Bientôt 14 heures et le soleil est haut dans ce foutu ciel sans nuage. La chaleur qui nous étouffe Nomuë et moi est plus terrible que jamais : une goutte de sueur coule lentement le long de sa tempe, la mienne brille sous le soleil. C'est désormais prouvé, je suis le shinobi le plus malchanceux de tout Konoha : j'ai brûlé tous mes vêtements alors que je m'occupais du feu lors d'une mission de repérage, de nombreuses fois, la glace a cédé sous mes pieds, me laissant choir dans l'eau glacée mais devoir assumer une journée entière le poste de garde sous cette chaleur alors qu'on est encore en plein printemps, ça on ne me l'avait encore jamais faite !
Résigné, je laisse mon bandeau glisser le long de mon front humide jusqu'au début de mon nez. Quitte à avoir chaud, autant en profiter pour dormir ! De toute façon, nous sommes là depuis le début de mâtiné et pas un marchand ne nous a fait sortir de cette monotonie morbide. Néanmoins, je n'arrive pas à m'assoupir : Nomuë, trépigne et semble faire les cents pas, remuant la poussière séchée qui reposait sur le sol. Exaspéré par ce remue-ménage, je soulève mon bandeau de sommeil improvisé et le soleil vient immédiatement percuter ma rétine, m'arrachant, fatalement une grimace de douleur.
-C'est pas bientôt fini ?!
-Re... regardes, un homme arrive, tu penses qu'il est dangereux ?
N'écoutant que mon instinct, je prends en main trois de mes shuriken. Le bruit des armes qui s'entrechoquent dans ma main achève de me réveiller. S'il était décidé à semer le trouble, cet illustre inconnu le regretterait amèrement dans quelques secondes. Sans bouger le reste de mon corps, mes yeux passèrent de Nomuë au mystérieux voyageur. Si je fais preuve de bravoure, peut être daignerait elle enfin me prêter attention ! Une goutte de sueur plus grosse que les autres coule alors sur mon front. Mon regard se porte à nouveau sur l'homme. Il a avancé et je suis désormais capable de le détailler : il porte un simple tee-shirt orné d'un sigle noir, un pantalon sombre lui aussi. Il semble arborer une épaisse barbe et ses cheveux lui tombent sur les épaules. Il continue d'avancer ! Je discerne très nettement à présent qu'il porte un sabre dans le dos. Il m'a vu à son tour ! Il me sourit d'un air arrogant et présomptueux et commence à dégainer son katana ! Mon sang ne fait qu'un tour et je lance les trois armes de jet vers l'intrus. A ce moment précis, Nomuë me hurle dans les oreilles de stopper mon geste. Mais il est trop tard : les trois petites étoiles foncent en direction de l'homme.
Mon tir n'est pas parfait (je n'ai jamais excellé en lancé de shuriken) et je vois ainsi avec dépit l'une de mes trois armes se figer dans la terre à plusieurs mètres de sa cible. Les autres projectiles continuent leurs route vers lui mais, alors que j'étais sur le point de crier victoire, l'homme mystérieux achève de dégainer son arme et tranche littéralement le premier shuriken avant d'attraper le second en vol d'une seule main. Le souffle coupé, j'en laisse même choir mon bandeau qui, trempé par la transpiration, se recouvre immédiatement de poussière. Il n'y a qu'une seule personne à ma connaissance capable d'un tel prodige, une personne qui, selon les rumeurs, aurait disparu depuis plusieurs jours ! Le hokage était de retour parmi nous !
Les larmes aux yeux, Nomuë et moi nous nous élançons alors à la rencontre de notre hokage. Il semble néanmoins avoir changé : au delà de ses cheveux qui avaient doublé de volume et de son imposante barbe, une certaine maturité trônait à présent sur son visage.
-Senpaï, où étiez vous passé ?!
-Des bruits courraient comme quoi vous aviez été abattu au cours d'une dangereuse mission !
-Il faut croire que certains vont être déçus d'apprendre que je suis toujours en vie, répondit-il d'un clin d’œil. Si les « bruits qui courent » ont atteints vos oreilles, alors ils ont sûrement du atteindre celles de ma compagne qui se fait, à coup sûr, un sang d'encre pour moi. Vous m'escuserez mais il faut donc que je m'éclipse.
Aussitôt dit, aussitôt fait : une bourrasque d'air chaud vient me fouetter le visage, m'obligeant à cligner des yeux un instant. Je suis désormais seul avec Nomuë et la chaleur vient de tomber, une brise de vent soulève mes cheveux. Je jette un coup d'oeil à ma partenaire. Son T-shirt, collé par la transpiration, moule avec précision sa poitrine de déesse. Avant même d'avoir pu ouvrir la bouche afin de sortir l'une de ces répliques de dragueurs cliché, je sens un léger picotement sur la joue. Je suis face contre terre, la joue gauche rougie par la baffe magistrale que je viens de prendre et j'ai un goût infecte de poussière dans la bouche.
-Fait chier !
Je suis décidément le plus malchanceux des shinobis ...