Rencontre sous canicule (avec Yao Yin)

L’homme à la peau bleutée avançait à grands pas dans les rues du village en ruine il y a encore peu. La dernière fois qu’il était passé, la lave s’agitait, la montagne tombait et la terre se retournait sous les assauts de l’androgyne sans nom et aux pouvoirs bien trop importants pour un humain, et il avait simplement disparu aux côtés de la patronne des lieux, quittant le champ de désolation pour entrer dans un autre type de champ de bataille, plus axé sur le médical celui là. Près d’un mois était passé et le village était en pleine reconstruction, les poutres apparentes de certains bâtiments bien posées et prêtes à recevoir le reste de la structure alors que d’autres étaient déjà achevés. Un travail rapide et assez efficace, même s’il n’avait guère le temps de vagabonder dans les rues pour admirer le paysage. Il ne venait que pour une raison, et il avait bien l’intention de quitter le lieu aussi rapidement qu’il était venu, sa fille à ses côtés de préférence.

Sauf qu’au final, les choses ne se passent que rarement comme prévu, et alors qu’il marchait à vive allure, un gamin brun se permit de sortir d’un bar sans faire attention et de le percuter. L’homme était pourtant massif du haut de ses deux mètres dix de muscle, mais le jeune homme était sans aucun doute lui même perdu dans ses pensées. Manque de temps, l’envie de politesse lui manquait également, sa seule hâte était de pouvoir revenir au ryokan auprès de Murasaki avec sa fille, une rencontre qui ne manquerait très certainement pas de piment, comme à quasi chacune de leur discussion finalement, l’homme opta pour le ton bourru et agacé qu’il avait si souvent utilisé pour gérer les petites frappes lors de sa période de soldat sans faction, d’autant plus que le regard scrutateur du gamin ne lui plaisait guère.

“ T’as pas les yeux en face des trous gamin? Dégage vite fait avant que tes tripes finissent en collier pour chien. ”

Qui il était? Se montrer violent? Le rire monter dans la gorge de l’homme à la peau bleutée. Il y a moins d’un an, un abruti pareil aurait reçu une gifle qui aurait envoyé sa tête valdinguer à quinze mètres de son corps. Aujourd’hui? Le mercenaire n’avait pas le temps de faire le con, pas l’envie de massacrer un gosse qui pétait plus haut que son cul et qui voulait sans doute juste défendre son foyer, et enfin avait plus ou moins promis à miss Namikaze de rester discret histoire de ne pas les compromettre tout les deux. Le plus simple? Rester agressif, rester sur l’offensive et lui laisser un choix plus que clair.

“ Yao. J’ai une course à faire. Alors maintenant, je vais te laisser deux options merdeux. Petit a, tu te calmes de suite et on peut eventuellement discuter en marchant, auquel cas tu auras peut être, ou peut être pas, ce que tu veux savoir de façon plus précise. Petit b, tu continues de me casser les couilles, et là, ça va mal finir. Pour faire simple, ta tête va partir à quinze mètres de ton corps, je me servirais de ta colonne vertébrale comme ceinture et de tes yeux comme source de revenu. Capice?”

Et ces yeux rouges, encore. C’était la mode actuellement? Ou alors il avait un don pour les attirer? Deux fois en une semaine, d’abord Murasaki avant de partir, maintenant ce gamin qui croyait que ça lui donnait du pouvoir. Il attendait le jour où une paire d’yeux rouges l’empêcherait de coller une baffe suffisante pour décoller la tête des épaules d’un crétin assez fou pour le faire chier. Croisant ses bras épais sur son torse, le mercenaire attendit la réponse du gamin, et gare à lui si celle-ci ne lui plaisait pas.

Bon, le gamin n’était pas complètement con, ou au moins pas suicidaire. Il s’était soit rendu compte qu’une baffe du colosse suffirait à l’anéantir, yeux rouges ou pas, ou bien que même s’il jouait à domicile, il avait beaucoup plus à perdre que lui, figurativement du moins. Se battre ici aurait causé un chaos monstre tué des civils, abattus des bâtiments à peine reconstruits et encore affaibli son village au moment où il en avait le moins besoin autant dire que ce n’était clairement pas la meilleure des idées. Yeux rouges redevenus noirs, il se contente de marcher quelques instants avant de reprendre la parole, avançant des propos… erronés. Pas né de la dernière pluie? Aux yeux du mercenaire, il restait un gamin de même pas vingt ans, un gosse quoi.

“ J’ai dit une course, pas des courses, débouche toi les oreilles. Encore que…”

Le poids familier et désormais manquant de l’acier enroulé autour de son bras manquait au cyanosé, et il se morigéna. Des courses finalement, il avait besoin du bout de métal acéré à ses côtés.

“ OK, j’ai rien dit, des courses. Il me faut le meilleur putain de forgeron de la ville et l’endroit le plus haut, sur lequel j’aurais une vue sur tout le patelin, j’ai besoin de retrouver quelqu’un.”

Quelqu’un ouais. Et ensuite, il allait la ramener avec lui de gré ou de force, plus probablement de force, dans les cris et la douleur. Dommage pour elle.

Pas d’embrouille de la part du gosse, qui amena effectivement le mercenaire auprès du forgeron, dont l’échoppe s’ornait fièrement d’un panneau indiquant qu’il fournissait notamment la police et la plupart des shinobis de Konoha. Un gros nom de la forge locale donc. Sans un mot, et donc sans répondre aux questions du jeune homme, l’homme entra dans le bâtiment, jetant un regard expert sur les armes aux murs. Sabres, lames plus ou moins longues, armes contondantes, shurikens, kunais, tout un arsenal qui s’étalait ainsi aux yeux des acheteurs potentiels. Ne trouvant pas ce qu’il cherchait, le cyanosé s’adressa directement au gérant, un homme entre deux âges, sec et nerveux, un corps inattendu pour un forgeron.

“ Je cherche de l’armement précis, j’en ai pas vu sur les murs. Chaîne longue, comptez environ trois mètres, épaisse, et un crochet effilé au bout. Le genre qu’on va trouver chez un boucher pour qu’il y accroche sa viande vous voyez. Vous avez ça en stock?”

L’autre lui renvoya un regard circonspect, vaguement décontenancé.

“ C’est assez précis effectivement. J’ai pas ça en magasin, mais si vous me laissez une petite heure, je peux modifier un kusari-gama pour répondre à la commande. Sinon je peux vous renvoyer vers mes collègues, ils auront peut être ce que vous cherchez.”

“ J’vais vous demander de retoucher du coup ouais, j’suis pas à une heure près. Ça vous gêne si j’attends là?”

Un signe de tête plus tard, l’homme appela un clerc pour s’occuper de l’avant du magasin alors que lui même partait à l’arrière s’occuper de la commande inhabituelle.

“ Du coup gamin, t’avais des questions nan? J’écoutes, et si t’es sage je réponds.”

Les questions du gamin étaient logiques, mais apportaient sans qu’il le sache beaucoup d’informations au mercenaire retraité. Le simple fait de lui demander qui il recherchait prouvait qu’il était temporairement à l’abri, que son visage et ses caractéristiques n’avaient pas encore été répandus dans Konoha pour recherche, et que certains détails qu’il aurait été gênant de révéler étaient encore tenus secrets, puisqu’aucune enquête n’avait encore été menée. A moins que les bas gradés ne soient simplement pas encore au courant, c’était une autre possibilité. Une enquête révèlerait elle seulement ce qu’il venait chercher? Pas sûr. Il pouvait bien baratiner ce qu’il voulait, le gosse n’en saurait rien au final. Maquiller la vérité, par réflexe entre autre, et par pure volonté de le taquiner, de l’utiliser sans laisser de traces. Une fois qu’il serait parti, il serait trop tard pour le rattraper de toute façon, et il ne comptait pas remettre les pieds à Konoha alors… Il soupira d’un air faussement contraint, comme s’il estimait devoir quelque chose à l’Uchiha pour ses “services”.

“ Je viens chercher ma fille, Fang. Sa mère m’a fait parvenir un message sur son lit de mort, m’a fait promettre de m’en occuper. Elle a été gravement blessée pendant l’attaque de Kami, du coup j’vais devoir prendre mes responsabilités de père maintenant… Quel con j’ai été tiens…”

Il détourna le regard vers la gauche, là où le forgeron était parti pour modifier son armement, un air pensif sur le visage. Pas qu’il l’était vraiment au final, ce n’était qu’une façade, attendant la réaction du Konohajin. Agressive? Il ne le serait sûrement pas, il n'avait pas encore donné de raison pour cela. Méprisant? Peut être, et si en temps normal le cyanosé aurait rompu la nuque de quiconque aurait osé le regarder ainsi, il prendrait aujourd’hui sur lui. Il n’avait ni le temps ni l’envie d’être contraint à rester à Konoha, et il avait promis à une jeune femme de ne pas faire de vagues.