Un émissaire ?

Dorumo n'avait dormit que très peu depuis son arrivée à Suna. Sa pauvre jambe lui faisait un mal de chien, sa douleur n'était telle que personne ne pouvait imaginer ce que le garçon ressentait. Allongé dans son lit d’hôpital, le marionnettiste restait le regard planté sur un pauvre cactus que sa chère mère lui avait apporté. Le Sabaku se remémorait ce fameux examen assez étrange puis, son combat lors de la troisième épreuve le faisait encore frissonner. Son grand père Kankuro était venu lui apporter de quoi passer le temps : quelques livres sur les poisons utilisés dans les marionnettes, celui-ci disait qu'il était temps que l’adolescent le créer lui-même de ses propres mains. Trois jours après, Dorumo avait déjà mit au point un poison redoutable. Cependant, il ne savait nullement le produire : seul un expert en la matière pouvait y parvenir et par chance, le garçon connaissait cette personne. Il demanda à Kankuro de transmettre le message au Kazekage.

Le marionnettiste était perdu dans les méandres de ses pensées, regardant toujours attentivement le cactus et le sable qui l'entourait. Sans le moindre mouvement, le sable se mit à flotter au dessus de lui. Surprit mais confiant, il tendit la paume de sa main vers le haut. Avec un étonnement sans merci, le sable vint se poser sur sa main. Il la referma par la suite avec la même assurance. Les grains de sable volaient un peu partout dans la pièce et le garçon fut stupéfait par la présence de la grande Esuki. Il fit même un léger sursaut ce qui par ailleurs, laissa tomber le sable en lévitation au sol. La femme observait attentivement la jambe du jeune homme et comme à son habitude, elle émit un tendre sourire. Peu de temps après son arrivée, une équipe médical rentrait dans le dortoir et se précipitait sur le Sabaku pour le transporter au bloc opératoire. Une des personnes lui administra du gaz qui plongea immédiatement le garçon dans un profond sommeil.

Lors de son réveil, Dorumo ressentit une sensation étrange, plus exactement familière. Sa jambe était comme neuve, totalement. C'était l’œuvre du Kazekage et le Sabaku devait impérativement remercier son maître ; il se leva brutalement et n'ayant pas la force nécessaire, trébucha sur le plancher, ce qui alerta immédiatement un infirmier.

_ Tiens, déjà réveillé ? Tu remarcheras dans un jour ou deux, ne brusque pas les choses. J'ai d'ailleurs un message de la part de Kyudaime-sama, elle souhaite te voir dans son bureau des que tu seras en forme. Tu peux te déplacer en béquille pour le moment.

Après ces belles paroles, Dorumo ce précipita avec l'aide de ses appuies au bureau du Kazekage. Le soleil illuminait les traits de son visage, il était heureux. Comment pouvait-il remercier Yumi ? Lui même l'ignorait totalement. En route, il s’arrêta acheter une petite douceur du pays ainsi qu'une rose pour Yumi. Enfin arrivé devant la porte, Dorumo commençait à rougir, comment se rendez-vous allait-il se passer ? Le marionnettiste frappa à la porte...

L’accueil chaleureuse du Kazekage affecta grandement l'adolescent. Pendant un cours instant, le garçon se rappela de son pitoyable passé. Il avait soif de sang à cette époque, c'était un gosse odieux et méprisable. On sentait que Dorumo avait mûrit, aussi physiquement que mentalement, ce n'était plus un enfant mais presque un homme. Le Sabaku commençait à se fixer des objectifs dans la vie, entrer dans la politique était à la hauteur de ses espérances, seulement le chemin pour y parvenir était long.. très long. Les idéaux du garçon naquirent au fur et à mesure de son vécu et il n'avait pas tout vu, hélas. Parcourir le monde et le changer à sa manière lui semblait parfait, les assassins, les traîtres, n'avaient pas leurs places en cette Terre. Le marionnettiste fut coupé dans sa réflexion par l'intervention de la belle Esuki.

_ Tu as faim ? proposa t-elle.

Il était vrai que la nourriture de l'hôpital était plus qu'affreuse. Il n'y avait pas d'assaisonnement et parfois il manquait cruellement de cuisson sur certains plats. L'odeur du curry lui allait droit dans les narines, mais seulement, l'appétit n'était pas présente. Sur une voix douce et agréable, le garçon s’exclama :

_ Non merci, sensei..

Ce charmant rendez -vous en tête à tête était plus qu'agréable et rien ne faisait plus plaisir à Dorumo que de ce retrouver en galante compagnie. Cependant, une question tourmentait le jeune homme : pourquoi l'avait-elle demandé ici ? Il regardait Yumi d'un air suspicieux, pendant qu'elle dévorait à pleines dents ce splendide poulet. Elle ne tarda sûrement pas à le remarquer. Bientôt le destin du jeune homme allait être tracé.

La grande Esuki avait finit par remarquer les interrogations du jeune garçon. Elle prit soudain un air sérieux, qui en un instant changea l'atmosphère qui régnait avant. Le marionnettiste restait silencieux, plongeant intensément son regard dans celui de son supérieur. Puis, à son grand étonnement, Yumi commençait à le complimenter et ainsi elle en venait au faite que elle aussi plus jeune, était comme lui « gentille et plein de tendresse ». Cela fit doucement rire Dorumo, car il savait que au fond de lui se cacher un véritable démon ; elle ne le connaissait que trop peu. Par la suite, elle posa son index sur la rose que l'adolescent lui avait apporté. Yumi commençait à raconter son passé et elle avait toute l'attention de Dorumo. Le Sabaku restait sans voix sur cette fin qu'elle laissa en suspend, en effet, son maître voulait la tuer. Un frisson parcouru le jeune homme, et si elle venait à faire de même.. ça, Dorumo ne pouvait l'imaginer.

Heureusement, le Kazekage fit retomber la tension en lançant une petite blague. Elle continua son long discours captant toujours autant le garçon du désert.

_ […] Mais il te faut développer un esprit critique. Savoir comprendre les ressorts de l’âme humaine te sera très bientôt indispensable… Mais avant d’en venir aux faits, j’aimerais te poser une question.

Sur cette fin de phrase le cœur du marionnettiste palpitait. Son visage se déformait : il fronça les sourcils. À partir de ce moment, Dorumo s'imaginait une multitude de choses plus tordu les unes que les autres. Par exemple que Yumi l'oblige à massacrer une famille qui lui cause du tord. L'angoisse lui tordait l'estomac et la grande Esuki faisait durer le suspens jusqu'au bout.

_ Comme tu le sais certainement, Shinki a été arrêté et livré à la justice. Son procès aura lieu dans quelques jours. Que penses-tu de son cas ?

Un grand et long silence régnait dans le bureau. Dorumo ignorait tout de cette affaire. À vrai dire, quand on est à l’hôpital pendant une semaine, on reste cloîtré dans sa piaule totalement coupée du monde extérieur. Il lança un regard noir à son supérieur, presque menaçant, lui montrant par ailleurs qu'il n'était pas le garçon simplet qu'elle croyait. Allait-il en venir aux mains ? Beaucoup de questions trottaient dans la tête de l'adolescent.

« Reste calme, contrôle toi, respire... Shinki arrêté ? Comment cela a t-il pu se produire ? Réfléchie et ne fais pas de bêtise. Shinki a un sens inégalé de la justice, peut être qu'il aurait agit selon ses idéaux ? »

Dorumo détourna le regard très rapidement, montrant ainsi son respect pour le Kazekage et également pour s'excuser. Ce geste montrait qu'il avait acquit une certaine maturité, qu'il n'était plus le même qu'avant. Son supérieur attendait une réponse rapidement. De plus, une voix intérieur semblait lui répéter « Les liens du sang avant le village ! ». La tension était palpable.

_ Shinki aurait fraudé ? Excusez-moi madame, mais j'ignore totalement cette affaire. Comment aurait-il pu se retrouver en face de la justice alors que ses idéaux sont fondées à partir de celle-ci ?

Dorumo n'en revenait toujours pas. Son cousin aurait donc falsifié un rapport de mission et tué un innocent. Non, il y avait bien quelque chose derrière tout ça et le marionnettiste comptait bien le découvrir le plus vite possible. Il savait parfaitement que de tels actes ne seraient pas impunis par le clan Jishaku. Pour l'adolescent, il n'y avait aucun doute, Shinki n'était pas en tord et loin de là. Dorumo ne pensait maintenant plus qu'à une chose : retrouver son cousin et comprendre cette histoire qui l'intriguait tant. Le Sabaku ne prononçait guère de mots et il essayait de réfléchir au problème. Il fut coupé dans sa réflexion par la douce voix de son supérieur.

_ Je suppose que tu n’as donc pas d’avis sur la question, puisque tu ignorais les tenants et les aboutissants de la situation. Alors… parlons un peu plus de toi. À tes yeux, que serait un monde shinobi idéal ? Comment y parvenir ?

Le regard de la Esuki restait figé sur le pauvre garçon qui détourna les yeux une nouvelle fois. Un sentiment étrange l'envahissait, comme si il y avait une bonne réponse à cette problématique. Si le jeune homme disait la vérité, on allait le prendre pour un fou. Après tout, si il voulait faire de la politique, il allait être confronté à bien pire. Il baissa la tête juste avant de la relevé avec une certaine assurance, son regard se plongea dans celui de son la belle Esuki.

_ Ce monde dans lequel nous vivons n'est que cruauté et mépris. Les gens ne pensent qu'à leurs petite personne et ne se soucis guère des problèmes des autres. Dans quelques années, il va sûrement avoir de nouveaux conflits et les innocents ne seront pas épargnés, exactement comme dans le passé – le jeune pouffa ensuite. Quand je pense aux générations futurs, j'ai de la peine. Pour parvenir à un monde meilleur, il n'y a qu'un seul mot : la paix. Pour ce faire, il faudrait éradiquer de la surface tous les êtres impures, à commencer par les meurtriers. De plus, l'économie est au sein même du problème. Les plus aisés en veulent toujours plus et les pauvres, eux, qui ne demande qu'un simple morceau de pain... sont réduis à travailler comme des animaux, jamais ils ne pourront connaître le bonheur. L'égalité, oui, c'est ça... le monde shinobi idéal ! Tous encadrés, tous surveillés, tous égaux ! C'est peut-être cruel mais la liberté est le problème ! Je veux que les générations à venir ne subissent aucunement cela, il va falloir agir et vite.

Comment Yumi allait-elle réagir ? Le garçon reprenait son souffle, jamais il ne s'était exprimé d'une telle façon. Et pourquoi cet interrogatoire ? La pression était au plus haut.

Le sourire de la grande Esuki mit une atmosphère torride dans la pièce. Le Sabaku la fixait toujours du même regard. Ses yeux étaient remplis de cruauté, il n'avait pas mesuré ses propos et il s'en était rapidement rendu compte. Yumi s'était levée et au grand désarroi du garçon elle lui tendit la main ; son sourire cachait bel et bien quelque chose. Après avoir pris la paluche glaciale du Kazekage, l'adolescent coupa sa respiration. La bonne femme lui tordit le bras et le plaqua contre le bureau. Le garçon gémissait et était dans la plus grande incompréhension. Une position de domination était au centre de la scène et son supérieur cherchait sans doute à le lui faire comprendre.

_  Eh bien, en avant. Éradiquons les criminels. Te souviens-tu seulement de cette nuit ? Tu as lâchement abattu un vieil homme dans l’armurerie du village, lors du putsch des pro-Shunsuke. Comment s’appelait-il, déjà ? Gaito ? Et ce n’en était qu’un parmi d’autres civils sans défense. En tant que criminel, ton idéal serait d’éliminer les dissidents à la loi ? Tu le penses toujours autant ? Tu t’es racheté, Dorumo. Je t’ai ramené sur le droit chemin. Ne penses-tu pas que d’autres méritent ce même sort ?

Dorumo avait mal, autant mentalement que physiquement. Ressasser le passé était pour le marionnettiste quelque chose d'horrible. Il ne pouvait le nier, c'était lui même un assassin. Cependant les erreurs du passé sont les lanternes du futur. Sur un élan de force, le garçon se détacha de l'emprise de son maître, la repoussant sans la moindre hésitation. Face à face et yeux dans les yeux, le Sabaku sentait une grande force en lui.

_ N'affirmez pas des choses comme cela, sensei. Vous n'étiez pas là, ce n'était qu'un simple accident. Le garçon détourna rapidement le regard, puis un instant après, le replongea dans celui de son interlocuteur. Si je n'avais pas été présent, vous ne serriez peut-être pas là et un nouveau Shunsuke serait sûrement dans ce bureau à votre place. Je vous dois un profond respect, madame. Vous avez fait de moi un autre homme. Dorumo montra du doigt le caquetoire de Yumi. Je compte également m’asseoir sur cette chaise un jour et peut-être que d'ici là, mes idéaux auront changés. Le jeune adulte émit un tendre sourire. Mais rassurez-vous, Shinki a un sens profond de la justice, j’espère maintenant qu'il saura me convaincre. Les personnes peuvent effectivement changer mais certaines causes... sont souvent perdu et je ne sacrifierai pas des vies pour les changer.

Dorumo parlait maintenant comme un adulte. Maintenant, les dés étaient lancés...

Le noir contre le blanc, tel était les couleurs représentés par les deux shinobis. Une question trottait dans la tête du Sabaku : pourquoi l'avoir fait venir ? Ce n'était probablement pas pour parler uniquement de politique, non, quelque chose se cachait derrière tout ça et Dorumo le sentait. Le regard du Kazekage déstabilisa rapidement le garçon qui, par réflexe, se contenta de baisser les yeux. C'était probablement plus sage de faire ainsi au lieu de continuer à défier cette personne qui avait le pouvoir absolue. L'image incessante de son cousin lui revenait sans cesse, que faisait-il.. ou était-il ? Le jeune adulte remarqua que le visage de la bonne femme venait de changer, elle avait souri. Un frisson le parcouru, le cœur palpitant, il replongea son regard dans celui de son interlocuteur.

_ Tu as encore un très long chemin à parcourir avant d’être assez qualifié pour poser tes fesses d’ignare sur ce siège. J’ose espérer que tu auras acquis assez d’expérience pour te montrer moins farouche qu’en ce moment. D’ici là…

Maintenant, c'était clair, Dorumo n'avait aucunement acquit les idéaux de son maître, mais bien celui d'un révolutionnaire avec une soif de pouvoir. Il s'en était rudement aperçu lors de l'examen, il avait changé en tout point. Ce qu'il désirait le plus, c'était son entrée en politique malgré son jeune âge. Parcourir le monde l'intriguait tout autant, même si le fait de quitter son village natal lui faisait froid dans le dos. La grande Esuki reprit la parole pour ainsi achever sa tâche.

_ … je te nomme émissaire et diplomate de Kaze no kuni. Tu seras l’étendard du village et ton objectif principal sera la paix et la coordination entre les états shinobis. Cela dit, c’est ma politique que tu retransmettras. Pas ta petite pensée personnelle et étriquée. Si j’apprends que tu as dérogé à ta tâche, sache qu’il reste beaucoup de place en prison. Ta première destination est Mizu no kuni. Tu y feras la rencontre du nouveau Mizukage et tu t’assureras de traiter avec elle pour établir un pacte économique et de non-agression. L’intérêt de Suna est d’apprendre le savoir-faire des mers, notamment en matière de pêche et de connaissances navales. L’intérêt de Kiri est de profiter de nos ressources rares que sont les minerais, ainsi que de notre production, les armes et le verre entre autres. Ai-je été suffisamment claire ?

Le cœur du jeune homme avait reçu un coup. Le souffle du marionnettiste c'était arrêté net. Il essayait tant bien que mal de s'exprimer. Une page venait d'être tournée et c'était un nouveau Dorumo qui naquit en cet instant présent. De son côté, son maître fut très strict, aucune faute ne devait être commise par le garçon, sinon la prison l'attendait de pied ferme. Cependant, cette remarque passa au-dessus du jeune homme, il savait que s'il faisait preuve de professionnalisme tout comme elle, il ne pouvait rien lui arriver. L'entrée en politique du Sabaku allait marquer le clan à tout jamais. Le garçon ne savait pas s'il fallait dire une simple « Merci » ou autre chose. Il tremblait jusqu'à devenir livide.

_ Je.. je.. Le garçon relâcha toute la pression accumulée. Je ne.. vous décevrai pas, madame. Je serrai digne de vous et.. de votre confiance, je vous le promets, sensei.

Le regard combatif qu'avait fait preuve Dorumo pendant leurs débat n'existait plus, c'était un regard de soumission totale. Il attendait les ordres.