Yumi EsukiRang S
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Fiche shinobi Grade: Nombre de missions effectuées: 0 SS - 0 S - 0 A - 0 B - 1 C - 0 D Talents: | Sujet: Au revoir, Yumi Esuki Jeu 23 Fév - 23:24 | |
| La nausée. Oui, j’avais la nausée. Cette odeur nauséabonde qui émanait des détritus alignés sur le trottoir me donnait presque envie de déglutir mes râmen à la gueule du propriétaire de cette échoppe de rue. Ok, c’était le seul établissement encore ouvert à cette heure tardive. Mais c’était pas une raison pour se permettre de servir une belle femme de la sorte ! Insatisfaite, je ne manquai pas de le faire remarquer.- Et vous allez me faire payer pour ça ? Vous m’avez pris pour quoi, un Kage, ou quelque chose comme ça ? Dans le mille, huhu. Dégagez-moi vos poubelles ou servez-moi chez vous… je sais pas, faites quelque chose.Le pauvre type me regarda d’un air interloqué. A la fois contrarié, mais aussi trop honteux pour se permettre de me virer d’ici. Après tout, les clients ne devaient pas courir les rues dans cette bourgade du pays des sources chaudes. Il faut dire qu’il n’était pas tombé sur le cas le plus facile de Yûkan… Fût un temps, je n’aurais pas osé lui parler de la sorte. J’aurais fait montre de bonnes manières, accompagnant les gestes courtois à un vocabulaire riche et à une syntaxe étoffée, quand bien même nos statuts sociaux étaient à des années-lumières l’un de l’autre. Mais cette Yumi Esuki n’existait plus.~ Alors que Dorumo sortait de mon bureau, je profitai de la satisfaction procurée par la réussite d’un projet pour m’octroyer un court répit bien mérité. Les journées semblaient bien longues quand on les passait à administrer un village ninja, et les problèmes n’y arrangeaient rien. Je déblayai le meuble en marbre d’un geste brusque afin d’y faire de la place, dans l’idée d’allonger mes pieds endoloris sur la pierre froide. La chaleur du désert les faisait souvent enfler, il fallait bien remédier à ce problème d’une manière ou d’une autre… Quel comble, n’est-ce pas ? Une utilisatrice de Hyôton qui a besoin de se rafraîchir. Cela ne dura qu’un temps : je sentis mes yeux s’exorbiter, comme si cet environnement les poussait à vouloir aller prendre l’air. Blague à part, tout devint incontrôlable… Et lorsque j’eus l’impression de jouir d’une seconde de tranquillité, je remarquai que mon bureau était recouvert d’une fine pellicule de glace. Étrange, mais pas tant que ça venant d’une Esuki, me direz-vous ? Pourtant, si. Cette glace avait quelque chose d’anormal. Sa couleur. Oscillant entre le bleu marine et le noir de la nuit, j’étais persuadée de n’avoir jamais créé quelque chose d’aussi sombre. Je m’efforçai de garder mon calme en inspirant longuement, puis je me levai pour aller jeter un coup d’oeil dans le miroir près de l’entrée. Deux étoiles d’un bleu cyan rayonnaient en plein milieu d’un pan du ciel qui n’était plus aussi pâle qu’autrefois. Le Shimogan refaisait des siennes.
Alors que je m’estimais tirée d’affaire, mes gènes chargèrent de nouveau, faisant surgir un pic de glace d’une impressionnante épaisseur depuis le mur à ma gauche. Ce dernier s’était fiché aussitôt de l’autre côté de la pièce, comme s’il l’avait transpercée en plein coeur. Et encore cette teinte obscure… J’avais l’habitude de rêver de choses terribles, pourtant cette situation était plus vraie que nature. Terrible, mais véridique. Gênée de laisser l’endroit en un tel état - quel altruisme de penser aux femmes de service dans un moment pareil -, je flanquai une série de coups à cette glace non-maîtrisée, ne laissant derrière moi qu’un sillon de flocons ténébreux qui fondrait bien vite sous l’ardeur de Suna. Les poings endoloris, saignant même à quelques phalanges, je me précipitai vers le couloir pour rejoindre ma chambre. Cela allait passer. Cela devait passer. Pourvu que ça passe. Ainsi l’histoire se répétait. A la manière de mon ancêtre, je m’enfermai dans mon sanctuaire pour être sûre de ne blesser personne pendant une phase que je peinais à contrôler. Je devais en parler à Naeko, peut-être avait-il vécu la même chose à l’apparition de sa pupille… Certainement pas, et ce bougre n’allait pas manquer de faire une remarque sur mon horloge biologique. «Non, crétin, la ménopause n’extermine pas ton entourage à coups de pics de glace noire pourfendeurs !» lui dirai-je. Et il en rirait sans doute. Mais pour le moment, je devais respirer. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Inspirer, exp-…~ - Bon, ben je payerai pas. Bonne soirée.Le cuistot local sortit de l’arrière-cuisine, bien décidé à me rattraper, mais je m’étais déjà levée. Alors que je lui faisais dos, il fit mine de poser sa main sur mon épaule découverte par la tenue avantageuse que je portais. Mais je ne lui en laissai pas l’occasion. Le lendemain, les passants découvriraient le corps inanimé d’un homme prêt à extorquer les fonds de belles femmes dans la fleur de l’âge. Transpercé de part en part, ils ne comprendraient pas quelle avait été l’arme du crime. Celle-ci aurait complètement fondu, la glace noire se mêlant au fluide vital de la victime. D’un air satisfait, je vidai le fond de mon bol de râmen sur le visage meurtri de cet horrible personnage. A la chiche lueur de son échoppe, j’avais mal distingué ses traits. Désormais à la lumière vive du lampadaire de rue le plus proche, je pouvais contempler la laideur de tout son être. Une sale tronche pareille méritait bien de se faire embrocher, après tout.
Je passai la barricade qui délimitait les limites du village, reprenant ma route dans la noirceur de la nuit. Je passai une main sur ma poche de pantalon pour m’assurer que mon petit bijou y était encore, et je répétai l’opération toutes les dix minutes. Histoire d’être sûre.~ Qui suis-je ? Yumi Esuki, Kyûdaime Kazekage. Cela n’était donc pas une amnésie. Je m’étais brusquement évanouie sur le grand lit orné de la suite de la plus haute tour de Suna. Depuis ce malaise, je me sentais… différente. A la fois vide, et totalement libre. Comme si cette vacuité ne demandait qu’à être remplie sous des horizons plus favorables. Plus rien ne me retenait dans ce palais d’apparences et de bonnes manières. Plus rien ne me forçait à être celle qu’on attendait que je sois. Je contemplai le ciel bleu à travers la fenêtre, et jugeai qu’il manquait certainement de nuances. Manquait-il de nuances dans ma vie ? Il n’y avait qu’une manière franche de le découvrir. Un mudrâ plus tard, j’avais pris l’apparence d’une civile parfaitement innocente, surmontée d’un chapeau de paille des plus classiques. Je fis volte-face, déterminée à emprunter la porte et à ne plus jamais la franchir… quand quelque chose dans mon dos me retint. Mes responsabilités ? Mes sentiments pour mes proches ? Non, toutes ces sornettes étaient verrouillées à double tour dans une antichambre impénétrable. Alors quoi ? Comme si la réponse n’avait jamais quitté mon esprit, je marchai calmement jusqu’au bureau en osier sous lequel je dissimulais un coffre scellé. Je le sortis de sa cachette et en bafouai le fébrile Fûin signé de ma main. De ce coffret émanait un trop-plein désireux de combler mon vide. Mes yeux qui brillaient désormais uniformément d’un blanc laiteux perlaient d’intérêt et de curiosité lorsqu’ils se posèrent dessus. L’artefact du démon-renard. Je l’enfonçai dans ma poche avant de tout repositionner comme si de rien n’était. Il ne me restait plus qu’à me faufiler jusqu’à un des sous-terrains pavé d’une fine couche de glace constamment réfrigérée pour enfin regagner ma liberté. Adieu, Yumi Esuki… Et bonjour, Yumi Esuki. |
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