Sa première mission. Déjà, Satoru pouvait sentir les papillons commencer une danse endiablée dans son ventre alors qu’il s’élançait à travers le village vers le lieu indiqué. Donc un chat, coincé dans un arbre. C’était supposé être facile, il ne devrait y avoir aucune difficulté… Enfin, pour quelqu’un avec des yeux fonctionnels. Maintenant, l’adolescent comprenait que trop bien pourquoi on ne voulait lui donner que des missions D, ce qui semblait simple pour n’importe qui relevait soudain de l’aventure pour quelqu’un avec son handicap. Mais il allait réussir, il savait au font de lui-même qu’il allait réussir.
Il n’eut aucune difficulté à se rendre à l’endroit prévu, il avait mémorisé comme sa poche chaque rue du village pour s’y repérer sans problème. Ce que Sanzo n’avait pas prévu, cependant, était que ce chat n’avait pas grimpé dans un arbre de jardin, non. Il avait sauté d’une corniche du quartier résidentiel, probablement dans le but d’atteindre l’étroit chemin en contrebas. Et fort heureusement, plutôt que de se réceptionner sur le sol caillouteux après une chute de huit mètres, il avait atterrit dans la ramure d’un arbrisseau chétif. Celui-ci défiait la gravité en poussant presque à l’horizontal, mais c’était un spectacle courant dans les environs montagneux de Kumo, avec toutes ces montagnes en pente raide.
Ledit chemin en contrebas était un sentier étroit qui contournait le village pour mener vers les sommets (il était surtout utilisé par les bergers pour monter leurs bêtes vers les pâturages en hauteur). Mais voilà, Satoru n’avait jamais arpenté ce passage. D’abord parce qu’il ne faisait pas partit de Kumo à proprement parlé, donc il ne voyait pas l’intérêt de le mémoriser. Et ensuite parce que le chemin n’était pas balisé et menait à une chute de plusieurs mètres dans un ravin, ce qui n’était pas l’idéal quand on ne voyait pas où mettre ses pieds.
Ravin au-dessus duquel se trouvait d’ailleurs le chat qui miaulait de désespoir. Et en-dessous de lui, debout en plein milieu du sentier aux bergers, se trouvait la vieille femme qui appelait son animal en sanglotant. À genoux près du rebord de la corniche, dont Satoru avait repéré les bordures en tâtonnant prudemment devant lui, l’adolescent interpella d’abord la dame pour la rassurer.
- Madame! Je suis Hashimoto Satoru, ninja genin de Kumo! Je suis ici pour vous aider à récupérer votre chat! Est-ce que vous me voyez?
Le vent et l’écho des montagnes permis au ninja de se faire entendre sans problème par la cliente, qui le supplia aussitôt de faire quelque chose pour sa pauvre petite bête. Heureusement, avec la distance, la femme ne put pas voir que son sauveur avait d’étranges yeux flous, sinon quoi la situation se serait nettement dégradé. Soulagé par ce détail, Satoru inspira un bon coup pour calmer sa nervosité.
- Voilà ce que je vais faire : je vais descendre cette corniche jusqu’à l’arbre pour récupérer votre animal. Je veux que vous restiez en bas pour que s’il tente de sauter, vous puissiez l’attraper avant qu’il ne se fasse mal. Est-ce que cela vous convient?
- Oui, mais je vous en prie, monsieur, ne l’effrayez pas…!
Bon, d’accord, temps de passer à l’action et de faire ses preuves. Hashimoto inspira à nouveau. Expira. Par l’ouï, il pouvait très bien repérer le chat par ses miaulements, l’arbre par le son du vent dans ses feuilles et la dame par le bruit de ses pleurs. Bien, il avait les trois éléments les plus importants, maintenant, temps de faire le reste. Inspiration. Comme il l’avait appris à l’académie, Satoru effectua sans problème un Konobori, concentrant son chakra vers la plante de ses pieds pour les rendre adhérent à toute surface. Expiration. Ok, il était prêt.
Se relevant debout, l’adolescent avança jusqu’au bord de la falaise… puis bascula à l’horizontal. En bas, la femme eut un petit cri effrayé, mais il l’ignora pour garder intacte sa concentration. D’accord, il avait les deux pieds encrés à la paroi. Maintenant, il devait faire attention à chacun de ses pas. Certes, ses sandales étaient collées à la falaise grâce à son chakra, mais si un trou se présentait sous son pied levé au moment où il croyait avoir atteint la surface… il glisserait et se blesserait à coup sûr. Donc ne pas lever les pieds, les laisser glisser peu à peu sur la falaise, l’un à la suite de l’autre, toute en douceur…
Quand enfin Satoru atteint l’arbre, la suite des choses se déroula plus facilement que prévu. La plante n’était pas assez solide pour supporter son poids, mais il n’en avait pas besoin, il pouvait rester fixer sur la paroi en pierre. Quant au chat effrayé refusant net de coopérer, un simple Kanashibari no Jutsu suffit à le paralyser, permettant à l’adolescent de le saisir sans coups de griffes pour le caler en sécurité sous son bras. Les quatre derniers mètres se firent avec la même prudence que les premiers et bientôt, le genin se retrouva aux côtés de la vieille femme. Celle-ci lui arracha aussitôt la bête des mains, le serrant contre elle avec une voie émue. Bien que Satoru ne puisse voir le spectacle, il le devinait très facilement, lui faisant étirer un grand sourire niais. C’est à cet instant que la femme réalisa qu’il était aveugle, faisant aussitôt entendre une exclamation de pure surprise.
- Mais comment avez-vous fait!? C’est incroyable!
- Oh, vous savez madame, je suis ninja. Les petits miracles, ça fait partit de notre quotidien.
- Jeune homme, je ne sais pas comment je pourrais vous remercier, risquer ainsi votre vie pour mon petit trésor…
- En fait, il y a quelque chose que vous pourriez faire. Voudriez-vous me raccompagner jusqu’au village? Je ne connais pas ce chemin et comme il est plutôt étroit…
Ainsi Hashimoto Satoru fut-il ramené au village en étant tenu par la main tel un enfant, babillant joyeusement avec la vieille dame jusqu’à ce qu’ils doivent se séparer. Plus tard, celle-ci racontera à ses amies sa rencontre, non sans une note de consternation dans sa voix : un garçon aveugle capable de descendre à pied une falaise de huit mètre, mais devant être guidé pour suivre un chemin de campagne. Vraiment, la vie était si étrange!