Autour d'un verre

Kyûji entra dans le bar presque serein, sa seule inquiétude étant de savoir ce qu'il allait faire ou dire vis à vis de Saya. Shinsaku semblait lui aussi détendu, et il apprécia de pouvoir à nouveau passer un moment seul à seul avec son ami. Ils s'assirent à une table pour 2 personnes, et attendirent calmement qu'on vienne leur demander leur commande. Kyûji massa ses doigts fins, comme il avait tendance à le faire lorsqu'il réfléchissait. Ce manège n'échappa pas aux yeux aiguisés de Shin, qui émit un petit bruit signifiant clairement que l'heure n'était pas aux prises de tête. Kyûji le regarda en souriant, et essaya de ne plus penser à ses soucis.

- Ah, tu as sans doute raison, je me fais peut-être du souci pour rien... Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que je ne peux pas vraiment en parler à Saya maintenant. D'un autre côté, tu comprends bien que lui en parler plus tard ne sera pas plus approprié... Je suis dans une impasse. Dois-je lui cacher ? Elle s'en rendrait compte au bout d'un moment, alors autant lui dire... Raaaaah je ne sais pas quoi faire... Qu'en penses-tu, toi ?

Shinsaku se mit à réfléchir, ne sachant pas trop quelle réponse donner à son ami. Kyûji continua alors à parler.

- Quand à mes parents, je leur dirai peut-être ce soir, ou demain. J'ai mis moi-même un peu de temps à m'y habituer, mais je pense que ça ira maintenant. Néanmoins, il faut que tu comprennes que personne en dehors de ma famille proche, normalement, ne doit savoir que j'appartiens à l'... Il se tut, regarda autour de lui, la serveuse ne semblait pas les avoir encore remarqués. Kyûji reprit : à l'A, N, B U. Tu comprends désormais ma position, ce que j'ai fait aujourd'hui était strictement interdit, je risque gros. Je pense néanmoins pouvoir arranger ça avec le Hokage, mais il ne faut surtout pas que cela s'ébruite. C'est pourquoi, ce soir, il est formellement interdit d'en parler à qui que ce soit, donc mollo sur le saké, dac ?

Une jeune fille un peu grassouillette aux cheveux bouclés se rapprocha alors de leur table...

La serveuse fit un grand sourire chaleureux aux deux jeunes hommes.

_ Comme d’habitude je suppose ?

_ Oui. Lui répondit simplement Shinsaku en ne lui accordant qu’un bref coup d’œil.

La jeune fille repartit chercher deux verres de saké, quelque peu irritée par l’inintérêt que lui accordait le Nara. Ce dernier profita du bref moment de tranquillité pour parler à son ami.

_ T’inquiète, j’ai très bien compris le message. Et puis tu me connais, ne pas parler aux gens ce n‘est pas très compliqué pour moi, c’est même ma spécialité. Tu te souviens quand on était jeunes à l’académie ? Au début tu parlais presque tout seul quand tu voulais engager la conversation avec moi.

Les deux jeunes gens sourirent en se remémorant le début de leur amitié. Shinsaku allait continuer la conversation quand la serveuse déposa soudainement deux verres de saké sur la table. Kyûji la remercia poliment mais le Nara resta étrangement fixé, le regard perdu dans le liquide alcoolisé qui tanguait légèrement dans son verre. Le Hyûga et la jeune fille le regardèrent bizarrement, se demandant ce qui lui arrivait. Soudain, faisait presque sursauter les deux autres, Shinsaku sortit un carnet et un crayon de la poche intérieure de sa veste et griffonna quelques lignes peu distinctes à la suite de ses notes. Puis il rangea tranquillement le tout en remerciant la serveuse avec un grand sourire. Celle-ci, satisfaite, laissa les deux ninjas à leur discussion. Quand Shinsaku se retourna vers Kyûji il crut remarquer une légère expression de pitié sur le visage du Hyûga mais il fit mine de ne rien avoir remarqué et enchaîna la conversation.

_ Quand à Saya… Et bien je te laisse libre de ton choix. En tout cas, tu peux être sûr que tu te prendras une bonne raclée le jour où elle le découvrira… à moins que ne tu sois au bord de la mort à ce moment là, avec un peu de chance elle aura peut-être pitié de toi. Sinon je suis sur que tu peux lui faire confiance. Si tu lui fais bien comprendre qu’elle ne doit en parler à personne elle ne dira rien. Tu peux compter sur ma sœur pour ça.

Kyûji secoua la tête de droite à gauche, les yeux fermés. Il haussa les épaules, un air fatigué sur le visage.

- Ce n'est pas une question de confiance, Shin. Evidemment que j'ai confiance en elle, tout comme j'ai confiance en toi, le problème n'est pas là. Ce qui cause problème, c'est que tu saches que je suis tu-sais-quoi et que je sois probablement obligé de dire à Saya que je suis un tu-sais-quoi. Or, il est FORMELLEMENT interdit de dire à qui que ce soit que l'on est un tu-sais-quoi. Donc ayant enfreint les règles, je suis dans un bourbier infâme. Et je ne vois pas comment est-ce que je pourrais m'en tirer. D'un autre côté je ne peux pas vous mentir éternellement, et il était essentiel que tu sois au courant. Je ne peux pas vous cacher la vérité pendant des années... Mais en principe, je le devrais.

Il regarda son verre de saké, et le prit dans sa main droite. Il fit tourner l'alcool dans son verre, faisant décrire de petits ronds à son poignet. Puis, en ayant assez, il immobilisa son bras. L'alcool continua de décrire des cercles réguliers, mû par le chakra du jeune homme. Kyûji le stoppa rapidement, puis le but d'un coup sec, comme à son habitude. Il fixa Shinsaku, impassible.

- Je sais que tu as beau venir ici régulièrement, tu ne tiens pas l'alcool. Donc sois très prudent. Je ne voudrais pas être contraint de procéder à des opérations de traumatismes neuronaux afin d'effacer la mémoire de gens qui en auraient trop entendu... J'ai beau avoir confiance en toi, je me souviens encore de la fameuse nuit de tes 15 ans. Tu n'étais pas très beau à voir...

Shinsaku eut un petit sourire gêné en repensant à cet épisode. Il est vrai qu’un Nara aussi flemmard et détaché du monde que lui en train de danser sur une table à moitié nu et chantant comme une casserole une chanson populaire d’un autre continent sans en comprendre un seul mot cela pourrait presque être qualifié de scène traumatisante. Mais ne voulant pas s’attarder sur ce malheureux détail, il revint rapidement au sujet principal de la conversation.

_ Ne t’inquiète pas j’avais très bien compris que ce qui te tracassait c’était que tu ne puisses pas lui parler sans enfreindre une règle importante. Comme je l’ai déjà dit, tu es libre de faire ton choix à ce sujet. Je tenais juste à clarifier un point, au cas où, et à te mettre en garde contre ma sœur au passage.

Shinsaku s’enfila un tiers de son verre de saké.

_ Je pense que tu aurais pu te permettre de ne pas transgresser la règle en m’en parlant. Tu aurais peut-être mieux fait de mettre Saya au courant plutôt que moi. Tu sais qu’avec moi, même si cinq ans plus tard je découvre qu’en fait, depuis tout ce temps, tu étais un anbu, cela ne viendrait même pas à l’idée de t’en vouloir, car cela me paraitrait tout à fait normal que tu ne veuilles pas en parler étant donné que cela est totalement proscrit. Bref, cela aurait été plus sage pour ta propre sécurité que tu en parles à ma sœur plutôt qu’à moi.

Le Nara but encore un coup, ne laissant qu’un fond d’alcool dans son verre.

Kyûji croisa les jambes, et se pencha en avant, coudes sur la table. Shinsaku n'avait pas tort... Il sembla réfléchir encore un peu, puis ouvrit la bouche. Il la referma, et jeta un coup d'oeil derrière son ami. Rien. Il aurait pourtant juré apercevoir Lee, mais il avait sûrement dû se tromper. Il décroisa les jambes et regarda son ami dans les yeux.

- Je ne suis pas d'accord. Je sais bien comment tu es, et tu n'aurais probablement pas accordé d'importance au fait que je ta cache quelque chose, même de cette ampleur, néanmoins... Je pense que tu n'aurais pas été capable de continuer sereinement à accomplir ta tâche si tu n'avais aucune idée de la raison pour laquelle je m'absentais 9 fois sur 10. Et puis il faut que tu saches que pour moi aussi, c'est difficile ! Sans doute plus que pour toi d'ailleurs ! Tu as conscience que je vais devoir accomplir mes missions seuls la majeure partie du temps ? Je sais que j'en ai les capacités, mais j'angoisse, et d'agir seul, et que vous agissiez sans moi. Je ne devrais pas vous prendre pour des gamins, je sais, mais il faut que tu te rendes compte que je vous ai sauvé plus d'une fois la vie ! Je ne serai plus là pour vous surveiller en cas d'erreur de votre part !

Il se tut, comprenant que Shinsaku n'appréciais sûrement pas qu'il remette ainsi en doute ses capacités. Mais cela n'empêcherait pas Kyûji de se faire du souci pour Shin et Saya... Il respira profondément, et observa Shinsaku humer l'arôme du fond d'alcool qui subsistait dans son verre. Connaissant son ami, il décida de tuer le temps en jouant avec son verre, le faisant tourner autour de ses doigts à l'aide de son chakra. Il courait sur sa peau, de plus en plus vite, roulait, roulait, jusqu'à finir par exécuter un ballet hallucinant ! Il referma le poing sur le verre, stoppant net sa course. Shinsaku le fixait avec amusement. Kyûji lui sourit, et décida qu'il était temps d'y aller. Il se leva, et vérifia qu'il possédait toutes ses affaires, puis tendit la main à Shin. Ce dernier l'attrapa, et se leva à son tour. Ils se regardèrent avec un léger sourire.

- Bon, je crois qu'il est temps de se préparer pour la fête. Je mettrai un Kimono ce soir, donc... Ah non ! Kyûji arrêta net le fou-rire de son ami ! Pas de moqueries, je sais très bien que ça me donne un style inhabituel, mais interdiction de se moquer ! D'ailleurs, je compte bien te voir bien habillé, toi aussi ! Il n'y a pas de raison ! Bref, j'ai encore quelques menues petites choses à faire, n'oublie pas de dire à ta soeur que sa bague est réparée, elle la trouvera chez ma tante, Hinata. Il serait dommage qu'elle ne puisse la mettre parce qu'elle aurait oublié d'aller la récupérer, non ? Et puis... je crois que c'est tout. Je suis désolé de te laisser comme ça, mais je pensais que tu serais à l'heure et je suis un peu juste au niveau temps... Il aperçut le regard compatissant de Shin, et fut rassuré. Bon. Et bien à tout à l'heure, je me sauve !

Kyûji paya la note sans que Shin puisse encore protester, et se rua à l'extérieur afin de rejoindre sa demeure. Il ne laissa derrière lui qu'un simple nuage de poussière au ras du sol. Il n'était plus là.