Je rouvrais les yeux, encore une fois lourdement. Ma vue est trouble, mes muscles engourdis et dans une fraîcheur humide scotché à mon siège métallique. Porté par une envie de me sortir de tout ça, je pousse sur mes jambes. Mes mains ne sont plus liées au fer, étrangement. Un effort surhumain se lie à moi pour m’aider à me soulever, ma masse se détache dans une difficulté étonnante du siège. Je veux devenir le maître du jeu ici, attaqué pour me défendre. Je secoue ma tête, c’est dans une rage noire que mes pupilles commencent à y voir plus clair, dans toute cette obscurité. Je ne crie pas, ferme les yeux et me concentre. Je n’arrive à rien du tout, la haine détruit le moindre effort de concentration. La rage tâtonne une partie de moi enfoui, sous mon apaisement inhabituel du moment se cache les résidus de mon passé pas si lointain que cela du présent que je croyais plus radieux.
Je soulève parallèlement mes deux bras lentement, j’incline mon visage fermé et les yeux clos un peu vers le sol. Une croix vivante au milieu du laboratoire, le calme recommence à prendre ses aises quand tout à coup elle est assassiné par l’insatiable rage et sa soif de destruction massive. Le shôton s’empare de la totalité de la pièce autour de moi, assez loin tout de même pour ne pas me blesser. L’explosion retentit presque sourdement dans mes oreilles, je perçois le son d’un liquide coulant à flot près de moi. Mes yeux toujours éteints, j’exécute quelques mûdras encore. Un jutsu fuuton s’abat sur les murs en face de moi, un écroulement commence à se faire entendre : Il arrive bientôt.
Mes pupilles s’ouvrent alors, je cours droit devant moi pour échapper aux conséquences destructrices de mes actes. Une ombre est reconnaissable dans la pénombre, comment se fait que je sais et parviens à distinguer cette masse pourtant si proche des teintes des pièces obscurs ? Je la poursuis quand tout à coup elle disparait, s’évanouit sous mon regard. Pas de doute, un Genjutsu dont je suis victime. Comment le sais-je ? Aucune petite idée, mais je saute par réflexe. Je saute pour éviter un danger sournoisement venu de derrière. Je garde l’œil avisé droit en dessous de moi, la pointe de mes pieds sur le haut des murs, je suis scotché. Devant moi une ombre munie d’un shuriken, un peu plus et mon sang aurait tenu compagnie à l’humidité ambiante.
Une lance de cristal jaillit du bout de mes doigts, la chair s’en ressent et tonne dans les couloirs antiques. Un second pieu s’abat sur son corps, précisément sur sa main gauche. Empalée dans la fondation droite et la main gauche, l’ombre est immobile au sol. Muni d’un kunaï, je saute sur lui. Mes deux pieds à ses côtés, j’avais le sentiment qu’il n’était pas si fort celui-ci. Le fer touche sa peau, plus précisément sa gorge. Je l’effleure avant de lui asséner un violent coup à l’arrière du crâne, il s’évanouit sous la pression. Je me relève du dos de ma proie finement désactivé. Je tourne la tête autour de moi, je me dirige droit devant finalement. Finalement, la lumière fait place à l’obscurité en bout de course. Une lumière symbolisée par les torches accrochées aux murs. Un second piège de glace s’active, des pics pointus se dirigent sur moi. Cette fois-ci, j’ai finement analysé la périlleuse situation. Un saut sur la droite appuyé par mes deux mains bien fermes sur le sol, un regard vers mes assaillants de glace. Un dernier est en mesure de me piquer, je trouve le temps de me munir de deux kunaïs. Un petit son ferreux retentit, les pics s’abattent en rafale tels des flèches sur la pierre.
A peine eussè-je relevé mon visage que je déchiffre la présence de trois autres adversaires, des clones de glace… ma crinière désempare un peu ma vue de toutes ses facultés, je passe une main dans mes cheveux. Je me rends compte que mes capacités physiques sont pleines malgré la dureté de me sortir de cette chaise tout à l’heure. Tout est fort étrange, je dois abattre ces minables pantins et sortir, un escalier se trouve juste derrière ceux-ci. Ils me regardent sans bouger le moindre membre, j’élance mes deux kunaïs sur celui de gauche puis celui de droite. A peine fussent-ils arrivés à destination qu’ils se retournèrent droit contre moi sous forme bien plus tranchante, des projectiles de glace. Je parviens à les esquiver tous deux, les trois compères étaient déjà à côté de moi. Un, deux… J’esquive le troisième coup d’un bond magistral, dans les airs, je me sens étouffé. Deux coups de poings en plein ventre et me voilà en difficulté, pathétique… Ils avaient bien suivi mais j’avais l’avantage, mon shôton me recouvre entièrement puis explose à leur visage. Je dose assez bien pour ne pas me blesser, je retombe sur mes deux jambes depuis les airs tout en contemplant la fin de vie plutôt rapide des trois glaciers sur pattes.
Je me dirige donc droit vers l’escalier, je dois sortir au plus vite de cet enfer. Une marche à peine, je sens mon pied droit s’arrêter brusquement. Je sens une main gla… une main glaciale ?! Je tourne ma tête puis vois une main de glace s’emparer de mes deux jambes. Elle provient du sol ? Tout à coup, j’aperçois s’extirper des hauteurs rocheuses de la salle une masse bleue et blanche à la fois. C’est lui mon véritable ennemi. Il m’a tendu un piège, je suis dans une véritable prison de glace. Le plus surprenant reste à venir, je vois sa forme humaine reprendre ses droits sur lui. Une coupe courte décorée de deux pics bruns sur les côtés… Ses yeux éclatants et son sourire enfantin… Je crois rêver, il s’agit de la copie conforme de Sake. Un Genjutsu ? Un clone ?
-Tu comprends enfin la vérité Akira.La même voix cassé et aigüe à la fois ! Ce n’est pas vrai, ce n’est pas Sake. Il ne peut pas faire tout cela, c’est un Ryuk . Encore un genin, il n’est pas capable de créer toute cette tromperie absurde ! Il s’articule devant moi, s’arrache un bout de son vêtement me regardant avec haine. Je crois rêver, je découvre un torse rempli de cellules étranges, des éclats, des brûlures et des cicatrices se dévoilent à moi sur sa chair. Aurait-il subi des transfusions ? Tout s’expliquerait alors avec netteté. Pas le temps de penser davantage puisque dans un élan soudain il s’attaque à moi, kunaï en main droite. La gestuelle est exactement la même. Je ne peux plus bouger, alors soit. Je vais essayer de ne pas le tuer et le repousser. Encore une fois, je cristallise son bras gauche avec succès. J’hésite à trancher celui-ci, le voilà déjà sous mes yeux, je n’ai rien le temps de faire. Me plantant son arme dans le foie armé d’une hargne sans pareil, mon shôton à couvert de blessures plus graves mon corps mais je suis partiellement toucher. Instinctivement j’explose mon cristal, il crie de douleur sous l’explosion du cristal sur la chair, des éclats volent dans la pièce m’obligeant à me couvrir le visage, d’autres m’atterrissent dans le corps, je fléchis les jambes puis me rend compte que les mains qui m’enchaînent ont disparu. Un genou au sol, je suis blessé partiellement et Sake ne semble pas vouloir m’épargner, je ressens une forme inconnu pour moi de sentiment. Un dégout sans nom mélangé à une tristesse énorme de voir mon frère me vouloir la mort.
-Pourquoi ?! Mes paroles eurent tout juste le temps de parvenir à lui que je sentais son poing de glace m’écorcher la joue droite. Je vire d’avant en arrière, un bras de glace s’extirpe de son torse pour venir me tenir au col. Je peux le tuer mais je ne veux pas, je ne peux pas. Je lis la haine dans ses deux pupilles, attiré par le bras droit vers lui. Son kunaï attend de se loger dans mon thorax, je parviens à lui infliger un coup de pied en plein visage. Je tournoie dans les airs puis me munit de mon katana ! Dos à lui, mon katana et sa lame sont eux bien en face de Sake. Shôton ! La lame cristallisé s’allonge jusqu’à venir démolir son épaule, par chance j’ai réussi sans le voir à éviter sa mort. Continuant de tourner, je lâche mon katana jusqu’à retomber presque face à lui au sol. Je suis mal en point, ma vue se trouble encore. Je revis le même drame toujours, sous des formes différentes. Il veut ma mort. Son hyôton soudain déloge ma lame cristalline de son os. Il est blessé de l’épaule droite et ne peut vraisemblablement plus s’en servir.
Rué sur moi, le temps est soudainement lent. Je crains sa masse qui se déchaîne droit sur moi, vouée à la tâche de m’abattre. De sa main gauche il se saisit de son katana, je suis bloqué face à lui. Je ne veux pas lui faire de mal, reviens moi mon frère bien aimé. La lame se dirige droit sur moi, mes yeux voient fuir des larmes. Le temps accélèrent tout à coup, je ne vois rien venir pas même mes gestes. J’entends cette voix si familière crier en moi !
« Je suis LA !!! » La noirceur de mon cœur s’exaltait dans un sursaut de violence, elle s’était emparée un court mais fatal instant de moi. Je sentis tout ce sang me jaillir dessus, mon corps se vit souillé. Mes larmes se mêlaient au sang, son katana retourné droit vers lui. Planté comme la faux de la mort sur la gorge d’un mortel. Il était immobile sous mes yeux, ses mains s’agrippent à mon tissu. Il tombe au sol lourdement, les larmes de mon corps s’évadent de moi. Mes yeux sont grands ouverts comme si le destin me jouait le cruel tour de devoir affronter et admirer le spectacle macabre dont j’étais l’auteur. Un monstre et un mort logeaient cette pièce, je m’effondre en larme au côté de Sake.
Le sang me laisse le baigner avec mélancolie. Je crois être resté tenir compagnie à mon frère endormie des heures durant, j’appris plus tard que j’avais repris mon chemin au bout de cinq minutes. Cette révélation me dégouta plus encore de mon être. Lourdement, j’escaladais les montées de l’escalier. La lumière naturelle de la lune éclaira mon visage tâché de sang, tâché de larmes. Epuisé mentalement, blessé et meurtri, mon corps lâcha toutes les commandes en plein vol sans prévenir. Mon esprit s’éteignit et je mourus. Effondré au sol de l’herbe humide, c’est ainsi qu’on me retrouva.
L’humidité laissa place à la chaleur, la saleté à la propreté et l’herbe aux draps blancs. J’ouvris une énième fois les paupières. Engourdi dans de fabuleux drap, la tristesse était toujours présente. Je tournai la tête à ma gauche et aperçut le grand quarantenaire du début. Le maître de ma formation ici. Il y avait inscrit sur son kimono un nom : Shin. Il avait le visage fermé, le regard éteint mais toujours aussi dur. D’une petite voix pathétique et regrettable je le fis sursauter, juste un peu.
-Vous vous appelez Shin ?Il me regardait d’un air étrange, je ressentais une tristesse énorme chez lui. Je sentais mon corps toujours pareil, mais je me sentais aussi capable de soudainement déchiffrer des choses inconnues pour moi avant. J’étais serein spirituellement malgré l’insurmontable tristesse toujours encré en moi, en mon intérieur le plus profond.
-Tu te sens différent.Il tourna la tête pour épier dehors, les enfants du clan s’amusaient dans la cour. Les oiseaux chantaient, le temps était agréable ici cette fois. Il souffla un peu, ses bras croisés et sa tête enfin relevé droit sur moi il poursuivit.
-Tu as été exemplaire Akira Ryuka, j’aurais été fier d’être ton père. Tu as fait preuve…Je sentais une émotion énorme parcourir la pièce, juste entre lui et moi. Tristesse, fierté, regret, paix, harmonie, destin. Des mots résonnaient au sein de mon crâne. Je regardais l’air pitoyable l’homme, il tourna la tête pour me cacher ses larmes. Je les devinais, malgré tout. Dans une inspiration difficile, lourde il reprit en me fixant.
-Tu as été un shinobi exemplaire durant ta formation ici. Cette tenue est pour toi, tu la mérites. N’oublie jamais cela. C’est la marque que seuls les grands portent, sois en très fier et ne le perd jamais. Prends en soin, Akira.Un sentiment énorme me parcourait. Je ne comprends pas tout ça, tout va très vite pour moi. Il aurait aimé être mon père… Quelle puissance dans la scène, je n’en reviens pas. Obligé de me lever, je ne pouvais rester comme un fainéant cloué au lit. Je le borde bien, repose l’oreiller au bout puis me vêtit au plus vite sous ses yeux. Il s’éloigna un instant, me tournant le dos et les mains croisées derrière. Il contemplait la cour.
-Tu seras amené à commettre d’horribles choses, pour ce qui est du pouvoir ; tu en auras, ne t’inquiète jamais de ça. Depuis tout ce temps, tous ces hommes qu’on m’a envoyé. Tous les shinobis que j’ai croisés, je n’ai jamais vu ce que tu as osé faire. Abattre ton meilleur ami, résister à de puissants genjutsu. Tu as un sens du sacrifice purement remarquable, la marque que tu portes au cou est le signe de notre approbation pour ton entrée dans le Jingi. Mais tu ne seras jamais limité à cela, tu es destiné à de grandes choses si tu sais faire la part des choses. Comme ces jours-ci. Tu ne t’en es sûrement pas rendu compte, mais tu as erré deux jours dans les sous-sols. Nous t’avons retrouvé dans le coma juste plongé dans l’herbe. Tu as été nourri, soigné et tu as ensuite beaucoup dormi. Celui que tu as abattu était un traître, un ancien du clan qui luttait pour sa liberté contre toi. Empli d’une fierté toute nouvelle et incommensurable, le soulagement avait sa part dans mon cœur et mon esprit aussi. Je voulais lui donner une franche accolade sans trop savoir pourquoi, Shin était un homme grand et pur. Je le sentais, alors je me contentai de ces simples mais singulières et sincère paroles pour le saluer une ultime fois, par pudeur je ne dévoilai pas toute mon émotion.
-Je suis profondément touché, un jour viendra où je reviendrai vous saluer et vous remercier pour tout. Je serai digne de vous et de votre formation, cette tenue sera le symbole de tout ceci. Pour vous répondre, moi aussi. Moi aussi.Je ne voulais trop en dire par extrême pudeur, je voulais tout simplement qu’il comprenne que moi aussi j’aurais été fier d’être son fils. Nous étions de parfaits inconnus l’un pour l’autre et pourtant si ressemblants, si soudainement proches. Il se tourna enfin, pour finir là-dessus.
-La marque, à chaque difficulté puise tes forces en elle. Si tu perds ta spiritualité cette marque maudite te gouvernera, un vrai soldat du Jingi garde toujours son contrôle dessus. Ne parle de rien aux autres, jamais. Il incline sa tête respectueusement, les yeux fermés. Je l’imite, une fille me raccompagnera finalement à la sortie du village. Sur les routes, le trajet parût léger et court. J’étais encore plus différent qu’avant, j’étais enfin un des leurs. Un Jingi, ou presque.