La nuit s'engouffrait en silence dans les murs de Konohagakure no Sato, laissant son ombre mordre à pleines dents les recoins de chaque maisonnée endormie. Peu de lumières éclairaient la rue déserte que l'on appelait rue principale. Les quelques lampions qui pendaient encore aux porches des maisons menaçaient de vaciller par le froid tenace de la nuit. Hanako s'assit en silence. Le village n'avait pas trop souffert cette année ; les bâtiments anciens qui avaient survécu lui rappelaient le temps qui avait passé, et les structures dont le bois et la pierre n'étaient pas encore détériorés par les âges la projetaient dans le futur et lui rappelaient que tout ce qu'elle avait fait n'était pas en vain. S'il y avait bien une chose à laquelle elle se dévouait, c'était Konoha.

 La Hokage se releva. Les pans de son manteau s'écartèrent en un mouvement fluide, et elle fit demi-tour, faisant face au vide. Enfin, pas exactement le vide. Il était plutôt question d'un terrain bosselé où régnait le silence et le calme. Hanako s'avança, le visage impassible, scrutant les alentours. Il était vrai que par rapport à son prédécesseur, le relief de ses cheveux était plutôt plat et ne ressemblait pas à un dédale de pics et de colonnes penchées qui pouvaient vous embrocher si vous ne retombiez pas au bon endroit lorsque vous sautiez.... elle s'arrêta, pensive, puis se retourna pour s'élancer vers le vide. Ses pieds martelaient la matière formant le haut de son visage de pierre. Ses habits flottaient au vent, formant avec élégance une traînée de tissu de soie derrière elle. Son chapeau s'envola, et tandis qu'elle le rattrapait avec agilité de la main gauche, ses pieds s'envolaient dans les airs. Son ascension dura à peine quelques secondes, et l'attraction terrestre l'attira avec ferveur vers le sol. Elle jeta un regard furtif à son effigie de pierre qui semblait n'avoir pas plus de 15 printemps, puis fixa d'une air amusé les 50 mètres qu'il lui restait à parcourir. Le vent lui fouettait le visage, sa chute faisait remonter en elle l'adrénaline qu'elle avait ressentie lors de plusieurs combats, et le calme environnant apaisait son esprit. Hanako fit un mouvement vif tandis qu'elle.lâchait son chapeau, et de ses doigts frôlant avec une précision extrême son poignet gauche sortit une forme mystérieuse. Ses lèvres remuèrent à peine pour former un ordre qui se perdit dans la pénombre de la nuit :

- Yose. Dâko.

 Le tube en fer noir qu'elle agrippa dévoila le reste de son corps lorsqu'Hanako fit un mouvement large du bras vers le haut. La lance qu'elle venait tout juste d'invoquer s'aggrandit et s'élança au travers de la nuit, alors que son bras se rabattait d'un coup sec vers le bas. Une sorte de liane noire accompagna son mouvement et fila vers le sol. L'instant d'après, la kunoichi ralentissait sa chute et descendait presque avec légèreté vers le sol, impassible. Elle retomba avec agilité sur ses pieds, puis rattrapa le chapeau qui avait fini sa course un peu après elle. Époussetant son manteau, la Hyûga toussota et rit de la blague qu'elle venait de faire à celui qui l'épiait du haut du mont Hokage : il avait dû être pris au dépourvu de l'avoir vue sauter dans le vide. Après tout, sans filet, un Hokage est un voltigeur vulnérable, et ce métier est dangereux lorsqu'on ne possède pas d'ailes, Kage ou pas Kage. Elle sourit en se demandant combien de personnes cette dernière avait étonnées avec sa capacité à voler. Peut-être bien quelques dizaines, ou même des centaines... enfin en tout cas, si celui qui l'épiait était un de ses ninjas, il avait dû être étonné... mais si ça n'était pas le cas, c'était bien embêtant. Hanako soupira. Quel dommage qu'il y ait toutes ces tensions entre les villages. Maintenant, il fallait se méfier de tous les intrus qui entrait au sein de Konoha. Mais il fallait avouer que ces pratiques ne dataient pas de l'an dernier. Elles avaient été instaurées très tôt... la jeune femme réfléchit, le regard porté sur l'horizon. Pourquoi est-ce que l'humanité était aussi compliquée ? Pourquoi fallait-il que les humains se mettent en groupe pour se cracher dessus les uns les autres ? Elle ne trouva de réponse. Après tout, cela faisait 20 ans qu'elle se posait la question. La Hokage soupira une seconde fois, d'un air contrarié.

- Peut-être que je devrais faire quelque chose pour rapprocher tous nos villages... cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu de tournoi rassemblant nos différentes contrées. Les Kage ne se sont pas rencontrés depuis très longtemps.

elle fit une pause, et prit une voix amusée.

Je me demande comment ça se passe dans les autres villages.

 Toujours aussi sentimentale, la Hokage semblait prendre du plaisir à échanger avec des personnages de villages différents. Certaines de ses connaissances dataient de plus de 20 ans, mais elle les considéraient toujours plus ou moins comme des amis de longue date. Soucieuse, elle repensa aux évènements qui l'avaient empêchée de se mettre aux dernières nouvelles. «

Depuis l'histoire de cette guerre d'Iwa contre Suna, je ne sais pas ce qu'il est advenu à Suna. Ils ont été les ennemis de notre allié -... ah, ce cher Ashiro...-, mais bon... je me demande si tout va bien pour ce pro-Gaara. Comment s'appelait-il, déjà ? Soufuku ? ... Avec ce que j'ai entendu, la situation à Suna semble compliquée. Mais j'espère qu'il s'en sortira... Ah.

» Elle soupira en esquissant un dzmi-sourire. «

Est-ce que Naeko et les autres vont bien ? Je n'ai pas eu de nouvelles depuis que Zatoïchi ait disparu, malgré ma persévérance pour en avoir.

» Hanako mit sa main sur son menton, comme pour aider ses réflexions.

- Oui, vraiment... j'aimerais que nous fassions quelque chose en commun. Il faut que je demande leurs avis aux Kage.

 Car oui. Réunir tous les pays, c'était un objectif bisounours qui faisait partie de ce qu'elle projetait de faire dans un futur incertain.

Hanako Hyûga

 Debout en plein milieu d'une ruelle, la Hokage parlait à un interlocuteur invisible. Ses yeux fixés en un point à l'horizon lui donnaient un air faussement sérieux, qui s'ancrait dans une scène à l'ambiance presque mélo-dramatique. Si l'on exceptait que son visage était maintenant connu de tous, n'importe quel passant l'aurait prise pour une jeune femme... étrange. Ou alors, pour une femme si absorbée par son travail qu'elle en penserait en marchant debout. Et en l'occurrence, c'était ici exactement le cas. À la seule différence que la Hyûga n'était, actuellement, pas si absorbée que ça par son travail.

 Hanako, les yeux toujours dans le vague, s'étira un peu. Il n'était pas digne pour une Hokage de faire ce qu'elle venait de faire avec allégresse, mais tant pis. Après tout, après ces deux zigotos qu'étaient Naruto et Itade-sama, ces petits écarts de bienséance pouvaient être largement oubliés dans le compteur de sa dignité. La jeune femme se retourna : au moins, elle pouvait saluer correctement le shinobi qui l'avait suivie jusqu'ici. Elle l'avait senti la suivre, car sa présence se découpait dans la nuit. Et en tant que fier descendant du clan Hyûga, son rapport au chakra se devait d'être plus que développé. Même sans ses byakugans, la Hokage était capable de deviner les déplacements des personnes autour d'elle. Elle pouvait aussi sentir la présence d'un chakra ou d'un individu : une conséquence de son appartenance à son clan, de sa maîtrise du senjutsu et de ses nombreux entraînements passés au dehors du village. Hanako expira. Depuis le temps, le shinobi qu'elle avait senti au sommet du Mont Hokage devait être arrivé jusqu'à elle. Elle savait reconnaître un bruit de course ou de pas, même sans l'aide de ses dojutsus.

 La Hokage se retouna, laissant flotter son manteau, avant de sourire au nouvel arrivant.

- "Hokage-sama, vous allez bien ? Je vous ai vu sauter, et -..."

 Cet inconnu n'était autre que Maya, une jeune chuunin dont elle avait suivi la progression de près. Cette dernière esquissa un mouvement des mains, le regard empli d'incompréhension. Il était vrai que la petite farce de la Hokage n'était pas ce qui se faisait couramment parmi les gens de sa génération et de son rang.

- Aaah, je suis désolée Maya. elle passa la main dans ses cheveux, et eût un sourire embarrassé. Je me suis un peu laissée emporter, excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. Hanako reprit son sourire habituel. Je vais très bien, ne t'en fais pas. Que dirais-tu de m'accompagner faire un tour de garde du village ?

 Tandis que la chuunin laissait sa question en suspens, la trentenaire fouilla dans une des poches intérieures de son manteau, et sortit un petit carnet de feuilles où de nombreuses annotations encombraient les pages. Les lettres noircies et les phrases rayées se succédaient sans ordre apparent. Hanako feuilleta quelques pages et s'arrêta sur un coin particulièrement brouillon, pour lequel elle prêta une attention particulière. Son front se plissa et une très légère ride apparut, très vite remplacée par un haussement de sourcil triomphant : la Hokage venait de retrouver ce dont elle avait besoin. Mais allez savoir ce que c'etait.