Rassemblement ; Formation d'une nouvelle équipe.

   

   

Le réveil du sensei me laissa sans voix, les bras ballant. Après l'intensité des événements qui venaient de se dérouler et qui avaient fait pulser de l'adrénaline dans tout mon corps, la tension que j'avais accumulée retomba d'un coup. De nombreux sentiments se mêlaient en moi : la déception, la colère, l'abattement... Je n'avais jamais rien ressenti de tel, et l'envie de tout abandonner et de retourner à la maison familiale des Manji me parcourut l'espace d'une seconde. Moi qui avait toujours fièrement porté mon statut de ninja et le nom de mon clan, voilà que j'étais renvoyé de l'académie. Je n'arrivais plus à penser, si bien que je ne notais même pas que notre sensei nous avait dans la même phrase renvoyé et donné rendez-vous le lendemain. Seulement, à cet instant, je voulais partir et en plus jamais revenir.

Avec une joie indescriptible, je voyais revenir la vitalité qui la caractérisait tant sur le visage d'Akiko. Elle partit aussitôt dans une de ses réflexions à voix haute où elle m'incluait de bon coeur. Ses remarques sur ma technique étaient pertinentes, cependant mon orgueil fut piqué au vif quand elle me demanda ce que je savais dessiner d'autre. J'avais jusque là réalisé de nombreuses créations, cependant il était très différent de passer plusieurs heures à réaliser une estampe et de devoir dessiner en une seconde, en y réfléchissant à peine, une figure pour lui donner vie.

 - Tu as raison, dis-je, il me faut quelque chose de petit et rapide à dessiner. Quelque chose que je pourrais projeter sur mon adversaire serait l'idéal.

 Comme je le faisais souvent pour trouver l'inspiration devant mon papier vierge, je me remémorais des souvenirs qui avaient marqués ma vie. Sans doute encore secoué par les émotions de cette matinée, je retournais en mémoire dans la réconfortante maison Manji. Je me souvins d'un après-midi où le temps était éclatant. Mon frère décidait de m'emmener à la plage qui se trouvait à quelques pas de la demeure familiale. Nous y avions passé des heures à regarder tout ce que la mer avait bien voulu laissé sur le sable : coquillages, galets et algues...Je me rappelai à ce moment que c'était pour la première fois de ma vie que je voyais un oursin. J'avais été subjugué par cet étonnant animal recouvert de piquants - auquel que m'étais frotté de trop près. Mon frère avait fini par me ramener chez nous, en larme, pour me retirer les épines que je m'étais plantées dans les mains.

 - Un oursin pourrait faire l'affaire! Ou plutôt une famille d'oursins si je veux rendre cela efficace.

 Je brûlais de m'y essayer, cependant Akiko avait posé une question à laquelle je n'avais pas encore répondu. Elle souhaitait accélérer sa vitesse de frappe à ce qu'elle disait, et ça n'avait rien d'évident. Après un instant de réflexion, je finit par lui demander :

 - Est-ce que tu ne pourrais pas te servir de ton jutsu pour augmenter ta vitesse? Je ne sais pas vraiment si c'est possible, en te propulsant avec peut être... comme quand une détonation propulse tout ce qu'il y a autour d'elle...?

   

   

Akiko semblait captivée par ce qu'elle tentait de faire, aussi je m'essayais au dessin d'oursins sur mon parchemin. Ce n'était pas une forme complexe, aussi mon pinceau glissait sur le papier de plus en plus vite. Un coup de poignet vif et ample pour réaliser la sphère, des traits par à-coups pour les pics et le tour était joué. Seulement, ce n'était là que la première partie du travail. Il fallait encore que je fasse prendre vie à ces dessins, mais cela ne serait sans doute pas bien plus compliqué qu'avec une seiche. Certes il s'agissait là de plusieurs figures, mais si j'étais capable d'invoquer le céphalopode pourquoi pas autre chose?  
 Alors que je m'apprêtais à essayer, Akiko poussa un cri tout en plantant ses deux doigts au niveau de mon bras. Cela me fit pratiquement bondir tant ce comportement était inattendu, et je donnais par inadvertance un grand coup de pinceau en travers du parchemin. Je jetais un triste coup d'oeil à ma création perdue avant de reporter mon regard sur la jeune fille rousse.

 - Katsu' ? m'interpella-t-elle - comme si son attaque surprise n'avait pas été suffisante. Je sais juste faire vibrer l'air moi. Je le fais vibrer autour de mon bras, rien de plus, mais j'ai l'impression que ça sert à rien.

 Elle semblait à nouveau atterrée, aussi je me creusais les méninges pour trouver une solution. Le vent qui bouscula les cheveux d'automne d'Akiko me rappela une après-midi si venteuse que j'avais eu beaucoup de mal à arriver jusqu'à la demeure Manji. En me voyant décoiffé et à bout de souffle, mon frère m'avait dit en riant : "Eh bien, Katsushika, l'air aurait-il été plus fort que toi?". Cela me donna une idée.

 - Même s'il est immatériel, l'air peut être un obstacle étonnant ; peut être qu'en parvenant à le faire vibrer suffisamment vite cela te permettrait de briser cet obstacle. Comme ça tu ne serais pas freinée dans tes déplacements, qu'est-ce que tu en dis?

   

   

- Je nomme cette technique : Célérité cascabellique, annonça fièrement Akiko après être parvenue à faire ce qu'elle désirait.

 Pour ma part, je devait reprendre à zéro l'élaboration de nouvelles invocations. Les oursins seuls me semblaient un peu légers à présent, bien que j'en imaginais une utilisation plutôt variée. En réfléchissant à ce que je savais déjà et en songeant à ce qu'avait réalisé Akiko, je me rendis compte qu'il me manquait peut être de la vitesse - ainsi que de l'agressivité. Ma seiche était parfaite pour saisir mon adversaire et le couvrir d'encre en explosant, mais il me fallait également pouvoir acculer mon adversaire.

 Continuant à m'inspirer de l'océan qui avait bercé mon enfance, je m'essayais à différents dessins au gré de mon imagination : un poisson, une étoile de mer, une murène, des algues et coquillages... Je jetais un regard pensif à mon parchemin couvert de figures. Levant les yeux vers le ciel, une dernière idée me traversa l'esprit. Un goéland! Ce majestueux oiseau m'avait toujours fasciné.

 Alors que le papier avalait tout juste l'encre, je me concentrais pour donner vie à ces figures. Les oursins se matérialisèrent en premier - ils étaient cinq. Un sourire naquit sur mon visage, mais je fus quelque peu déçu de ne pas parvenir à éveiller tout ce que j'avais tracé sur le papier. Je ne devais pas me surestimer.

 Faisant flotter un instant les oursins et éprouvant leur piquant sur la paume de ma main, je les laissais finalement redevenir liquides. Je regardais à nouveau le parchemin, songeant que ce méli-mélo de figure ne m'étais pas nécessaire. La forme sinueuse et dynamique de la murène que j'avais tracée me plu beaucoup après une observation plus longue, et je décidai de me concentrer dessus. C'était un animal à la fois vif, menaçant et quelque peu inquiétant. Je lui avait tracé de petites dents que je comptais bien utiliser dans mes futurs combats.

 Cependant, l'éveiller s'avéra plus complique qu'avec les oursins qui étaient plus statiques. Je cherchais à retrouver ce que je faisais avec la seiche, plus semblable, et vit le serpent d'eau se détacher du papier. Au gré de ma volonté, il dansait sous mes yeux. Je parvins à le faire s'étendre de belle façon sans qu'il ait pour autant besoin de quitter totalement le parchemin. Je pensais alors que l'y faire revenir pour esquiver des contre attaques serait un bon moyen de le garder en sûreté pour mieux frapper à nouveau une fois le danger écarté.

 Je m'y essayais plusieurs minutes, faisant rentrer et sortir la murène de sa prison de papier encore et encore jusqu'à ce que cela soit finalement fluide. Un grand sourire naquis sur mon visage et je ne pus m'empêcher de pousser un petit cri de joie. La sueur perlait sur mon front, mais je ne voulais pas m'arrêter en si bon chemin. Non, le goéland m'attirait trop pour que j'abandonne là!

 Mon corps ressentait la fatigue accumulée et une migraine commença à me prendre. Je plaçai ma main au dessus de l'oiseau pour m'aider à me concentrer. Après une profonde inspiration, je glissais mon chakra dans l'encre pour la désolidariser du papier qui pour le moment lui permettait d'avoir forme. L'énergie que j'y plaçais pris lentement le relais, et l'oiseau fini par battre des ailes devant moi avec une majesté qui m'éblouie. Commandant ses mouvements, je le fis sautiller un instant sur place avant de l'emporter dans le ciel tournoyer au dessus de nos têtes. Je lui fis effectuer quelques piquets avant de le faire à nouveau danser dans l'azur.

 Je me tournai vers Akiko, un sourire béat sur le visage. Il s'effaça bien vite quand je me rendis compte qu'elle n'avait pas prêté attention à tout ce que je venais de faire...