois son recueillement achevé, il déposa le sujet au milieu de la chashitsu, là où trônait jadis le foyer et quitta les lieux. En chemin il rencontra deux individus à la solde du tsuchikage, des anciens compagnons d’étude qui visiblement souhaitaient faire du zèle en s’en prenant à chaque traditionaliste qui croiserait leur route. L'illusionniste parvint à détourner leur attention de sa personne pour les dépasser dans même se faire remarquer. Cependant les pas des chasseurs de rebelles les menèrent jusqu’à l’intérieur de la maison de thé.
Le moment était mal venu pour eux, c’est exactement cet instant que le Jigoku choisit pour réveiller sa maîtrise héréditaire.
Avec l’explosion venue directement du foyer, il tira définitivement un trait sur son enfance et pu s’envoler vers de nouveau horizons, un nuage de poussière dissimulant sa fuite.
Et se construisit un nouveau nid.Sa progression au sein des rocailles du pays de la terre fut avortée par un souffle surpuissant. Lorsqu’il se retourna il pu constater qu’Iwagakure n’était plus. Le tsuchikage lui même venait de désintégrer la ville afin qu’elle ne tombe pas aux mains de l'ennemi, coupant ainsi l’herbe sous le pied de quiconque souhaiterait s’en emparer. Un rictus déchira le visage de l’éphèbe, cet homme était vraiment la pire des ordures. Il ne comprenait pas comment il avait pu un jour avoir la volonté de marcher à ses côtés.
La chute du Kage qui, dans sa folie progressiste détruisit par ses propres mains le village qu’il était censé protéger, n’était pas pour déplaire au flavescent. Avec le village venaient de disparaître toutes les abominations technologiques qui lui furent nuisibles, sans compter qu’il avait l’intime conviction que des secrets bien plus noirs se cachaient dans les soubassements de la citadelle.
Il arriva aux oreilles de notre protagoniste qu’un certain Taori Jigoku avait pris la tête des réfugiés et se dirigeait vers le pays des montagnes afin d’établir un nouveau village ninja sur de nouvelles bases. La vie de déserteur ne l’attirait pas, mais après tout, est-il possible de déserter un village qui n’existe plus ? En tout cas, le vagabondage lui semblait bien ennuyeux. La décision s’immisça intuitivement en lui, il allait suivre cet autre Jigoku jusqu’à l’utopie qu’il tentait d'ériger.
C’est à flanc de montagne que le village vu le jour, Hagane fut le nom qu’on lui attribua. Le village caché du fer. Un tel nom découla de la spécialité du village résidant dans la forge. Bien que nullement doté de talents dans le domaine, Mangetsu mis tout en oeuvre afin de participer à la prospérité du village et à la protection de chacun. Dans un pays où les shinobis sont traqués par les samouraïs sur ordre du Daimyo, ce dernier rôle n’avait rien d’anodin.
C’est à cet instant que la nouvelle aventure de l’oiseau du clair de Lune commença.