Les Rondes de Gakuto

Gakuto sortait dehors. La pluie qui lentement coulait le long des fenêtres laissait penser qu'un parapluie ne suffirait pas. Il voulait pourtant arrêter de rester cloitré chez lui. Le soleil ne réapparaitrait pas avant la fin de la soirée. Il n'y aurait personne dehors. Pas un chat, pas une souris, pas une fourmi. Personne à qui il pourrait faire du mal si cette stupide chose réapparaissait. Il avançait prudemment dans les ruelles étroites. Avec un temps pareil, seuls les Nukenins et l'Akatsuki sortaient de chez eux. Il valait mieux être prudent, Gakuto n'aurait sûrement pas assez de chakra pour se soigner s'il tombait sur l'un d'entre eux !

Il n'avait pas la tête à se battre. Les rues désertes semblaient lui rappeler un lointain souvenir dont il avait lui-même du mal à se rappeler. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer pour que Gakuto ressente cette sensation de mal-être. Quand était-ce ? Il se voyait maintenant, avancer dans la rue, des années auparavant. Étrangement, il ne voyait que le haut de sa tête, et son point de vue semblait se déplacer, comme s'il volait. Quelques instants plus tard, il voyait toute la ville. Il savait où il était ce jour-là. Il n'était pas encore né.

C'est son père qu'il voyait seul dans la rue. Il était chez cette fameuse voisine dont il lui avait tant parlé. Le Centre de Calcul, autrefois appelé Clan Curie, venait d'être attaqué. Paaskal venait de voir les voyous qui fuyaient le massacre qu'ils venaient de commettre. La sécurité du village avait été compromise. Gakuto le voyait à présent. Les assaillants étaient des déserteurs avec des points rouges sur leurs longs kimono noirs. Ce n'étaient pas de simples déserteurs. C'étaient eux, ils étaient l'Akatsuki.

Gakuto avançait maintenant très lentement. De nombreuses questions lui venaient maintenant : qui avait bien pu envoyer ses images, pourquoi il voyait ceci maintenant, était-ce réel ou bien le fruit de son imagination, comment pouvait-il connaitre quelque chose qu'il n'avait pas vécu ? Il devait revoir la même scène avec un autre point de vue, vérifier que cette apparition était réelle. Il semblait avoir vu les images à partir du ciel, comme un dieu l'aurait fait. Gakuto n'y croyait pas. Pourtant, il avait vu des détails que même son père n'avait pu expliquer. De toute façon, il ne savait pas comment revoir la scène, il avancerait dans les rues sans y repenser.

Pourtant, plus il avançait, plus il y pensait. Toutes les questions se bousculaient. Était-ce de la télépathie ? Il devait revoir cette scène à tout prix ! D'un coup, la pluie cessa. Il était reparti dans un souvenir, une vision, une hallucination. Il revoyait son père, encore plus jeune, jouer dans les nuages. À côté de lui se trouvait une vitre. Peut-être que Gakuto verrait enfin par quels yeux ils voient ces choses. Mais il n'arrivait pas à tourner la tête comme il le fallait. Soudainement, un shuriken apparu de nulle part. Il allait tout droit sur Paaskal. Le point de vue avança à toute allure, ne regardant plus rien que le shuriken. Arrivé à sa hauteur, le point de vue ralentit. Était-ce trop tard ?

Non, le shuriken avait dévié. Il se planta dans l'arbre qui se trouvait à côté. Gakuto en était sûr, il ne rêvait pas. Quelqu'un protégeait son père. C'est pour ça qu'il avait survécu. Le clan était décimé, mais un petit gland était resté. Il ferait repousser le grand arbre de la connaissance. Gakuto sentit le vent lui traverser l'oreille. Il se renconcentra. Un shuriken était passé à quelques centimètres de son oreille droite. Il était attaqué, mais il n'avait pas encore repéré la provenance de ce projectile rapide. Rien ne servait de penser, s'il ne survivait pas. Mais qui le protège, lui ?

Ne trouvant pas son agresseur sous cette forte pluie, il se cacha derrière la première maisonnette qu'il vit. S'il ne le trouvait pas, il ne serait pas trouvé. Peut-être qu'il était parti suite à son échec ? Là, il avait pu voir une vitre en face, la fenêtre s'était ouverte. Pourtant, il lui semblait qu'il n'y avait pas de verre, il n'avait pu voir aucun reflet. Comment allait-il connaitre la personne qui lui permettait de voir son père déjà si jeune ? Cette personne devait être bien vieille, depuis le temps ! Son père n'était plus tout jeune. Et un détail échappait à Gakuto. Pourquoi ne voyait-il aucun reflet dans les vitres ?

Gakuto respirait profondément. L'attaque semblait finie. Devait-il sortir de sa cachette et se risquer au dehors ? Les rapports gains/pertes étaient trop faibles. S'il sortait, au mieux il survivrait, au pire il mourrait. S'il restait, dans tous les cas il survivrait. Autant rester là à réfléchir. Qui avait pu voir son père si jeune, de si haut ? Une lourde goutte d'eau tomba sur le nez de Gakuto, l'interrompant dans sa réflexion. Comment le savoir ? Son père n'était d'ailleurs sûrement pas au courant, sinon il lui aurait certainement parlé. Pourvu qu'il revoit bientôt une scène similaire.

Pourtant, ces flashs n'étaient pas maitrisés. Peut-être était-ce d'ailleurs Kugato qui avait trouvé un moyen de rendre Gakuto fou. Devait-il s'y fier ? Tant qu'il ne saurait pas qui lui envoie les images, il ne ferait pas confiance à ses visions. Voilà près d'une demi-heure qu'il était caché. Gakuto risqua son front pour regarder au loin. Toujours personne n'était en vue. Pourvu qu'il n'y ait vraiment personne, car même si Gakuto avait une excellente vue, il avait toujours eu du mal à distinguer les formes étrangères. Gakuto sortit son katana. Il s'en servirait dans un premier temps pour couvrir ses arrières.

Mettant sa lame à l'horizontale, comme pour avoir une vue panoramique, il se risquait toujours plus au dehors. La pluie continuait de tomber, personne ne viendrait à son secours. Mais combien étaient-ils en face ? S'il avait à faire avec l'Akatsuki, il ne vivrait pas bien longtemps. Non, ce n'étaient pas eux, il serait déjà mort. C'étaient toujours les mêmes questions qui revenaient. Gakuto s'énervait. Comment pouvait-il se poser les mêmes questions depuis tant de temps, et surtout ne toujours pas avoir de réponse ? C'était insupportable. Mais il découvrirait bientôt qui l'a attaqué, où il se cache et surtout qui lui montre ces images.

Brusquement Gakuto sortit de sa cachette et courra au plus vite vers une nouvelle. Regardant de tous les côtés pour parer une éventuelle attaque. Malheureusement, à son grand désespoir, il ne vit personne. Tant pis, il devait maintenant être courageux. Attendre encore ne pourrait bientôt plus s'appeler de la prudence, mais bel et bien de la lacheté. Plus lentement cette fois-ci, il sortit de sa cachette. Personne ne l'attaquait, il était maintenant à découvert, c'était l'occasion rêvée pour agir, si quelqu'un voulait le tuer. Mais il avait beau attendre, rien ne se passait. Quand soudain...

Quand soudain il entendit une voix. Ou plutôt deux voix qui se disputaient. Quelques éclats de vaisselles se laissaient faire entendre. Gakuto lentement s'approchait de la bruyante maison. Comment avait-il pu ne pas entendre ce vacarme incessant depuis tout ce temps ? Il devait s'être concentré sur des choses plus discrètes. Pourtant, s'il avait été attentif, il aurait su que la dame s'était emportée et avait lancé, de toutes ses forces, un de ses shurikens par la fenêtre. Il avait ensuite ricoché et, bien que nettement ralenti, il passait ensuite furtivement frôler l'oreille de Gakuto.

Gakuto mit quelques temps pour s'en rendre compte. Mais une fois la situation comprise, il revient à son problème de départ. Qui avait vu son père si jeune, vivait encore et l'obligeait à voir ces scènes ? Il devait penser à autre chose. Il le savait. Il ne trouverait pas la réponse si rapidement, et de toute façon, il ne pourrait pas le faire de son plein gré. Penser à autre chose, mais à quoi ?! Il admirerait peut-être les champignons qui commençaient à pousser, ou résoudrait un petit problème simple. Il doutait cependant de l'efficacité de telles actions. Il savait comme il était difficile d'oublier une musique qu'on a dans la tête, ou d'oublier quelqu'un qu'on ne veut pas oublier.

Ce dont il avait besoin, c'est d'une personne à qui parler. S'amuser pour oublier ces images mystérieuses. Il connaissait bien quelqu'un, mais il ne le réveillerait pas pour si peu. Kugato était redoutable. Et si justement c'était lui qui avait mitraillé Gakuto de ces images pour qu'ils se parlent ? Gakuto connaissait ses méthodes : Kugato lui dirait qui est à l'origine de ces flashs afin d'amadouer Gakuto. Peu importe la source qu'il donnerait, Gakuto serait obligé de le croire et ne pourrait le vérifier. Il devait rencontrer un ami, quelqu'un sur qui compter.

Kugato n'était pas digne de confiance. Gakuto se dirigeait à présent vers sa demeure. Bientôt la pluie cesserait pour laisser place au brouillard. Gakuto ne voudrait pas croiser une foule agitée dans un village en effervescence. Il n'aimait pas voir les gens se piétiner, se souhaiter hypocritement une bonne journée, une bonne soirée, une bonne semaine et dire à tous qu'ils seraient heureux de les revoir. Gakuto le savait, la moitié ou plus ne pensaient pas ces formules de politesse hypocrites. Tout le monde se moquait qu'un inconnu passe une bonne soirée, ils n'avaient que faire que sa journée soit mauvaise. Et les « Au revoir » échangés mielleusement n'avaient pas de signification.

Les vendeurs souhaitaient vendre, les clients voulaient acheter. Certains au plus bas prix, d'autres au plus cher, et d'autres cupidement voulaient faire des économies en achetant au bas prix des produits soi-disant chers. Seuls les commerçants s'y retrouvaient, vendant au prix qu'ils souhaitaient les produits de médiocre qualité, en y ventant un prix excessif suivi d'un rabais afin de ramener le prix à sa juste valeur. Tout le monde semblait être satisfait dans ce monde de mascarade qui ne laissaient que les apparences d'un village parfait, mais qui ne reposait sur aucune réalité. Gakuto ne le supportait pas.

Il préférait se rendre dans le Centre de Calcul maintenant désert. Lui seul arrivait encore à chercher la vérité dans ce médiocre monde. Il savait qu'elle était cachée. Elle adorait se cacher derrière les apparences, tantôt trompeuses, tantôt réelles. Elle se masquait de temps à autres, changeant de formes pour ne pas être reconnue. Souvent l'erreur remplaçait la réalité comme les paroles remplacent les actes. Cette réalité ne se montraient que quand le cœur lui plaisait et pourtant Gakuto pensait que son cœur était réglé comme une horloge. Pourquoi chercher quand la vérité se masque ?

Gakuto essayait de ne chercher que quand elle se dévoilait. Ainsi, il ne faisait que peu d'erreurs et pouvait travailler au mieux les minimes découvertes. Gakuto prenait un malin plaisir à lever le voile sur les mystères scientifiques. Il arrivait à découvrir lentement, progressivement et délicatement. En gardant un rythme mesuré, il avait acquis la capacité de réflexion. Il avait compris le fonctionnement de plusieurs objets étranges. Il n'arrivait pas encore à faire agir des petits objets mécaniques, mais ces robots arrivaient à comprendre approximativement les questions et parfois même à y répondre.

Mais voilà, le système utilisé était très archaïque. Pour poser une question, Gakuto devait pousser des boutons et la réponse était écrite sur une feuille de papier. Le mécanisme ressemblait sensiblement à celui de la machine à calculer que Gakuto possédait. Mais l'invention de Gakuto n'avait pas pour but de faire apparaitre Kugato ou contrôler les autres. Cependant, les questions étaient très limitées : elles ne pouvaient commencer que par Quand, où, qui, quoi, comment et le reste de la question devait déjà avoir été inscrit sur les roues. Les réponses étaient donc très ciblées.

Il était temps maintenant de cesser cette activité. Il avait pris l'air, il avait réfléchi. Sa journée n'avait pas été très fructueuse. Il n'avait toujours pas découvert pourquoi il avait vu son père si petit, ni qui avait réellement vu cette scène. Ça ne pouvait pas être lui. Il était pas encore né. Peut-être qu'un jour, l'origine de Kugato fera surface, et alors Gakuto saurait s'il se peut que l'Autre soit à l'origine des flashs qu'il avait vus précédemment. Il allait maintenant rentrer chez lui, faire le rapport de sa précédente mission à la Raikage, puis il agirait en conséquence.