[Entrainement solo] L'art de chasser l'Outenda

Technique concernée:

Il y a de cela plus de vingt et un ans ...

Pour quelle raison ne faisons-nous pas partie des bretteurs ? C'est simple ...

Cette seule seconde d'hésitation au fil de ces mots laissa en moi une marque de curiosité qui chaque jour dessinait une nouvelle voie, difficile à appréhender encore de cet esprit juvénile ... Surement trop hâtif dans mes jugements. Là, au milieu de ce territoire rempli de créatures primitives, mon paternel s'obstinait à m'enseigner un maniement spécifique dont les fondements se méprenaient facilement à ceux des sabreurs, d'où cette interrogation. Du moins, l'idée ancrée au fond de mes pensées établissait la comparaison sans y chercher réellement de subtilité, quand bien même ces escapades dignes de maraudeurs me galvanisaient au plus haut point, en compagnie de cet homme depuis toujours admiré. Je devais savoir, avant de prêter un engagement inébranlable.

Tu n'es pas un soldat. Regarde autour de toi. Concentre-toi sur ta condition. Quand un simple fantassin cherche à emprunter un sentier déterminé plutôt qu'une route tortueuse, la route se transforme pour toi en un sentier. Cela fait combien de temps que nous marchons désormais ?

L'exemple paraissait simpliste au départ, presque négligeable. Pourtant, lorsque le paysage se présenta sous de nouvelles parures face à une prise de conscience soudaine, je perçus enfin la distance nous séparant du village et surtout l'absence de gêne notable durant le trajet. Aucune route ni aucun dédale bâti par les mains de nos confrères ne se situait sous nos pieds afin de préserver l'usure liée aux roches abruptes, aux marécages de sables mouvants, aux surprises venimeuses ... L'unique protection résidait dans les enseignements prodigués par le chef de famille lors des précédentes excursions, devenues instinctifs avec le temps et la pratique. Ma personne s'avéra trop excitée par la tension et la découverte pour considérer l'origine de cette évolution, contrairement aux autres combattants habitués aux batailles rangées. Notre lignée ne se contentait pas de ce concept. Abandonner l'identification, repartir à zéro ... Mieux valait partir sur cette base pour le moment. Ainsi cessa la discussion, suite à quoi la trotte reprit sous un silence contemplatif, avec l'équipement adéquate en cas de pépin. Depuis plusieurs jours, la bestiole désignée comme proie se faufilait sur son habitat naturel quand nos silhouettes dissimulées parmi les buissons et les arbres s'obstinaient à l'observer en quête d'informations avant de se lancer à sa traque. D'après sa taille et ses aptitudes, la lance et les shurikens géants ne constituaient pas vraiment un luxe dans l'optique d'en venir à bout. Même moi, doté d'un zèle inné dans le domaine du courage ressentait ce doute sur l'efficacité des moyens à dispositions. Malgré cela, le grand guerrier à mes côtés semblait particulièrement confiant ... Comment ?

Bien … On va s’arrêter un petit moment. Fait un tour du périmètre pour sécuriser la zone, on va installer un campement provisoire.

Toujours rien ... Cela m'énervait en un certain sens, de subir encore et encore l'attente sous le prétexte de la sagesse, alors que l'on possédait la possibilité de passer à l'essentiel. Tant de cachotteries, tant de révélations au compte goûte ... Jamais cette soif ne cessait, quitte à doubler au fil de ces périples. Mais sans autre choix que de me plier aux exigences, je m'appliquais immédiatement à accomplir ces directives en une routine propre au métier de chasseur. L'endroit semblait plutôt calme, débarrassé des tumultes issues d'affrontements entre différentes espèces, de par un climat qui destinait cette période à la recherche d'eau et d'énergie. Impossible de ne pas suffoquer sous cet été intense, accentuant l'humidité combinée à une chaleur imposante, jusqu'à rendre la moindre respiration éprouvante. Sans même accomplir d'efforts intenses, ma peau exposait déjà un aspect étincelant sous les rayons impitoyables du soleil ... L'un des climats les plus exécrables sur la surface de cette terre.

L'analyse laissa rapidement place à l'installation de pièges rudimentaires à partir des éléments à dispositions, afin d'être alerté en cas d'intrusions. Des bricoles, à l'exemple de ces fils d'acier parcourus de branches plus ou moins creux prêts à résonner en cas de mouvement, ou encore ces pics confondus à la verdure épaisse sur le sol capable de faire crier n'importe quel prédateur de taille raisonnable. Malheureusement, le danger effectif risquait d'ignorer aisément ces barrières rustiques, puisque de la famille des insectes ... Les moustiques et autres petites fouines porteuses de maladies étaient de loin les plus redoutables en ces lieux.Pour l'instant, ce domaine dépassait largement l'étendue de mes connaissances, ce qui réservait ces méthodes à mon professeur. De ce fait, je décidai de retourner au point de départ, histoire de suivre la suite du plan ... Et quand j'eus atteint le parterre transformé en un petit coin confortable, avec ici et là certaines ressources assemblées en peu de temps, ma surprise se dessina fièrement au sujet de la rapidité de ce champion reconnu, déjà posé en tailleur sur le sol à profiter du calme. Ce dernier ouvrit subitement les paupières, avant de m'appeler d'un signe de la main, là où l'on se prêtait habituelle au repos sans forme d'échange verbale ... Intriguant.

Tiens, prends place devant moi. Tu vas me résumer tout ce que tu as appris sur notre proie.

Pas le moment de baisser sa garde. Cette initiative ne consistait pas à m'amadouer, juste à me tester. Fronçant les sourcils, je m'installai alors, d'un air très sérieux.

Ce n'est pas un prédateur forcené. Au contraire, il ne semble pas trop destiné à dominer son territoire au-delà de ses besoins. Sa taille et sa constitution indiquent une certaine lenteur, mais je doute. Ne l'ayant observé que dans un environnement calme, ses tactiques de combats me sont inconnues. Cependant, ses griffes et sa queue aux formes étranges indiquent une évolution portée sur la confrontation. Aucune cuirasse apparente, mais aucune blessure non plus. C'est étrange ...

Tu l'as remarqué, hein ? Comment une créature si vulnérable peut circuler indemne ainsi ? C'est une belle analyse. Cependant, je te le dis de suite. Seul, tu n'as aucune chance en l'état.

Soudain, mes iris s'agrandirent sous cette annonce, après quoi je fronçai les sourcils de par une rage envahissant l'ensemble de mon être, incapable de me laisser écraser par ces mots. Cependant, l'élan cessa aussi vite ...

Pas sans la méthode spécifique pour le vaincre. Cette créature est un Outenda. Tu dois t'en souvenir. Oui ... Cela n'y ressemblait pas, puisque bien plus jeune. C'est bien leurs caractéristiques, les jeunes et les âgés sont trop différents.

Un ... C'est un OUTENDA ?

Comment ne pas oublier cette lutte ... L'un de ceux ne figurant pas sur mon tableau de victoire. Ce jour-là, la bête sortie de nulle part, inconnu de nos bataillons encore trop inexpérimentés, aux faiblesses et aux avantages à étudier sur le tas. Elle nous prit de court de par une agilité exceptionnelle, en dépit d'une apparence non adaptée à ce genre d'enchaînement. Maintenant, je réalisais l'existence d'un talent identique en bien plus impressionnant sans doute, à s'en fier aux proportions de la cible ... Rien à faire, sauf s'avouer vaincu en se remettant à la tactique du doyen.

Oui ... Et le nôtre est encore plus agile cette fois. Il possède une faculté étonnante à parer et esquiver les projectiles simples, grâce à la forme de sa queue qui alterne protection et tranchant, un peu comme un hachoir malléable. Tu ne peux pas le vaincre par magie ... Viens, je vais te montrer le seul coup qui pourra t'aider.

Sans attendre, mes jambes et mes bras poussèrent mon corps vers le haut afin de le suivre tel un enfant, face à un savoir inaccessible sauf via la transmission. Je devais m'estimer heureux, sachant que ces techniques nous provenaient directement du monde extérieur, depuis le retour de mon ancêtre ... D'où cette attention doublée aux moindres gestes de mon paternel.

Si je t'ai tant entraîné au lancer d'arme ... C'est pour ce jour. L'Outenda dispose de sens très devellopés, surtout pour éviter les attaques et coordonner sa défense. Lui lancer des projectiles dessus, même dans le dos sera inutile. Pire, il les évitera sans stopper son élan. Ta seule solution est de le tromper, afin d'atteindre sa peau fragile. Observe.

D'un geste sec, le vagabond aguerrie dégaina un shuriken fuma d'un acier extrêmement tranchant, puis sembla se concentrer un minimum ... La tension s'installa rapidement, sur l'écoute de ce vent porteur de soulagement, jusqu'à armer sa main avec précision. D'un coup, le projectile imposant prit son envol jusqu'à un arbre situé non loin, sur lequel mon regard se fixa sans le lâcher d'une semelle. Bim ! Les lames aiguisées sur les bords de l'anneau centrales vinrent éclater le bois, d'une coupure net ... Non, deux coupures ! En même temps ? Impossible, pas avec une seule arme. De quelle façon ? Ainsi, abasourdi, m'exclamai-je envers lui.

Deux entailles ? C'est impossible ! Je n'ai vu qu'un seul Shuriken ! Comment ? Comment avez-vous fait père ?

Il afficha alors un sourire sur le coin des lèvres, content d'avoir pu impressionner sa progéniture si énergique. Simple, mais diablement impressionnant.

Il s'agit de la technique du Kage Shuriken, ou du Shuriken dans l'ombre. Je n'ai pas lancé un Shuriken mais bien deux ... Seulement, l'un se cachait en dessous de l'autre, dans son ombre. Pour parvenir à ce résultat, tu dois te concentrer sur la vitesse de lancer, et ainsi adapter le timing de l'un par rapport à l'autre ; Une fois ce principe maîtrisé, les deux ne sembleront faire qu'un. Je veux que tu t'y entraînes ici, trouve le bon rythme.

Aaah ! Mon sang bouillonnait tout d'un coup, avec le génie de ce tour de passe-passe imprévisible. La détermination enfouie au fond de cette âme en reprenait un coup, s'empressant de ramasser le matériel nécessaire, afin de débuter les essais. Pour dire vrai, je n'avais aucune idée du dosage au niveau de l'impulsion à donner, si ce ne fusse en une vague intuition. Réussir, réussir, réussir ... Un premier tir ! De ces muscles en pleines croissances, mon bras en extirpa une dose d'énergie physique, puis un autre en à peine plusieurs secondes, de quoi se faire suivre les deux outils de chasse. L'espoir d'obtenir un résultat aussi probant que celui de tout à l'heure m'aveuglait à un point inestimable, jusqu'à voir le métal se croiser en l'air, jusqu'à chavirer en pleine course. Trop de différence en termes de vitesse ... Graaah ! Ni une ni deux, je me sentis dominé par la furie de la concurrence, en renouvelant la tentative sans grande réflexion. Encore raté ... Trop éloignés cette fois. Tsss ...

Tu devrais peut-être y aller plus calmement …

Non, je vais réussir !

Encore, encore et encore. J'enchaînais les échecs, entrevoyant à chaque fois l'impuissance, le manque de talent comparé à ce que l'on demandait de moi pour ma destinée. Nul ne se rendait compte de la charge que cela imposait sur mes épaules, en plus des risques encourus. Ces pensées empêchaient la libération, le développement du potentiel enfoui en cet être. Il s'en rendait bien compte, à me jauger dans un silence forcé ...

T'auras pas tant de chances devant la bête, tu sais ...

Pas besoin de me le dire ! Faut que je réussisse, je n'ai pas le choix ! Sinon ...

L'histoire allait presque resurgir, sans aucune forme de concession. Mais mes paroles cessèrent soudain, avec cette détermination bien visible sur le visage ... Impossible d'arrêter. Peu importe le nombre, la quantité, le temps ... Peu importe ... Ma conscience ne calculait plus rien, ni lui, ni le paysage, ni le climat. C'était une sorte de haine qui se déversait en un flot continu, jusqu'à l'instant où sa main s'empara de ce poignet frénétique, le faciès sombre d'un regret inavoué ...

Stop ...

[...]

[...]

Il arrive ! C’est à toi de le battre !

Glissant sur ces gravats poussiéreux, mon pied parvint à prendre appui jusqu’à dresser ma silhouette à l’oblique face à notre cible, quant à l’autre bout mon partenaire effectuait le même geste, encerclant ainsi l’animal. Ce dernier succomba à l’effet de surprise, avant de comprendre le caractère hostile de cette démarche de par un rugissement affreux … Et ses contours ne contredisaient pas cette appréciation. Place à l’action ! Profitant de l’attention détournée de la bête, je débutais la confrontation par un shuriken envoyé en ligne droite, histoire de tester ses aptitudes. Il avait raison. Ses sens lui accordait la capacité de parer presque instinctivement le projectile à l’aide sa longue queue de forme rectangulaire, sans le regarder directement, ou à moitié en tout cas … De plus prêt, oui, fallait tenter !

Y’a pas besoin de vous … Ce sera mon affaire.

Je tapais un sprint effréné, la lance jonglant à travers mes doigts afin de se fixer sur une position stable, pointée vers l'ennemi. Malgré la désapprobation de la voix lointaine, ma charge continua de mètre en mètre, au bout de laquelle les yeux de la bête croisèrent les miens, déjà déterminé à me découper en rondelle via l'excroissance naturelle en son dos. Me décalant d'un bond, le long dard à la tête d'acier tenta une percé dans sa défense, alors que mon autre main s'attelait à lui envoyer deux shurikens imbriqués, dans l'espoir de réaliser la technique enseignée ... Quoi ? Ce n'était pas encore bon ...

Ghaaaa !!!!

Dans un choc soudain, alors que les projectiles percutaient avec facilité la hachoir de la créature, je m'envolais au loin, expulsé par un violent coup de tête ... Si puissant que le sol servit de frein en plusieurs contacts peu agréables, avec des entailles et brûlures le long du torse. Une très mauvaise posture, sachant que le long bâton se trouvait maintenant à une distance inaccessible, en dehors de mon champ d'action. Je prenais soudain conscience de cette bêtise insensée, trop rassurée par la seule tentative réussie durant l'entraînement posé. Reproduire cela n'était pas une mince à faire au milieu de la bataille. Rageant intérieurement, mes bras essayaient de me relever avec peine, envahit par une douleur intense. L'humidité de l'air n'arrangeait vraiment rien aux blessures ... Me voilà à un stade lamentable ... Obligé de me faire sauver par une autre personne. En l'absence de la diversion momentanée, je ne serai déjà plus de ce monde. Cela devenait clair maintenant, le but de cette formation. Ne plus se limiter à ces conneries et toujours se rattraper jusqu'à toucher la perfection.

C'est ... C'est bon, je suis de retour.

Nouvelle approche, nouvelle tactique. Cette fois, je grimpais aux arbres, avec une direction courbée d'où provenait des projectiles à intervalles régulier, de façon à cerner les contours de la masse de muscle en face. Les outils virevoltaient au rythme d'un sifflement, où mon anatomie surgit subitement d'entre deux branches, complétant d'un dernier jet les directions couvertes ... On allait enfin voir ce dont elle était capable, de sa réputation si terrible. Au moins un ... Un seul ! Cependant, d'un bond spectaculaire, l'hybride entre le rat et le kangourou exécuta une esquive sublime, passant au travers de cette muraille comme une petite brindille d'herbe, la rotation de sa queue comblant les manques. Jolie ... Mais ce n'était pas mon dernier mot !

Cette fois, je ne raterais pas ... Kage Shuriken no jutsu !

Tel un missile, le boulet de canon visait l'atterrissage de ma proie, pile où sa défense s'avérait la plus faible. Juste une question de seconde dorénavant ... Le souffle coupé, ma peau se berçait du vent lié à la chute, alors que mes cheveux noirs flottaient comme des filins de soies autour de ces pupilles perçantes, extrêmement excité ... Une sensation extraordinaire. La fierté d'aboutir après de nombreux efforts, le suspens d'une victoire quasi certaine, le dépassement de limites inimaginées ... Tout un mélange comparable à une forte dose d'alcool. Un ... Deux ... Trois et ...

GROOOOAAAHHHH

Comment ? Si, le deuxième résidait parfaitement dans l'ombre de l'autre ! Impossible ! Et pourtant ... Le premier fut éjecté par la queue de la créature, quand le deuxième s'ancra net dans sa gueule, totalement immobile sans l'avoir blessé. Juste coincé entre sa mâchoire ... Mince. Offensive anéantie, aucun support pour m'appuyer et m'évader de la charge furieuse qu'entamait la cible. Que faire ... Que faire ?

Il l'a bloqué ? Merde, celui-là n'est pas comme les autres !

Il s’en mêla finalement, conscient d’un danger nouveau dont la hauteur nous dépassait dans cette situation. L’homme de sagesse sauta droit sur le cou de son opposant après une course effrénés, usant de techniques d’un rang supérieur selon nos expéditions habituelles … Mais la vivacité et la vitalité de ce monstre imposait une exécution direct, sans contrôle possible. Me rattrapant au sol, je profitais ainsi de la situation, comprenant d’un regard l’acte désiré, avec un nouveau Shuriken géant à ma portée.

Tu ne dois pas hésiter Kangyuu ! Arrête de penser à la réussite ou non, sert toi de tes instincts !

Patience. Calme. Une bonne respiration … Je fermais les paupières un instant, afin de préparer le coup final. Je cherchais l'intuition, cette conviction innée du bon moment, au milieu d’un enfer de hurlement et de rage. Là … Enfin.

Kage Shuriken !

Net et précis. Le corps massif s’écroula sur le sol, glissant jusqu’à mes pieds, suivit du soulagement de mon père. Chasse terminée ...