Clapotis apaisants (pv. Kyo Senju)

Sacrifié sur l'autel du bien commun, cela faisait deux jours que Yui n'avait pas dormi, bien trop occupée à aider un maximum de personnes possibles. Pas plus tard que ce matin-même, elle aidait une personnage âgée à se laver, après quoi elle a amené des en-cas aux maçons et aux menuisiers en pleine activité.

Depuis ces derniers jours, le village de Konoha reprenait progressivement son apparence initiale, surtout depuis que les financements du Daimyo étaient arrivés. Ci et là de vrais bâtiments sortaient de terre un à un et les commerces reprenaient lentement leur rôle de moteur, bien que la solidarité occupe toujours l'essentiel des relations entre les habitants. Et Yui en était l'incarnation.

Elle se démenait chaque jour qui venait, bien que ce ne soit que des tâches que l'on pourrait qualifier de triviales, car elle n'a guère les capacités pour mener à bien les tâches importantes. Mais c'est bien là le principe de solidarité, c'est que tout un peuple se serre les coudes, que tous se soutiennent, et Yui faisait de son mieux pour satisfaire tout le monde. Elle apportait la joie chez les enfants lorsqu'elle s'occupait d'eux, la satisfaction chez les travailleurs, et le bonheur aux personnes âgées.

Une réputation commençait même à naître autour d'elle. Certains l'appelaient le "Sourire" ou le "Soleil" de Konoha. Son minois illuminaient les visages des autres konohajins, et son sourire était même très contagieux, plus encore : son rire. Ses longs cheveux blancs facilement repérables étaient parfois guettés. On venait même la voir, juste pour profiter de sa présence joyeuse et enthousiaste.

Mais pour l'heure... elle s'était isolée à proximité du domaine Senju, peu touché lors des événements qui se sont produit à Konoha. Elle avait trouvée un coin d'eau tranquille, un endroit de nature propre, à l'écart des constructions, des bruits de travaux, mais aussi des regards et des requêtes. Juste un moment, pour elle. C'était peut-être égoïste, et c'était bien l'impression qu'elle avait là, mais elle voulait juste se recueillir un moment, pour respirer.

Expirant, et trempant ses petits pieds nus dans l'eau d'un ruisseau devant lequel elle était assise, elle profitait d'être dissimulée par quelques arbres pour profiter de la fraîcheur d'une journée de printemps. Il était probablement midi, et elle entendit au loin le brouhaha des chantiers s'estomper rapidement. Elle s'allongea, sans prendre peur que sa robe blanche aux liserés violets ne soit tachée, après tout elle risquait déjà de se tâcher tous les jours. Peu importait.

Elle respirait doucement, regardant les cieux aux nuages clairsemés. Le printemps de cette année était assez chaud, et laissait présager un été terriblement ardent. Bras nus, elle les étendit devant elle, vers le ciel, pour simplement s'étirer... avant de fermer les yeux, de reposer ses petits bras, et de se reposer un moment. Elle profita du son de la brise et du feuillage des arbres bruissant et agita ses pieds dans l'eau, barbotant quelque peu en émettant quelques clapotis qui vinrent se joindre à l'ambiance rassurante de cette nature paisible.

Allongée sur l'herbe douce, la brise venait effleurer son visage satiné comme un duvet moelleux rafraichissant. Elle se permit un sourire de contentement, et même soupir doucereux avant qu'un agréable sifflement ne vienne s'ajouter à l'environnement sonore si plaisant. D'abord fronçant légèrement ses petits sourcils immaculés finement constitués, elle finit par rouvrir ses petits yeux lilas, contemplant un instant le ciel bleu parsemé de quelques nuages clairsemés, légers, comme des petites boules de soie qui volent dans l'alizé.

Le sifflement devint plus proche, et plus reconnaissable. Ses doutes se confirmaient à présent. Ce n'était ni un oiseau, ni l'effet du vent dans les feuillages. La mélodie était vernale, gaie. C'était un homme. Aussi cette reconnaissance sonna comme une alerte immédiate. Comme un ressort, Yui redressa son dos aussitôt, restant assise les pieds dans l'eau tandis que ses clapotis s'estompaient. Elle osa espérer qu'il ne l'avait pas vue ainsi, paressant et somnolente, assoupie. Elle avisa... l'Hokage qui venait de s'asseoir à côté d'elle avec un sourire aux lèvres.

Yui écarquilla soudainement les yeux en reconnaissant ce faciès familier, aux cheveux qui lui étaient semblables, bien que plus cendrés tandis que les siens tiraient sur des reflets tout aussi lilas que ses petites prunelles étonnées s'aventurant dans le regard sanguin de Kyo Senju. Elle entrouvrit ses fines lèvres, son expression entière démontrant désormais son étonnement. Elle était bouche bée.

La voix masculine retentit, puis un rire, se fondant tout pareillement dans l'univers sonore de ce jardin aux allures de perfection. La brise souffla quelque peu, soulevant les volants de sa légère robe qu'elle vint applatir contre ses cuisses des deux mains en rougissant. Elle reprit rapidement ses esprits, avant de paniquer subitement et de commencer à se relever quand elle croisa le regard de l'Hokage, très expressif, et qui lui intimait de ne pas se formaliser. Elle resta ainsi, un pied hors de l'eau en s'apprêtant à se redresser, quelques secondes, comme si elle réfléchissait, avant de se rasseoir dans la même position qu'auparavant, replongeant son pied dans l'eau fraiche. Les yeux détournés, elle ne savait désormais plus quoi faire.

Elle finit par le dévisager à nouveau tandis qu'une nouvelle brise vint s'immiscer dans ses cheveux comme la fois précédente. Elle baissa la tête comme pour protéger son faciès des attaques capilaires, attendit que le le vent cessa.

- Je suis désolée, Hokage-sama... si vous vouliez être seul... elle bredouilla quelque peu avant de poser les yeux sur le ruisseau dans lequel se reflétait le ciel bleu, et qui donnait à cet environnement un aspect de songe. Je... je peux partir si vous le voulez...

Elle ne bougea pas d'un cil tant qu'elle n'en aurai pas reçu l'ordre. Quelque peu crispée, les mains jointes sur ses genoux nus, les jambes liées et le visage légèrement baissé, elle paraissait timide. Son regard ne quittait pas le ruisseau, où l'on voyait dans l'eau aux allures céleste, les silhouettes divines des poissons qui semblaient traverser les nuages et qui approchaient avec hésitation les petits pieds de la jeune fille.

Autour d'eux, le Printemps était omniprésent, le bruissement des feuillages, l'eau ruisselante, le sifflement des oiseaux qui poursuivaient la quasi-même mélodie que l'Hokage avait lui-même sifflé, le bourdonnement des abeilles, les ailes des papillons qui volaient de-ci de-là. Bien malgré la panique qu'a fait naître en elle la présence impromptue du Jûichidaime, tout cet idéal, ce jardin d'Éden, lui faisait lentement abandonner ce trouble passager.