Les traces du passé

Printemps 120

Le vent, cette douce brise qui soufflait sur son visage en ce jour de printemps ensoleillé. Assise au sommet de l’une des nombreuses montagnes qui peuplaient le pays de la Terre, Kiriha méditait. Cela faisait maintenant quelques jours qu’elle était revenue de Konoha. Un peu contre son gré, elle devait l’avouer, mais la mission qu’elle avait réalisée le demandait. Après avoir exposé son rapport aux autorités d’Iwa et s’être assuré que son cousin allait bien, elle était repartie dans son havre de paix là où Ryouma attendait impatiemment son retour. Kiriha était tout de même heureuse de le revoir et elle s’empressa de lui raconter ce qu’elle y avait vécu.

« Je vois que tu t’es bien amusée, ma fille. Cela me rappelle mes propres voyages lorsque j’étais encore jeune et fougueux. » Dit-il avec une pointe de nostalgie dans la voix.

La jeune fille demanda ensuite ce qui s’était passé pendant son absence. Elle avait reçu un message lui disant qu’une alerte de niveau 4 avait été signalée près du centre commercial d’Iwa et qu’un  individu dangereux avait été neutralisé.

« Oh, ça…c’était terrible en effet. Je n’étais pas en ville ce jour-là mais d’après ce que j’ai pu entendre, un membre d’une secte appelée culte de la vie était venu attaquer Iwa. J’ignore les raisons qui l’ont poussé à faire ça mais il a fallu une demi-douzaine de ninja pour l’arrêter. D’ailleurs, Sho était de la partie et il avait été grièvement blessé. Cela ne l’a pourtant pas empêché de partir pour Konoha quelques semaines après son rétablissement. »

« Oui, je sais, il était sur la même mission que moi. Tu as sans doute entendu les nouvelles ? Le Tsuchikage est de retour à Iwa. »

Elle lui raconta sa mission en l’informant sur l’étrange artefact qu’ils y avaient découvert.

« Je suis content que tu sois revenue saine et sauve » Lui dit-il simplement.

Kiriha ne tarda pas à retrouver ses habitudes dès le lendemain.


Nouvel an 107, la fête battait son plein dans les quartiers résidentiels de la grande ville. Comme chaque année, de nombreuses personnes se préparaient pour cet évènement annuel et son clan ne dérogeait pas à la règle. Même le dojo tenu par son père avait été décoré pour l’occasion mais une fois encore, la petite Kiriha avait été écartée de la fête. Elle resterait une fois encore dans ses appartements à regarder les autres s’amuser pendant qu’elle s’apitoierait sur son sort.

Née à moitié aveugle et semi-orpheline à cause du décès de sa mère, la petite fille n’avait pas été très bien accueillie. Avec les croyances farfelues de son clan et sous l’influence de son propre père, les membres avaient eu l’idée de penser que Kami-sama leur avait envoyé une sorte d’épreuve pour les tester et voyait en Kiriha une sorte de calamité ou de mauvais sort envoyé par le Tout-Puissant. Il fallait dire que pour une famille ayant engendré des épéistes d’exception depuis des générations, le fait d’avoir une fille physiquement diminuée comme prochaine héritière du clan était inconcevable.

Pour éviter que cela se produise, on commença donc par éviter de lui enseigner les techniques du clan et de d’éviter de l’informer sur quoique ce soit concernant les arts ninjas. A huit ans, la jeune fille ne savait toujours pas se défendre correctement et ne connaissait que le peu de choses qu’on lui avait enseigné à l’académie. Trop occupée à pleurer sur son sort, elle avait énormément de mal à se concentrer même pour exécuter les techniques les plus simples.

Cependant, en ce soir d’hiver du Nouvel An, la vie de Kiriha allait être marquée d’un tournant. Alors qu’elle se baladait dans les rues d’Iwa, une femme d’une trentaine d’années l’interpella.

« Que fais-tu ici, en plein milieu de la nuit, toute seule ? »

Les yeux encore tuméfiés par les larmes, la petite fille ne daigna pas s’arrêter. Elle était comme absorbée dans ses pensées et coupée du monde extérieur.

« Et oh, je te parle ! » Dit-elle en haussant le ton.

Cette fois-ci, Kiriha s’arrêta et se retourna vers son interlocuteur.

« Mais je te reconnais, tu es l’indigne fille de Itsuki-sama, celle dont on raconte qu’elle a « tué » sa mère à la naissance. »

En jaugeant la femme, Kiriha s’aperçut que celle-ci faisait partie de l’une des branches secondaires de son clan. Les bras chargés de bouteilles en tout genre, la femme était visiblement partie prendre de quoi se saouler. Et compte tenu de son ton agressif, elle avait peut-être déjà commencé à vider le contenu de l’une d’entre elles.

« Si c’est juste pour cracher votre venin, alors je n’ai pas de temps à perdre avec vous ».

Elle lui tourna le dos et se dirigea vers l’entrée du village sans prêter attention à la femme qui continuait d’aboyer bruyamment :

« C’est ça, et ne reviens plus jamais ! »

Kiriha leva les yeux vers le ciel. Une légère poudreuse s’était mise à tomber. En franchissant les portes d’Iwa, la jeune fille se retourna une dernière fois :

« Adieu… »

Elle marcha ensuite à travers les pleines enneigées du pays de la Terre mais ne tarda pas à se rendre compte que sa progression devenait difficile. Kiriha était frigorifiée et le froid mordant de l’hiver ne se gênait pas pour se glisser par le moindre interstice du kimono qu’elle portait. A cela s’ajoutait la poudreuse qui s’était maintenant intensifiée. La jeune fille n’avait décidément pas choisi le bon jour pour fuir. Une heure plus tard, c’était une véritable tempête de neige qui soufflait sur les pleines rocheuses et Kiriha avait de plus en plus de mal à avancer. Elle errait, sans réel but, ne sachant pas elle-même ce qu’elle cherchait jusqu’à ce que la force qui animait ses jambes la quitta. Fatiguée et épuisée par cette épreuve, elle s’écroula lourdement au sol. Était-ce comme cela qu’elle allait terminer ? Une courte vie de souffrance pour ensuite regagner le ciel ? Pourquoi l’avoir fait naître alors ?

Tandis que le souffle de la vie commençait peu à peu à la quitter, Kiriha se disait qu’après tout elle allait enfin pouvoir rejoindre sa mère qu’elle n’avait jamais connue. Après tout, peut-être était-ce là sa destinée ? Dans ses derniers instants de conscience, elle regrettait tout de même de ne pas avoir pu vivre sa vie comme elle l’entendait.

« Est-ce vraiment comme cela que tu veux finir ? »

Une voix, à peine perceptible à cause de la cacophonie de la tempête venait lui chatouiller l’oreille. Était-elle en train de passer de l’autre côté ? Malgré l’engourdissement qui frappait son corps, la jeune fille sentait que quelqu’un la soulevait et l’arrachait au sol gelé comme si quelqu’un voulait la soustraire à la Grande Faucheuse. Un dos imposant et des cheveux blancs, voilà ce que la jeune fille vit avant de sombrer dans l’inconscience.


La jeune Iwajin sursauta. Elle était toujours au sommet de la montagne, constatant que son esprit s’était encore égaré au point de réveiller ces douloureux souvenirs. Elle essuya les larmes qu’elle avait sous les joues.


« Le futur est prêt à être créé tandis que le passé est déjà une page tournée. » Dit-elle pour elle-même.

Elle rassembla ses affaires et descendit ensuite la montagne pour rentrer chez elle. Elle espérait qu’une bonne nuit de sommeil l’aiderait à se sentir mieux.