...plutôt détaché...
Pour le caractère d'Eizen... Il est assez simple au premier abord. Si vous le croisez quelque part dans Yuukan, il vous paraîtra banal. Un peu râleur, pas méchant, une certaine volonté limitée par une flemme souvent présente. Il est banal j'vous dit !
Bon. Si jamais on dépasse le premier abord, c'est un peu plus complexe. Comme tout le monde en somme. De manière générale, avec les gens qu'il connait, il est assez simple. Il sait mentir et en use fréquemment, parfois un peu trop selon certains, mais il sait aussi être honnête. Il n'est pas vraiment quelqu'un qu'on pourrait qualifier de sympathique bien qu'il lui arrive de faire quelques blagues souvent douteuses. Il est cependant assez direct, sans filtre, lorsqu'il s'agit de quelque chose d'important ou qui lui tient à coeur. Par exemple, avec la musique, il ne plaisante et ne mens jamais. N'allez pas lui demander si votre morceau était joli si vous en êtes à votre troisième leçon de violon, il vous tuera pour vous faire comprendre à quel point c'était mauvais.
Et d'ailleurs,
(Mon dieu quelle transition !) il n'a pas peur de tuer. Jamais. Qui que ce soit. Famille, amis, maîtresses, peu lui importe. Il tuera s'il a une raison de le faire. Il est capable d'annihiler tous ses sentiments pour une personne si elle va à l'encontre de lui sur quelque chose d'important. Bien sûr, il ne tuera pas si vous refusez de lui passer le sel à table parce que vous trouvez qu'il en a déjà trop mit dans son assiette. Enfin... Quoi que...
Avec les gens qu'il connait, il est aimant, mais sait se détacher lorsque c'est nécessaire. Ne l'imaginez pas pleurer votre mort, ce n'est pas son style. À la rigueur, s'il vous aimait vraiment, il dira un mot ou fera une prière, rien de plus. Son seul amour passionnel qui transcende tout le reste est celui qu'il porte à la musique et plus particulièrement à son violon. Jusqu'à ses vingt ans, il en avait un banal auquel il vouait une attention certaine, mais celle-ci a décuplé depuis qu'il a reçu celui qu'il possède désormais des mains d'un grand technophile d'Iwa, Keita Noburu.
Confiant dans ses talents, -les mauvaises langues diront même qu'il est imbu de sa personne- il reste pourtant très prudent dans toutes les situations. S'il peut paraître assez égoïste, il n'hésite cependant pas à appliquer cette prudence à ses alliés. Il fera donc en sorte que rien n'arrive de mal à ceux qu'il cotoie tant que ceux-ci sont de son côté. S'il est direct, il n'en reste pas moins poli la plupart du temps, bien qu'il lui arrive d'être assez cru lorsqu'il est énervé, ce qui par ailleurs est assez rare. Le seul sujet qu'il vaut mieux éviter d'aborder en sa présence si on est pas soit même parfaitement maître de la chose est la musique. Très pointilleux dessus, il ne pardonnera aucune erreur.
Pour ce qui est de sa vision des villages, elle est, là aussi, détachée. Qu'on lui y accorde une place importante ou juste un lit dans une auberge mitée ne change pas son rapport à eux. Il se considère comme musicien avant tout. Il n'a pas d'attaches réelles, son coeur ne s'accroche à aucune cité. Il vit là où il peut jouer de son instrument en paix et en recevant de quoi vivre. Ainsi, s'il est actuellement à Iwa, personne ne peut prédire où il se trouvera la saison suivante.
...qui a vu du pays.
Il existe un certain dicton plutôt connu qui parle de l'hiver. Winter is coming. Oui, vous me direz, c'est évident. Les saisons se succèdent les uns aux autres, dans un cercle perpétuel. Donc ce dicton peut paraître assez stupide. Si on le prend au premier degré. Maintenant, fermez les yeux et imaginez l'hiver. Qu'est-ce que l'hiver sinon la saison des famines, de la mort ? On peut donc dire que l'hiver est la mort, non ? Non. Ce serait réducteur. L'hiver est bien plus pervers que cela, bien plus sournois. Cet hiver, vous pouvez le voir en mon enfance. Oui. Moi, Eizen Veedelstein, ait eut un hiver pour enfance, et c'est pourquoi je ne vous en parlerai pas plus. Winter is coming... Quelle bonne blague. L'hiver est passé, il est là, et il reviendra.
Voyez mon enfance comme une sombre nuit qu'il vaut mieux oublier. Préférez écouter mon violon, lui au moins sait réchauffer les coeurs malheureux et donner vigueur aux moins motivés. Mais par où commencer... Mon enfance je ne vous en dirais pas plus. Cela ne vous concerne pas. Et ça appartient au passé. Je ne me livrerai pas dessus, qu'importe vos méthodes, vos moyens, vos envies. Cela restera un bien du passé.
Donc, pour en revenir à mon histoire, je vais vous parler de ce moment où je suis arrivé aux portes d'Iwa il y a désormais douze ans. Oui, déjà, les règles étaient dures. Les caméras ne vous laissaient pas de répit lorsque vous complotiez contre le Kage. Heureusement pour moi, ce n'était pas mon cas. Je rentrais en ville en tant que simple voyageur, carte ID en main. Je ne connaissais rien de cette cité, et même si j'avais déjà voyagé dans la contrée quelques années plus tôt... Non je ne m'étalerai pas sur le sujet j'ai dit.
Je m'installais dans une auberge pendant quelques jours, pensant repartir bientôt. J'avais presque quinze ans mais je paraissais déjà en avoir vingt. Je dois avouer que j'ai toujours l'air d'en avoir vingt. Je ne sais pas si c'est une bénédiction, une malédiction ou un simple état de fait, mais pour l'instant, je ne semble pas trop vieillir. Ni maturer d'ailleurs, ce qui est moins agréable. J'étais un jeune homme qui passait quelques jours dans une ville qu'il ne connaissait que peu. J'étais là pour découvrir, pour apprendre, pour chercher un but aussi je pense.
La cité était plutôt calme en cette année 108, ou du moins, c'est l'impression qu'elle donnait. Comme je décidais de prolonger mon séjour ici, je devais régler tout un tas de formalités avec l'administration d'Iwa. Par ces temps semblant prospères, je me disais que rien ne pourrait m'arriver. Et ce fut le cas. Rien ne se passait comme prévu. Alors que j'avais déjà un talent certain pour le violon, personne ne se donnait la peine d'écouter ma musique. Rapidement, alors que je venais de finir mes papiers et qu'on m'avait finalement donné ma carte d'accréditation, je me retrouvais sans le sou. Je ne pouvais plus vraiment quitter la ville. Je ne m'en sentais pas la force, sans parler du fait que je n'avais plus d'argent pour voyager. Et oui, se déplacer n'est pas gratuit. Et pour survivre, il est plus facile de rester en place, surtout dans une telle ville. Peut-être que quelqu'un finirait par m'entendre...
Je passais ainsi plus de six mois dans l'attente de quelque chose, de quelqu'un qui m'écouterait et me remercierait pour ma musique. Je développais mes talents de plus en plus, je ne réfléchissais plus à rien lorsque je jouais. Tout était devenu une affaire de sensations et d'oreille. Je n'avais plus besoin de retenir quelle note viendrait après, quel angle donner à mon archer, à quel moment faire les variations en prenant garde à ne pas me tromper de temps pour ainsi éviter les fausses notes. Non, tout cela était derrière moi. Désormais, tout se faisait tout seul. Instinctivement. Avec passion.
C'est peut-être pour cette raison que finalement, quelqu'un me remarqua. Un homme qui devait avoir bientôt la quarantaine. J'appris quelques jours plus tard qu'il s'appelait Keita Noburu. L'homme en question était réputé dans Iwa pour être quelqu'un à la pointe de la technologie. Il disposait de quelques laboratoires où il faisait mener des recherches pour "l'avancement de la science". Un bel objectif, mais celui-ci était souvent représenté par une surveillance plus totale et des armements plus meurtriers. Enfin, je m'en moquais. C'est lui qui m'a aidé à finalement me faire une place dans cette cité de caméras omniprésentes. Il m'a donné de l'argent, suffisamment pour m'acheter de nouveaux habits et tenir plusieurs semaines en ville. Avec ça, j'ai pu redorer mon blason, me montrant sous un nouveau jour.
C'est aussi grâce à cet argent que j'ai pu m'acheter mon masque, celui qui me sert lors des représentations. Non pas que ça protège mon identité, les caméras sont partout, mais ça me donne un air peu commun qui semble marcher depuis plusieurs années maintenant. Comme si les gens souhaitaient me voir un jour enlever mon masque pour y découvrir un monstre de foire... Ils seraient déçus.
Alors que ma renommée grandissait peu à peu et que je commençais à gagner décemment ma vie ici. Iwa devenait elle aussi plus importante. Un secret avait été découvert par le Tshuchikage qui lui permettait de guérir l'incurable. Je n'y croyais pas jusqu'à ce que je vis sortir en pleine forme une jeune fille qui y était entré trois jours plus tôt dans un état indescriptible tant il était horrible. Cet homme avait trouvé un moyen défiant les capacités des dieux ?.. C'était plutôt impressionnant et cela renforçait mon envie nouvelle de rester un peu plus longtemps dans cette ville. Découvrir ce qu'était la source de ce pouvoir me semblait une priorité désormais.
Malgré cette puissance des soins désormais procurés à Iwa, la maladie qui frappa la cité deux ans plus tard ne laissa que peu de temps à ces guérisseurs de miracle qui ne purent sauver tout le monde. On parle de plus d'un tiers de la population de la ville qui serait morte pendant cette année. Un désastre disaient-ils. S'ils veulent. Au final c'est juste quelques morts de plus. Ils auraient très bien pu crever de faim la semaine suivante, étant donné que la plupart d'entre eux venaient des bas-fonds du village caché. Qu'importe. Moi je n'ai pas été touché.
Je continuais de m'entraîner pendant des heures et des heures, donnant des représentations qui devenaient de plus en plus populaires. C'est en hiver 114 que Keita-san vint vers moi avec un présent. Il continuait de venir m'écouter régulièrement. Cette fois, il me parla de remerciement pour tous ces moments de bonheur que j'offrais aux gens, comme si j'en avais quelque chose à faire. Je voulais jouer de mon instrument et en vivre. S'ils aimaient, je gagnais plus d'argent, c'était la seule différence à mes yeux. Je jouais pour moi, et pour moi seulement. Et ça n'a pas changé à vrai dire.
Il est donc venu vers moi un soir après un concert, un étui de violon à la main. Il voulait que j'abandonne mon outil de travail, celui avec lequel je jouais depuis mes cinq ans ? J'allais le renvoyer balader, lui faire comprendre que cela ne comptait absolument pas pour moi. Il me le tendit alors en m'invitant à ouvrir, et c'est là que je le vis.
Allongé dans son contenant couvert de velours bordeaux, cette oeuvre d'art m'appelait. J'avais envie de le prendre dans mes mains, d'en saisir l'archer et de jouer immédiatement. Je n'avais jamais vu de tel instrument, noir, fin. Délicat mais puissant. Rien n'était fait au hasard, tant pour la praticité de l'instrument, son ergonomie, que pour son design des plus modernes. Ainsi, il alliait l'héritage de noblesse et de tradition que représentait cet instrument, le violon, à la modernité, la technologie dont faisait preuve Iwa et lui plus particulièrement encore, Keita Noburu. Il me prouvait son affection avec ce cadeau digne des plus grandes figures de ce monde.
Si je vous disais que je ne m'en sentais pas digne, ce serait mentir. Je n'ai jamais été ce genre de personne, aussi je l'acceptais avec joie, proposant de lui offrir une représentation en remerciement dans quelques jours, dès que je me serai approprié l'instrument et ses étrangetés que l'on retrouve nulle part ailleurs. Je n'étais pas dupe, maîtriser l'oeuvre d'art qu'est cet objet prendrait du temps, mais j'y parviendrais. J'avais su le faire avec le précédent, alors pourquoi pas aujourd'hui ?
Cette conviction au coeur, je me mis à l'ouvrage l'heure qui suivit. J'avais une passion nouvelle, bien plus dévorante que ce que j'avais connu jusque-là. Elle me prenait tout mon temps, je ne me posais plus de questions sur le lieu où j'étais, si j'avais envie d'y rester, si je préférais partir. Qu'importe que je sois vu. Qu'importe le temps que j'y passais, qu'importe les hommes et les femmes qui tentaient parfois de m'approcher, pour un autographe, une photo, parfois plus pour certaines. Jamais je ne leur prêtais de réelle attention. Mon violon était là et ils me faisaient perdre du temps. Évidemment que je leur accordais des moments ! Sinon j'aurai fini seul et sans le sou. Je serai mort il y a longtemps. Et je n'aurai plus pu vivre mon amour. Oui. Je dirais ça. Je suis amoureux, mais pas stupide. Je sais que je ne peux pas lui consacrer TOUT mon temps. Mais mon âme pense toujours à lui.
Ainsi, après des milliers d'heures à frotter et pincer les cordes de ce magnifique instrument, des dizaines de représentations, autant de personnes venues pour me demander des cours qui leur étaient évidemment refusés -je ne suis pas professeur après tout- je me découvris un nouveau talent. C'est lors d'une simple soirée dans un restaurant plutôt riche du quartier qui m'avait requis le temps d'une soirée de noces de personnes soi-disant importantes que je me suis rendu compte que mon violon n'était pas seulement mon meilleur moyen de m'exprimer, c'était également ma meilleure arme.
Alors que je jouais des airs habituels pour ces nobliaux de basse-cour, je me rendis compte que quelque chose était en train de changer. La musique ne s'arrêtait plus au son, elle devenait autre chose. Quelque chose de plus prenant. Alors que ces coincés passaient normalement la soirée à se regarder, se touchant à peine la main sauf pour danser une valse la nuit tombée avec un balai glissé le long de leur colonne vertébrale, ceux-ci se sont pris dans les bras l'un de l'autre, se mettant à danser comme des possédés. Ils furent suivis par tous les autres clients peu après, ne pouvant s'arrêter. Même leurs deux gardes se lancèrent, ne pouvant s'en empêcher. L'air que je jouais était devenu joyeux, entraînant, libérateur. Ils ne se souciaient plus des regards aux alentours, ils dansaient tous. Ils n'étaient plus retenus par leurs moeurs stupides, ils profitaient enfin de la pureté de ma musique. Enfin, ils pouvaient jouir pleinement de mon instrument comme je le faisais toujours.
Je ne les contrôlais pas, bien au contraire. Je les libérais de leurs règles contraignantes. S'ils le souhaitaient, ils pouvaient partir. Mais ils restaient. Pourquoi ? Pour ma musique. Pour mon violon. Pour mon pouvoir. Ils n'avaient pas à s'interdire ce qu'ils désiraient, qu'importe les caméras qui les fixaient. Quelque chose s'était déclenché dans mes doigts, et je choisissais ce que j'en faisais. Je sentais le même genre de pouvoir que celui qui m'avait permis de surveiller mes environs quand j'étais seul pendant l'hiver, perdu, sans nulle part où aller, sans personne pour me guider et me protéger. IL était mort peu de temps après m'avoir enseigné ces bases et ELLE n'était toujours pas venue pour moi. Je ne l'intéressais pas de toute façon. Et si jusqu'alors j'avais une once d'intérêt pour ELLE, ELLE est partie désormais. Je m'en moquais. Ou plus exactement, je l'oubliais.
Les années qui nous mènent jusqu'à aujourd'hui sont alors passées ainsi à une grande vitesse. Je me suis documenté à propos des académies de la cité pour découvrir comment alimenter ce nouveau pouvoir semblant plutôt rare ici-bas, comment le développer, comment exceller toujours plus dans mon domaine. J'ai alors commencé à viser des sites de prestations plus riches, qui m'offrent alors la possibilité de rentrer dans le meilleur -le plus cher- des lieux d'enseignement d'Iwa. Pendant que j'y suis les cours, je continue de jouer en permanence. Je ne me fais pas vraiment d'amis puisque je passe mon temps à jouer pour pouvoir continuer de suivre les différents apprentissages qui me permettent de développer mon jeu mais aussi ma perception de ce qui m'entoure, mes capacités de discrétion et de traque.
En ce jour, je continue de suivre ces enseignements, mais de manière plus ponctuelle puisque mes talents m'ont permis d'obtenir un certain rang. Je me vois alors confier des missions qui prennent de l'importance avec le temps, ce que je compte poursuivre afin de m'améliorer toujours plus dans mon art. Cependant, cette affectation limite mon temps pour jouer, c'est pourquoi je commence à me poser des questions sur la suite de ma vie. Sera-t-elle toujours à Iwa ?