A Strange Encounter [ Feat Nebari ]

Le retour au pays de la Terre se fit dans un calme assez étrange durant lequel Kiriha se faisait initier pas à pas aux arts médicaux. L'exode forcé qu'avait créé Kami avait contraint les gens à la débandade et nombre de leurs dépouilles furent retrouvées au cours de la traversée. Quelques uns d'entre eux furent d'excellents sujets d’études et Nebari l’invita à les dépouiller de leur chair. Hésitante au début, Kiriha finit tout de même par prendre part au jeu non sans une pensée ou une prière au défunt qui allait devenir son cobaye. Au final, Kiriha eut l'impression de désosser un animal si ce n'est qu’il fallait travailler avec un peu plus de délicatesse afin de ne pas abîmer les tissus recueillis.

Cet apprentissage était assez nouveau pour elle puisqu’elle n’avait jamais vraiment eu de vrai professeur. Kiriha se contentait simplement de reproduire ce que Nebari lui disait. La jeune femme comprit d’ailleurs assez rapidement qu’il était bien plus compliqué de réparer que de détruire les tissus, comme le témoignait les pauvres animaux blessés au profit de son tutorat. Bien qu'il lui restait encore des choses à apprendre, le trajet lui avait fait au moins comprendre comment opéraient les ninja-médecins et la jeune fille pourrait certainement pratiquer seule si elle voulait s'orienter vers cette voie. De toute manière, Nebari ne lui prêtait que peu d'attention, ce que Kiriha comprenait vu l’ampleur de la quête que la femme blonde s’était fixée.

Le voyage et les séances d'exercices avaient éreinté la jeune samouraï et elle passa la dernière partie du voyage à tranquillement récupérer ses forces. Elle fut réveillée la nuit suivante par l’éclat de la lune qui brillait dans le ciel exempt de nuages si caractéristique du désert rocheux de Tsuchi. Reprenant peu à peu ses esprits, Kiriha constata que la charrette était à l’arrêt et que Nebari ne s'y trouvait plus. Elle descendit de la charrette, laissant son sac à bord au cas où Nebari reviendrait et penserait qu'elle se soit en allée et prit simplement quelques vêtements de rechange et se mit en direction d'une des nombreuses montagnes qui bordaient le pays.

En effet, Kiriha profita de l’absence de la doctoresse pour aller trouver un ruisseau montagneux et s'y rafraîchir afin d’ôter le sentiment de somnolence qu'elle éprouvait.

Progressant à travers les sentiers sinueux des montagnes de Tsuchi, elle ne tarda pas à entendre puis à entrevoir ce qu’elle recherchait. Satisfaite,  Kiriha se sépara de ses bottines de marche en posant ses vêtements de rechange sur l un des imposants rochers qui entourait la petite étendue d'eau puis s’aventura dans l'eau froide de ce petit paradis perdu. La jeune femme se dirigea ensuite vers la cascade de laquelle elle recueillit un peu d'eau dans le creux de ses mains afin de se désaltérer. Jetant un coup d’œil aux alentours afin de s'assurer que personne ne l'épiait, la jeune fille se débarrassa du reste de ses vêtements qu'elle laissa tomber dans l’eau avant de se placer sous la cascade. Le flot ininterrompu d'eau acheva de la réveiller et elle sentit ses muscles se détendre un peu malgré la température de l'eau.

Cette escapade nocturne aurait pu durer longtemps mais son estomac la rappela bien vite à l’œuvre et lui indiqua qu’il était temps de quitter ces petit havre de paix . La jeune borgne rassemblait ses vêtements qui flottzient et les lava avant de sortir de l'eau et de se rhabiller. Il lui fallait maintenant retrouver la doctoresse. La montagne surplombant les plaines rocheuses, Kiriha scruta le paysage en contrebas avant de redescendre et de se diriger vers la charrette. Nebari était affairée à équarrir un animal mais elle n’était pas seule. Un invité les avait rejoint mais il se tenait à bonne distance du feu qu’avait allumé la doctoresse. Parcourant les derniers mètres qui la séparait du camp, la jeune fille fit un vague mouvement de la main pour signaler son retour. Des gouttes perlaient encore des pointes de sa longue chevelure.

« Désolée, j avais besoin de me laver après ce long trajet. Ainsi, vous étiez partis chasser. C’est surprenant que vous ayez trouvé ce genre d’animal dans la région. Les plaines désertiques du pays de la roche sont assez pauvres en faune généralement mais passons… »

Kiriha s’approcha du feu, essayant de se sécher un peu avant de se tourner vers le mystérieux invité :

« Pendant un instant, je vous ai confondus avec une autre personne rencontrée il y a de cela quelques jours. C est surprenant de voir à quel point les gens désirent cacher leur identité. Si vous êtes venus visiter les ruines d’Iwa, j'imagine que vous êtes en quête de quelque chose aussi. »

Préférant l’hospitalité à la méfiance, Kiriha l’invita à se joindre à elles.

« La nuit est encore longue et vous avez certainement beaucoup de choses à nous raconter. »

Kiriha observait attentivement la conversation entre Nebari et l’inconnu. A vrai dire, elle se contentait simplement de tourner la tête entre les deux personnes lorsqu’ils prenaient la parole. Au moins, il s’était rapproché du feu mais malgré ses bonnes intentions, Kiriha ne pouvait s’empêcher d’être intriguée par la démarche de l’homme masqué.

« Je m’appelle Kiriha Akemi. Pour l’instant, disons simplement que je suis une voyageuse. Je suis actuellement les enseignements de Nebari-sensei tout en poursuivant notre voyage à travers le pays de la Terre. »

La jeune fille se contenta de ces quelques informations et préféra en apprendre un peu plus sur l’inconnu avant de se dévoiler davantage. Les paroles de Nebari renforcèrent quelques-unes de ses appréhensions quant à la stabilité mentale de leur hôte. Selon la doctoresse, il semblait très tourmenté, frappé par un mal que la jeune femme ne pouvait identifier. Elle regarda un instant Nebari, feignant de ne pas avoir compris le sens de sa dernière phrase avant de rebondir sur une boutade en souriant:

« Je ne sais pas vraiment, mon œil droit est toujours fermé et je vous assure que je n’ai jamais rien vu de tel. »

Malgré cette fausse joie apparente, Kiriha était sur le qui-vive, prête à intervenir si cela tournait mal mais elle préférait largement éviter ce genre de situation, priant pour que l’homme fasse preuve de suffisamment de résistance pour ne pas céder à ses démons intérieurs. La jeune samouraï se crispa lorsque ses yeux s’animèrent d’une couleur bleue et elle maintenait fermement le manche de son wakizashi mais ce regard azur ne s’adressait pas à elle.

« Ecoutez, je ne sais pas vraiment ce qui vous ronge à l’intérieur. Je ne possède certainement pas les capacités pour vous venir en aide alors je vais laisser Nebari-sensei tenter de vous libérer de cela, après tout, elle l’a déjà fait par le passé. »

Elle s’écarta un peu de lui en ramassant son wakizashi puis le toisa d’un regard sérieux :

« Cependant, je vous préviens, si vous tentez quoi que ce soit de travers, je me sentirais obligée d’intervenir alors, pour le bien de tous, tâchez de vous tenir tranquille. »

Kiriha espérait avoir été assez clair et avoir plus ou moins contenu le problème. Maintenant, il lui fallait régler un soucis d’un autre type, à savoir s’occuper de remplir son estomac vide.

HRP:

HRP 2:

Un simple échange de regard avec Nebari fit comprendre à Kiriha qu’elle s’était un peu laissée emporter par la situation. Cela ne lui ressemblait pas, elle qui était d’habitude si calme. La jeune femme fut d’ailleurs assez surprise de voir qu’elle avait tiré son épée sans vraiment réfléchir. Peut-être que la fatigue du voyage avait fragilisé son mental ou alors, elle était trop affamée pour réfléchir calmement. Un petit gargouillement venait d’ailleurs confirmer la dernière proposition, chose que Nebari avait peut-être remarquée puisqu’elle lui proposait un steak fraichement cueilli sur le cerf encore fumant. Kiriha ne se fit pas prier et se saisit du morceau de chair, un peu brutalement d’ailleurs et reporta une partie de son attention sur le festin que lui proposait la doctoresse.

Lorsque sa faim fut quelque peu apaisée, Kiriha releva la tête, essayant de reprendre la conversation là où elle l’avait laissée. De ce qu’elle comprenait, le mystérieux homme ne semblait, du moins en partie, pas être responsable de ce qu’elle définissait comme étant des sortes de « sautes d’humeur ». Mais cela n’était guère étonnant vu ce qu’il leur avait conté plus tôt. Guettant un moment de pause pour intervenir, la jeune samouraï en profita pour justifier ses agissements :

« Je suis désolée d’avoir réagi de la sorte, je ne sais pas vraiment ce qui m’a pris mais j’ai été surprise par votre attitude de tout à l’heure. Vous pouvez continuer…»

Il expliqua ensuite ne pas vouloir se débarrasser de la bête qui l’habitait, ce que Kiriha trouva noble en un sens. D’une certaine manière, elle-même vivait sur ce principe, préférant jouer avec les cartes qu’on lui a donné plutôt que de chercher à les changer. Cependant, la situation de l’homme mystérieux semblait beaucoup plus préoccupante que la sienne et Kiriha était soucieuse qu’un drame arrive si jamais le mal qui l’habitait parvenait à prendre le contrôle de son corps.

« Dites-moi, vous avez évoqué le fait de vouloir garder la bête qui habitait en vous mais n’avez-vous pas peur qu’un jour vous ne soyez plus assez fort pour la contenir ? Il est possible que, à ce moment-là, vous fassiez des choses contre votre gré. Du coup, je vous le demande : Est-ce bien sage de vouloir garder une telle entité en vous ? »

C’était à peu près tout ce que la jeune femme pouvait lui dire pour l’instant et elle assista tranquillement à la démonstration de son « pouvoir ». Elle n’était pas vraiment surprise par une telle prouesse puisque habituée à des choses bien plus anormales. Cependant, Kiriha était désireuse d’aider, ou du moins du mieux qu’elle pouvait pour apaiser l’esprit dérangé de l’inconnu. En quête de réponses, elle laissa simplement la parole à la doctoresse, lui demandant d’un regard entaché d’inquiétude :

« Vous pensez que vous êtes capables de faire quelque chose qui puisse apaiser la conscience de notre invité ? »

Kiriha hocha simplement la tête lorsque Nebari lui fit part de ses intentions mais profita du moment pour rengainer son épée, jugeant non nécessaire le fait de garder la lame au clair pour l’instant. De toute façon, se dit-elle, il lui suffirait juste de l’assommer d’un bon coup si la situation venait à dégénérer bien qu’elle préférait ne pas en arriver là. Elle ne comprenait pas vraiment tout ce que disait la doctoresse et cela semblait être la même chose pour leur interlocuteur et la jeune borgne se demandait même si il avait vraiment tout saisi de ce qu’était en train de lui raconter Nebari-sensei.

En tout cas, on pouvait au moins dégager une chose du diagnostic de l’Eiseinin : aucune de ses propositions ne constituait une réelle solution au problème. Certaines reportaient seulement le problème à plus tard ou faisaient en sorte de complètement mettre un terme à la vie de ninja de l’homme ou du moins, c’est comme cela que Kiriha l’interpréta.

« Je suis désolée pour vous qu’il n’y ait pas de remède vraiment efficace à votre mal. La dernière proposition constitue sans doute le meilleur compromis pour le moment, bien que cela me fasse la me peine de ne pas pouvoir vous aider. »

Kiriha était effectivement un peu triste de ne pas pouvoir lui venir en aide et elle s’imaginait que la créature qui se cachait en lui avait valu bien des années d’errance. La solitude…c’était un sentiment qu’elle ne connaissait trop bien et rien que le fait d’y penser lui faisait froid dans le dos. C’est d’un air pensif qu’elle le regarda prendre congé d’elles et, lorsqu’il leur tourna le dos, la jeune fille s’inclina légèrement, les mains jointes en prononçant une simple prière et en lui souhaitant le salut dans sa quête contre son démon intérieur.

« Au revoir, Shunsei-san, puissiez-vous trouver une personne qui soit en mesure de vous venir en aide… »

La jeune samouraï soupira ensuite légèrement, se tournant doucement vers la doctoresse en demandant simplement :

« Que fait-on maintenant ? »

Kiriha écouta attentivement la proposition de Nebari. L’idée de créer un complexe hospitalier lui plaisait beaucoup car cela lui permettrait de concrétiser l’idée de pouvoir aider les gens dans le besoin et qu’elle n’avait pas eu l’occasion de faire en raison de la disparition de Takara. En revanche, certaines parties du projet lui plaisaient beaucoup moins mais elle comprenait que cela était nécessaire pour que la doctoresse puisse réaliser son but ultime. Mais Nebari-sensei commençait à bien connaitre la jeune samouraï et avant même qu’elle puisse émettre ses réserves, la doctoresse se chargea de les citer elle-même, ce à quoi Kiriha ajouta tout de même quelques détails :

« Je trouve honorable le fait de vouloir construire un hôpital et je suis d’accord pour prêter main forte dans son élaboration. Si je peux me rendre utile pour rendre la vie des gens meilleure même un peu alors je me donnerai corps et âme jusqu’à l’aboutissement du projet.

Mais vous avez raison. Honnêtement, je désapprouve les méthodes que vous utilisez mais en même temps, je comprends que cela soit nécessaire pour ce que vous convoitez et vous faites preuve d’assez de sagesse d’esprit pour comprendre que je ne vous aiderai pas pour cette partie du projet. Néanmoins, comme je l’ai dit plus tôt, je ne me mettrai pas en travers de votre chemin et je mettrai à disposition tout ce que je sais et qui est susceptible de vous faire avancer. Je ne sais pas ce qui vous compter faire exactement mais j'apprécierai beaucoup que vous ne sacrifiez pas plus de vies qu'il n'en faut. »

La jeune borgne se tut ensuite, reprenant son repas et en réfléchissant à un endroit propice pour la construction de l’hôpital. Une première idée lui parvint presque malgré elle mais Kiriha l’exclut immédiatement compte tenu de la promesse qu’elle avait fait de ne jamais révéler cet endroit à qui ce soit. Après quelques minutes de réflexion où un silence bien gênant commençait à s’installer, la jeune brune trouva finalement une idée qui pourrait peut-être satisfaire la doctoresse. Manquant de faire tomber le morceau de viande qu’elle tenait, Kiriha se tourna vers la doctoresse avec un air plus ou moins joyeux :

« Nebari-sensei, je pense avoir trouvé un endroit où l’on puisse s’installer. Il y a quelques mois, lorsque la maladie a commencé à se répandre dans le Yuukan, les recherches qui ont été menées ont démontré que celle-ci avait débuté dans un petit village à quelques kilomètres d’ici. Je pensais que ça serait un peu compliqué d’arriver dans un village et de vouloir leur imposer la construction d’un hôpital mais, de ce que je sais, le remède a été administré sous forme de nuage de gaz mais je ne suis pas sûr que Kyrua-sama l’ait fait dans tous les villages. En d’autres mots, je pense que, vu que les personnes là-bas ont été les premières touchées et donc les premiers à tomber, il ne serait pas étonnant que les personnes restantes soutiennent notre projet, voire même de nous aider. Et pour le sous-basement…et bien, disons simplement que cela servira d’entrepôt à médicaments ou de laboratoire d’analyses médicales et si on se débrouille bien, personne ne devrait avoir vent de vos recherches « peu communes » ou du moins, je veillerai à ce que personne ne le soit. »

Elle montra une direction générale vers laquelle la doctoresse pourrait s’orienter.

« Au sud-est, une vingtaine de kilomètres environ, on ne peut pas le rater. Le village se trouve à proximité d’un caillou géant à la forme très particulière…enfin, vous verrez bien… »

Elle se replongea dans le silence, finissant tranquillement son repas avant de souhaiter une bonne nuit à la doctoresse, de monter dans la cariole pour enfin terminer sa nuit de sommeil.