En route pour Kumo !

Tu vas finir par être en retard. Tsuka referma son sac d’une main tremblante, avant de le rouvrir pour vérifier que rien n’y manquait, elle répétait ce manège depuis plusieurs dizaines de minutes, rien ne semblait pouvoir l’apaiser, elle était rentrée de mission la veille après une course effrénée pour arriver à temps à Iwa, leur mission de protection s’était éternisée quand leur client s’était tordu la cheville en trébuchant sur une pierre. Bien sûr aucun des ninjas ne maitrisait le ninjutsu médical et malgré les premiers soins apportés par leur sensei, leur vitesse en fut considérablement ralentie à un point même qu’il fut question à un moment de laisser les Gennins rentrer seuls à Iwa tandis que la Junnin finirait la mission. Ils avaient décidé de tenter la chance et cela avait payé, mais elle payait le prix de leur course rapide en courbatures. Se lever fut un véritable supplice, mais, se retournant sans cesse dans son lit sans trouver le sommeil en sachant qu’ils partiraient le lendemain matin, elle décida de vérifier son sac une dernière fois. Elle n’avait pas tenu les comptes, mais cette dernière fois avait dû être suivie par une vingtaine d’autres, elle savait bien que c’en était devenu ridicule, mais ne pouvait pas s’en empêcher, qu’arriverait-il si elle avait oublié quelque chose ? Dans quelques heures ils seraient au-dessus du pays, volant vers un tournois durant lequel sa survie dépendrait sûrement du fait que son sac soit correctement rangé et complet. Elle ne pouvait pas se permettre d’oublier un morceau de corde.

Hoy d’puis quand c’pas moi qu’on‘tend ? Son sac avait été attrapé par Satoshi alors que Toshinuma la regardait d’un air hautement satisfait, le voir levé à cette heure-là relevait d’un miracle, il n’avait même pas son air fatigué habituel. Allez, on y va, j’pas encore dormi moi ! Elle serra sa mère dans ses bras, peut-être un peu plus fort que d’habitude, elle s’efforçait pourtant de ne pas montrer à quel point la situation la rendait malade. Elle n’était pas prête, il était bien trop tôt pour qu’ils brillent dans un tournois, sortant de chez elle, elle se promis de revenir, ce n’était pas grand-chose, mais si elle-même n’y croyait pas, elle ne pourrait jamais gagner. Ou survivre.

Le tram était encore peu peuplé à cette heure-là, ils pouvaient s’asseoir et à l’empressement qu’ils eurent à le faire, elle sut qu’elle n’était pas la seule à encore souffrir de leurs efforts de la veille. Le cadet des Zawano lui lança son sac. Chui pas gentleman à c’point mad’zelle. Elle se contenta de secouer la tête pour toute réponse, l’énergie pour se lancer dans un interminable débat sur la place des femmes shinobi lui manquait, elle se contenta d’observer par la fenêtre, au loin la tour Cristalis dominait la ville, la plupart des gens de passage la trouvait étouffante, elle esquissa un sourire, pour elle cette tour protégeait la ville, seule au milieu des immeubles, elle s’élançait en défiant le monde et toutes les autres nations. Depuis quelques mois qu’ils avaient commencé les missions, elle commençait à voir le monde et rien ne la rassurait plus que les hautes tours d’Iwa, sa ville était unique, dans les villes de campagne qu’ils "visitaient" tout était si plat, les bâtiments s’étalaient comme un œuf dans une poêle sans grâce aucune, çà et là un temple s’élevait un peu plus haut, mais tout cela manquait de grandeur, d’âme. Oui, Iwa était vraiment magnifique, seulement dans ses ruelles sentait-on la vie battre à la nuit tombée, ses grandes artères rythmaient la vie de la ville et les lumières veillant sur les rêves des habitants ne s’éteignaient jamais Bientôt ils seraient à Kumo, c’était un grand village avant que… elle se demandait ce qu’il pouvait bien rester de sa gloire passée, quelques ruines à visiter, un ou deux musées pour s’accrocher à ce qui fut et à côté les habitations de tous ceux qui aimeraient pouvoir oublier ? Ils descendirent pour changer de tram, bien évidement Tsuka vivait sur la seule ligne qui ne s’arrêtait pas près de la tour. A mesure qu’ils s’approchaient ils ne pouvaient s’empêcher d’essayer d’apercevoir le haut de la tour, encore invisible à cette heure, leurs cous se tordaient de plus en plus et arrivés en bas ils durent même abandonner l’idée.

Leur sensei les attendait, elle raconta quelque chose à l’accueil et on les laissa passer, ils ne pouvaient s’empêcher de se sentir importants en se dirigeant vers les ascenseurs, leur joie fut de courte durée, tous les ascenseurs étaient au moins au centième étage, il leur faudrait un moment avant d’arriver. Y’en a combien ? Un peu plus de 200. Satoshi afficha un sourire plein de défi. Facile ! Venez, ça règlera les courbatures ! Il s’élançait déjà dans les escaliers, ni Tani, ni Toshi ne firent mine de le suivre, Tsuka leva à nouveau un œil vers les étages, elle avait bien le temps de monter un peu. Alors que la porte des escaliers claquait derrière elle elle crut entendre quelqu’un soupirer sans savoir duquel des deux il s’agissait.  Satoshi avait déjà quelques étages d’avance et ne semblait pas disposé à l’attendre, tant pis, elle se mit à courir également, dans son sac les outils faisaient du bruit en s’entrechoquant qui rythmait son ascension. Ses jambes la tuaient et elle n’arrivait pas comment il arrivait à conserver son avance alors qu’il avait son arc dans le dos, ne s’était-il pas fatigué la veille ? Arrivé au quatorzième étage elle abandonna et sorti, l’ascenseur dans lequel semblait être son équipe était au septième, elle eut le temps de l’appeler et fut ravie que Satoshi n’ait pas été là pour commenter son manque de volonté, Toshinuma se contenta de laisser échapper un rire en levant les yeux aux ciels, elle lui laissa cette victoire.

La suite du trajet se fit sans incident ni discussion, Toshi était à moitié en train de dormir, Tsuka pleurait la perte de ses jambes et Tani semblait respecter ce silence. Un voile de nostalgie passa sur ses yeux à l’approche du cent-quatre-vingtième étage, parfois elle regrettait son ancienne vie. Bien sûr, transmettre à la prochaine génération de ninjas était un honneur et incroyablement gratifiant, pourtant elle en avait parfois assez des missions de rang C, elle était habituée à une vie plus palpitante. Sortant sur le toit, Tsuka se récolta une violente bourrasque de vent, cela cassait un peu l’ambiance solennelle de la chose d’arriver avec tous ses cheveux qui se baladaient n’importe où, mais à cette altitude rien ne pouvait couper le vent qui sévissait sur la ville, elle qui pensait profiter de leur avance pour admirer Iwa d’en haut devait bien remettre son plan à plus tard et elle se dépêcha de suivre les autres pour monter. Une fois abrités, elle tenta de remettre de l’ordre dans ses cheveux en observant le toit, aucune trace de Satoshi, ce n’était pas surprenant. Pas question cependant de ne pas l’attendre, tout idiot qu’il pouvait parfois se montrer il faisait partie de l’équipe. Il arriva complètement essoufflé, mais rieur, dix minutes plus tard. Alors, on tient pas les escaliers ? Elle s’apprêtait à répondre quand Toshi attira leur attention. Hé Sato on voit chez toi ! Il s’était approché d’une fenêtre et faisait de grands gestes dans la direction voulue. Han c’ouf ! Les trois gamins ouvraient de grands yeux et se montraient les bâtiments qu’ils reconnaissaient avec une excitation à la quelle seul un toussotement de leur sensei put mettre fin. Ils reprirent alors un air plus sérieux qui collait mieux à l’ambiance des lieux.

Traversant les couloirs interminables, ils perdaient tout sens de l’orientation, leur équipe était plutôt bonne en orientation, mais tout se ressemblait et si haut dans les airs sans aucune fenêtre leurs sens ne leur était pas d’une grande aide. Tsuka espérait intérieurement qu’on leur fournisse un plan ou quelque chose du genre, dans le cas contraire elle serait bien capable de ne jamais sortir quand ils arriveraient à destination. Ils arrivèrent enfin à leur "chambre", ce mot n’était pas approprié, elle avait grandi dans une chambre, sa mère avait une chambre, l’auberge en avait plusieurs… cet endroit c’était… Sa bouche s’entrouvrit légèrement en appréciant les dimensions de la pièce, des trois Gennins, seul Satoshi avait grandi dans un endroit plus grand que celui-ci, mais il avait six frères et sœurs, ils avaient besoin de cet espace. Fidèle à lui-même dormeur se dirigea vers un lit et s’y affala avant d’être directement rappelé à l’ordre. Debout. On doit encore vous briefer, hors de question que tu dormes, pose tes affaires et on repart. Trois grognements mécontents accueillirent la phrase, ils étaient morts de fatigue, ne méritaient-t-ils pas quelques instants de repos ? Désespérés ils se remirent en route, la vie était parfois si compliquée.