Entraînement à l'aube

Le lendemain matin, je me levai du bon pied. Je passai d'abord tôt à la bibliothèque pour emprunter quelques tomes de la série «Tout savoir sur l'Iroujutsu» et les lire au calme. Je rentrai ensuite chez moi et, mon père étant en repos, je lui demandai de m'aider à m'entraîner à la Tempête d'hirondelles. Il accepta avec joie, sans doute parce qu'il aimait passer du temps avec moi, et que ces moments se faisaient rares, depuis que j'étais devenue genin.

Nous nous dirigeâmes donc jusqu'à l'aire d'entraînement, qui n'était pas bien éloignée de notre foyer. En arrivant là-bas, nous nous mîmes tout de suite au travail, en employant la même technique que la veille. Rien ne progressait, le problème persistait. Je m'assis quelques minutes pour réfléchir.

«Exposons la problématique : actuellement, en utilisant ma technique, j'utilise mon chakra pour invoquer les hirondelles et pour les maîtriser. Or, je souhaiterais seulement les invoquer et leur donner une volonté qui leur est propre.» Je réfléchis encore quelques instants, avant de trouver peut-être une première piste. «Il est impossible de leur donner une volonté, étant donné qu'elles ne sont que des invocations mineures. Mais il m'est peut-être possible de leur transmettre ma volonté d'attaquer une cible. Mais comment faire ?»

Je réessayai d'utiliser ma technique en puisant encore davantage dans mes réserves de chakra. Malheureusement, ça n'eut pour effet que d'amplifier légèrement leur rapidité. Comparé au trou béant que j'avais créé dans mon énergie, cette augmentation de vitesse n'était pas rentable. Je décidai alors de questionner mon père.

- Kento-chichi, comment pourrais-je transférer ma volonté à mes hirondelles de glace ?
- C'est une bonne question, ma fille. Je pense que ça doit être faisable en utilisant le chakra comme intermédiaire.
- Comment cela ?
- Hé bien. Il est possible de transférer son chakra d'un corps à un autre, tu le sais bien. Un peu comme en utilisant une technique d'Iroujutsu. Mais transférer son chakra à un corps sans vie invoqué par un jutsu est bien plus facile que de le transférer à un corps vivant.

Suite à notre petit dialogue, je tentai de nouveau ma chance. Cette fois-ci, j'essayai de transférer mon chakra aux oiseaux givrés après leur invocation. Je les envoyai vers un panneau, comme d'habitude, mais en maintenant mes bras élancés dans la direction ciblée un peu plus longtemps. Cette fois-ci, en baissant mes bras, les hirondelles continuèrent sur leur lancée, approchant grandement du panneau... jusqu'à retomber au sol et à se briser en mille éclats de glace.

- Presque ! Tu y étais presque ! Bravo. Il te suffit maintenant d'un peu plus d'entraînement à répéter ce mouvement, je pense. Continue.

Enfin ! Mes efforts portaient enfin leurs fruits. Je passai donc près de deux heures à répéter cette combinaison, et les hirondelles s'approchaient de plus en plus du panneau. Jusqu'à finalement le toucher. Mon père lâcha les deux bâtons et se précipita dans mes bras pour me féliciter. J'aurais tellement aimé que Yokei-sensei voie cela. L'épuisement eut raison de moi, jusqu'à ce que je tombe sur les fesses. Répéter une même technique toute une matinée était épuisant !

- Rentrons à la maison pour manger un bon repas. Tu l'as bien mérité.

Nous retournâmes donc chez nous et mon père commença à préparer le dîner, quand soudain, quelqu'un frappa à la porte. Mon père l'ouvrit, curieux de savoir de qui il pouvait s'agir.

- Bonjour, Kento-san. Je viens pour parler à votre fille au sujet de Yokei Aoki.

Je m'accourai aussitôt vers la porte d'entrée, pressée de savoir pourquoi on me délivrait un message à propos de Yokei-sensei.

- Ton maître a eu un accident lors de sa mission. Les équipes médicales font de leur mieux pour le remettre de ses blessures, mais il y a de grandes chances qu'il reste paralysé un certain temps. Il ne pourra donc plus assurer ta formation. Nous allons nous charger de te trouver un nouveau sensei.

Je fus sous le choc. Cela me rappela amèrement le soir où quelqu'un était venu nous annoncer le décès de ma sœur, Madoka. Après avoir remercié le messager d'être passé me prévenir, je fonçai vers l'hôpital pour prendre des nouvelles de Yokei.

Il était tôt. Encore plus tôt que les autres jours. Ma visite d'hier soir à l'hôpital m'avait bien fait comprendre que Yokei-sensei ne pourrait plus être mon maître, dorénavant. Je faisais foncer avec amertume mes hirondelles de glace sur un des panneaux que mon père tenait. Mes sentiments amplifiaient curieusement la puissance de ma technique, au point que je ne ratais plus jamais l'élancée de mes invocations. Elles changeaient maintenant de direction sans que je le leur ordonne. Ma volonté de toucher la cible se transfusait à travers mon chakra dans mes oiseaux de givre. Voyant mon expression dépitée et ma colère à travers mes assauts, mon père intervint :

- Yumi, je sais que cette nouvelle t'a quelque peu brusquée. Peut-être faudrait-il passer à autre chose et trouver un autre sensei ? Les médecins ont clairement dit que même si il sortirait du coma sous peu, il serait incapable de bouger avant des mois, si ce n'est pas définitif. Tu ne peux rester inactive aussi longtemps, surtout à ton âge. Il y a bien quelqu'un d'autre pour toi ici.
- Kento-chichi... Il est trop tôt pour moi. Ce ne sera plus jamais comme avant. Yokei-sensei est un homme formidable. Je vois mal quelqu'un d'autre m'enseigner le ninjutsu.

Sur ces mots lâchés d'un ton sec et amer, quelqu'un vint interrompre la petite discussion entre père et fille. Il s'agissait du même homme qui était venu nous annoncer la terrible nouvelle, hier.

- Kento-san, dit-il en s'inclinant devant mon père. Yumi-san, nous vous avons trouvé un nouveau sensei. Il sera disposé à vous rencontrer dans le Bureau du Mizukage d'ici quelques heures.
- Déjà ? Content que vous vous en soyez chargés. Qui est-ce donc ? reprit  mon père, interrogé.
- Il s'agit ni plus ni moins de Hayabuza Ryuku, notre Mizukage. Votre cas l'intéresse et il est tristement et profondément désolé de ce qui est arrivé à Yokei Aoki.

Sur ces derniers mots, j'écarquillai les yeux comme jamais je n'aurais cru le faire. Ma bouche était grande ouverte en «O». Sur le moment, je ne sus que répondre et fixai le shinobi sans rien dire, l'air éberlué. Qu'est-ce que le Mizukage pouvait bien vouloir de moi ? Je savais que c'était un honneur de recevoir une telle proposition de la part du meilleur ninja du village, mais je ne comprenais guère pourquoi il m'avait choisie, parmi tant d'autres genin. Peut-être parce que j'étais la seule à avoir subitement perdu mon sensei ?

Si il s'agissait bien de pitié, je ne pouvais accepter son offre. Si jamais Yokei venait à ne pas se rétablir, j'aimerais que mon nouveau sensei m'accepte à ma juste valeur, et non pas parce que j'avais perdu mon modèle de vie. Je ne pris donc pas la grosse tête et restai calme. Peut-être que mon cas l'intéressait vraiment ? Le Hyôton était une affinité rare, ces temps-ci, après tout. C'était sans doute dû au fait qu'elle avait été longtemps strictement interdite à utiliser. Le Godaime Mizukage, Meï Terumi, avait levé cette interdiction. Aujourd'hui, un ninja comme moi pouvait prospérer librement dans le monde actuel sans risque de se faire décapiter pour l'utilisation d'une «affinité interdite».

Après ma longue réflexion, pendant laquelle j'avais toujours maintenu mon expression surprise, j'acceptai de rencontrer le Mizukage. Cet entretien risquait d'être étrange pour moi, mais si une personne méritait bien d'être écoutée, c'était bien le Chef du village. Ainsi, je me dirigeai, en compagnie de mon père et du messager, vers le Bureau du Mizukage.