(B) Commande pour l'hôpital

Shira sépara ses mains et se redressa doucement, savourant comme toujours le calme aérien qui régnait dans cette petite salle de prière. Laissant son esprit se perdre dans les arabesques venteuses qui l'entourèrent quand elle sortit, elle alla machinalement vers la sortie de la demeure familiale, sachant aucun de ses parents présent pour la saluer. Cependant, lorsqu'elle traversa la porte, c'était une silhouette bien familière qui l'attendait, avec un air nonchalant qui cachait très mal son impatience.

- Tu sais pourtant bien que je préfère être ponctuelle qu'en avance, Shikano, s'amusa la jeune kunoichi pour toute salutation.

- Pour voir la Kage peut-être, mais quand mon oncle m'appelle, il s'attend presque à ce que je me téléporte à côté de lui, rétorqua le garçon du clan Nara avec une pointe d'agacement.

Les deux adolescents de 16 ans se mirent malgré tout tranquillement en route, discutant comme ils en avait l'habitude : efficacement, sans banalités. Le garçon portait toujours l'uniforme des Chunin trois ans après l'avoir reçu, alors que sa camarade y avait renoncé au bout de trois semaines, se contentant de sa tenue simple au teintes mauves. L'un cheveux noirs traditionnellement attachés en queue de cheval, l'autre cheveux blancs et courts en bataille, agités par le vent. L'un marchant à pas lourds et traînant, l'autre à pas léger et aériens. Deux excellents amis, qui avaient partagé leur enseignement de Genin, et qui ne virent pas le temps passer jusqu'à arriver devant la porte du Hokage. Lorsqu'ils durent se séparer, la jeune Umikaze salua son camarade de la main avant de toquer à la porte et de rentrer.

Lorsqu'elle vit Hanako Hyuga, installée derrière son bureau inondé de documents, elle détourna les yeux par réflexe, posant son regard sur l'autre ninja déjà présent. Sa chevelure blanche lui était très vaguement familière, elle l'avait sans doute vue en participant ou en assistant à un examen Chunin, mais elle ne lui évoquait ni visage, ni nom. Dans tous les cas, ils semblaient avoir presque le même âge.

Shiro finit d'avancer dans la pièce, se plaçant bien droite à côté de l'autre, et s'excusa en quelques mots pour son retard. Elle savait qu'elle était à l'heure, mais elle ne pouvait pas être à l'aise en présence d'une Hyuga qui s'était à ce point élevée au sommet, et elle fixait son regard perle sur une pile de document juste à côté des yeux de la dirigeante. Voyant les deux enfin présents, cette dernière prit finalement la parole.

- Bien. Kyo Senju, Shiro Umikaze, votre mission consistera à aller récupérer des plantes essentielles dans la Forêt de la Mort. Nos stocks s'épuisent et les hôpitaux sont débordés, j'ai déjà envoyé plusieurs équipes de Genin récupérer des ingrédients plus basiques, mais il me fallait de meilleurs éléments pour aller là-bas. Vos capacités respectives devraient vous permettre de bien vous adapter à ce milieu, chacun à votre façon, donc je compte sur vous. Voici la liste des plantes demandées par les médecins, Shiro s'avança pour prendre la liste et la regarda avec son nouveau partenaire. Il s'agit surtout de plantes à distiller, ou pour récupérer des graines pour notre serre, donc quelques unités de chaque sorte devraient suffire. Vous avez des questions ?

Regardant les trois plantes de la liste, chacune illustrée par une image et accompagnée d'une rapide description du milieu de prédilection, la kunoichi secoua la tête, ne souhaitant pas s'éterniser ici, et releva le regard vers la pile de document. Elle espérait un peu que ce Kyo Senju n'allait rien demander non plus, histoire qu'ils puissent se mettre rapidement au travail.

Shiro laissa échapper un sourire devant le faux lapsus de ce Kyo Senju. Généralement, elle aimait assez peu accomplir des missions avec des ninjas autres que ceux de son équipe traditionnelle, mais celui-ci était suffisamment enthousiaste et peu morne pour attirer sa sympathie. Ce fut donc avec un amusement difficile à repérer mais existant dans son ton qu'elle lui répondit :

- Je m'appelle Shiro Umikaze... et dans cette forêt, je pense que l'un n'empêche pas l'autre... Elle lui jeta un coup d'oeil en poursuivant : si tu es un Senju qui maîtrise le Mokuton, c'est vrai que ça va être pratique... Personnellement, je suis plus portée sur la perception et j'utilise le Fuuton.

Lorsqu'ils atteignirent les portes de la zone, la kunoichi regarda son compagnon gaspiller quelques gâteau militaires pour un oiseau avant de revenir. Écoutant sa remarque, elle haussa les épaules, assez peu optimiste :

- J'ai aussi déjà effectué quelques missions ici, et je doute qu'une carte précise nous soit utile... Elle s'accroupit, saisit une branche qui traînait au sol et entreprit de dessiner un schéma simpliste de la forêt, avec le contour de la zone et le fleuve central. Je ne pense pas qu'une carte plus précise que ça nous soit utile, ou seulement existe. S'il y avait une carte des endroit précis où trouver les plantes, on n'aurait envoyé un ninja rapide, pas une équipe comme la notre qui semble plutôt portée survie.

Elle se redressa en laissant le bâton au sol et observa sa carte simplifiée, pensive.

- Les informations qu'on a sur les lieux où poussent les plantes sont contextuelles : présence d'eau filante ou stagnante, humidité de l'air, pénombre, race d'arbre qu'elles parasitent... Aucune carte de cette forêt ne précise où poussent telle ou telle espèce d'arbre, ni ne répertorie toutes les cavernes où trous à l'ombre.

Bras croisés, elle redressa le regard vers l'autre et finit :

- Je pense qu'on nous a choisi pour ma capacité à analyser et interpréter l'état de l'atmosphère environnant, et pour ta connaissance de la flore... Ça plus une capacité de survit qui nous permettra de former une équipe très efficace pour cette mission précise. Donc je pense qu'une carte papier ne nous sera pas plus utile que notre carte mentale basique, et qu'il faudra nous attendre a passer quelques nuits ici... Cependant, il y a un point sur lequel tu n'as pas tort.

Elle s'accroupit de nouveau et sortit de son sac les informations sur les plantes à récupérer, les étalant à côté de la carte.

- Il faudrait avoir un ordre de récupération... On a de la "fleur-étoile" à récupérer, qui pousse dans des grottes avec une atmosphère sèche. Il y a aussi de "l'éponge blanche", des champignons qui poussent au ras de l'eau sur les chênes à écorce rouge. Et enfin, il y a les "doucettes", des plantes carnivore qui m'ont pas l'air très commode, et qui se contentent de la pénombre des arbres dans le fin fond de la forêt, et d'une atmosphère humide...

Redressant son attention vers le Senju, elle conclut :

- Une préférence ?

Shiro fut d'abord surprise par le saut de Kyo, mais elle se contenta de sourire en voyant sa destination. Après tout, il était bien connu que les garçons mûrissaient plus tard que les filles. Donc tandis que le jeune Senju se faisait balader par un monstre volant, la kunoichi se contenta d'un saut qui la fit atterrir au sommet de la barrière. Elle laissa son regard se perdre dans la pénombre de la brousse tandis qu'elle sentait la nature du vent changer contre sa peau, tronquant l'air doux mais un peu poussiéreux de la ville pour celui plus moite et lourd de la sylve.

Elle reporta cependant son attention sur le rodéo aérien de l'oiseau au-dessus de sa tête, n'entendant pas ce que son compagnon avait visiblement essayé de lui dire. Elle n'aurait reconnu pour rien au monde à quel point elle aurait aimé être à sa place, ayant été bercé par les contes d'ancêtres chevauchant les vents. Quelque part, elle se disait qu'elle comptait davantage sur ses propres capacités que sur un gros oiseau sauvage pour parcourir un jour les cieux, mais qui sait, tout pouvait arriver.

Elle quitta le perchoir de sa grille en voyant le garçon descendre de l'arbre comme si de rien était, et le rejoignit à l'orée du bois. Elle vérifia d'une main qu'elle avait tout le matériel nécessaire à quelques jours de survie dans sa sacoche. Elle se doutait que l'autre Chuunin n'allait pas lui offrir un périple de tout repos, comme il venait de le démontrer, et elle n'aurait même pas été surprise qu'il lui manque du matériel. Mais bon, il lui était sympathique, c'était déjà ça de pris. Ce fut donc avec un sourire à son attention qu'elle le suivit dans la direction qu'il avait plus ou moins localisée, joignant ses mains dans une rapide prière pour surveiller leur environnement.

La plus grosse surprise avait été quand il lui avait annoncé avoir vu, pour les éponges blanches, des arbres un peu rouges, mais pas exactement au bord du fleuve. La jeune femme espérait qu'il s'agisse du bon endroit avec une zone d'eau camouflée par la voûte feuillue, et non pas une fausse piste, mais elle s'enjoignit à faire confiance à l'autre. C'était souvent ce qui lui faisait défaut avec les autres, et ça lui avait déjà causé du tort. Ce n'était pas parce qu'il était en train de s'amuser sur le dos d'un volatile récalcitrant qui volait dans tous les sens qu'il n'avait pas pu avoir un panorama précis de la forêt de la Mort.

Ils progressèrent donc dans la forêt, d'abord entre les grosses racines, puis au niveau des branches pour avoir une meilleure vue sur le sol. Kyo avait essayé plusieurs fois de discuter mais la kunoichi blanche ne l'avait pas vraiment encouragé en répondant. En se déplaçant à cette vitesse, maintenir une attention précise sur les variations suspectes dans l'air environnant demandait une grande concentration qui attaquait un peu sa potentielle affabilité. D'autant plus qu'elle ne pouvait s'empêcher de garder un œil sur lui, craignant quelque part qu'il n'aille occuper son ennui avec quelque chose de dangereux.

Heureusement pour elle, ou plutôt pour eux, rien de tel n'était apparu, mais au bout d'une bonne heure de trajet, elle ressentit une menace. Elle rattrapa l'autre d'un bond et l'arrêta d'un simple "Attends", le temps qu'elle comprenne de quoi il s'agissait. Et finalement, ce fut ses yeux qui aperçurent ce que sa prière n'interprétait pas. Un immense champ de toiles d'araignée leur barrait la route, quelques arbres plus loin.

- Ça me parait aussi assez ridicule d'essayer de traverser les toiles comme ça... Après, je n'aurais sans doute pas autant de scrupules que toi à tuer, mais pour ça il faudrait que j'en soit capable. La jeune fille releva la tête vers les toiles. Et vu la taille des bestiaux qui ont dû faire ça, je doute que ce soit à ma portée...

Lançant un dernier regard à la volée au champ blanchâtre comme pour essayer d'y percevoir les arachnides, elle sauta à terre avec son compagnon, et entreprit de longer la zone dangereuse.

- À vrai dire, j'ai surtout peur qu'on perde beaucoup de temps à force de faire des détours. J'ai de quoi tenir deux jours en pilules militaires en dernier recours, mais si on reste plus de 24h, il faudra quand même trouver de quoi manger et boire... Enfin, on avisera si besoin.

Elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coup d’œil nerveux vers les toiles. Leurs légers mouvements suffisaient à l'empêcher de savoir si une araignée était proche ou pas, ses sens étaient globalement brouillés. Tout ce qui lui permettait de se rassurer, c'était de sentir que les toiles proches n'étaient parcourues par aucun chakra particulier, et donc qu'il s'agissait simplement d'animaux sauvages. Pas qu'il n'ait été probable qu'un ninja ennemi ne se terre là, mais le cerveau de Shiro réfléchissait parfois un peu trop pour se cantonner simplement au probable.

Ils progressèrent ainsi un moment, lentement, aux aguets, suffisamment loin des toiles pour ne pas risquer qu'elles ne révèlent leur présence aux éventuels prédateurs qu'elles pourraient héberger. Shiro ne savait plus trop où ils étaient par rapport à leur destination et se contentait de suivre son camarade tout en scrutant les environs. La nature était calme, globalement silencieuse, même s'ils n'avaient pas non plus l'impression que leurs pas légers résonnaient à des kilomètres à la ronde. Mais tout de même, c'était typiquement ce genre d'ambiance que l'on pouvait qualifier de "trop" calme.

Finalement, leur trajectoire s'écarta un peu du champ de toile. La kunoichi ne savait pas depuis combien de temps ils avaient marché, mais elle se détendit peu à peu, alors que la zone blanche s'éloignait entre les arbres. Mais quand elle reporta son attention vers Kyo, prête à pousser un soupir de soulagement, son sang se glaça. Elle avait passé son temps à songer à des araignées géantes, à taille humaine au moins, des titans de deux mètres de haut aux pattes tranchantes comme des rasoirs, prêtes à embrocher leur futur repas. Pas à une araignée insidieuse et sombre, de la taille d'une main, comme celle qui était présentement accrochée au dos du Senju.

Dans un cri de mise en garde, Shiro laissa faire ses réflexes, et enchaîna les mûdras pour lancer, une seconde plus tard, une lame de Kazekiri no Jutsu qui faucha le parasite en le tranchant en deux. Reprenant son souffle sous le coup de l'adrénaline, la jeune fille quitta le cadavre du regard pour le reporter sur son compagnon, espérant de tout cœur qu'il n'avait pas été piqué. Car le cadavre ne déversait pas que du sang, mais aussi un liquide qui avait tout pour ressembler à du venin.

Pendant un bref instant, l'espoir d'avoir agit à temps, alors qu'elle voyait le sourire du Senju. Puis le sourire qui chute avec l'espoir, tombant à genou face à une soudaine faiblesse. Puis un regain alors que le Chuunin envoie sèchement un suiton salvateur vers une araignée derrière elle. Regain aussi intense que bref, vue la quinte de toux de l'adolescent que la jeune fille devait maintenant soutenir. Elle le laissa parler en serrant les dents, luttant contre l'envie de lui crier de la fermer pour préserver ses forces, mais ce qui devait arriver arriva, sa voix s'éteignit et son regard se vida. Elle réussit à le rattraper avant qu'il ne s'effondre sur la branche, risquant une chute conséquente.

Passant alors un bras du blessé autour de sa nuque et tenant sa hanche de l'autre côté, elle s'élança aussi vite que ce poids mort lui permettait. Elle n'avait pas eu besoin de ses avertissements pour savoir qu'il fallait fuir. En effet, le projectile aqueux qu'il avait envoyé avait aussi traversé la toile, et avait provoqué le mouvement d'une grande masse grouillante, de ce qu'elle interprétait des mouvements de l'air. Et ça, clairement, c'était une excellente raison pour ne surtout pas rester. La kunoichi s'élançait donc avec le blessé, probablement pas dans la direction des champignons visés, mais assurément loin de la toile.

Elle sautait de branche en branche depuis une bonne vingtaine de minutes, lorsqu'elle s'autorisa une pause. Faisant glisser son fardeau sur le bois, le maintenant assis pour éviter d'aggraver ses plaies, elle scanna les environs à la recherches d'éventuels poursuivants ou d'autres menaces. Rien. Pour l'instant. Les araignées n'allaient probablement pas les suivre si loin de leur territoire, mais elles n'étaient assurément pas les seules menaces. Elle se mit malgré tout en tête de chercher une zone pour s'autoriser un minimum de repos. Elle ne s'inquiétait pas encore pour la vie de Kyo, les ninja de Konoha étant vaccinés pour résister aux poisons mortels trouvables dans la Forêt de la Mort, à défaut d'y être totalement immunisés. Mais dans son état, il était quand même affaiblis et il n'y avait pas encore de vaccins contre les hémorragies dues à des morsures ou des griffures.

Concentrant son attention pour lire les variations de températures et de pression dans l'air, elle finit par localiser une direction qui avait l'air d'avoir un plus fort taux d'humidité. Redressant son compagnon, elle se remit en route, entreprenant de se rapprocher du sol jusqu'à trouver l'eau dont elle avait deviné la présence. Elle aurait aimé trouver un ruisseau clair et vivifiant, mais l'absence de bruit l'avait vite fait deviner que ça n'allait pas être le cas. À la place, elle atterrit en effet dans une zone semi-marécageuse, à l'eau stagnante avec quelques hordes de moucherons qui volaient ici et là. Déposant Kyo sur l'une des zones de terre, sous les racines des immenses mangroves qu'étaient les arbres ici, elle entreprit d'allumer un feu avec des brindilles sèches ramassées en routes, et déposa sa gourde d'eau sur un tréteau de fortune au dessus du foyer.

En attendant que l'eau bout, elle allongea le blessé sur le ventre après un instant de doute et retira son haut. Elle grimaça devant la plaie, elle s'était un peu salie durant le voyage et quelques veines violâtre à la base ne présageaient rien de bon. Elle s'en voulait de faire partie de ces quelques kunoichis n'ayant aucun talent, même basique, en ninjutsu médical. Présentement, d'un point de vu chakra, elle ne pouvait absolument rien faire pour combattre le venin, elle devait se contenter des gestes de premier secours qu'elle connaissait, et devait faire confiance à la robustesse du Senju et à l'efficacité du vaccin. Elle soupira.

Reprenant sa gourde, vérifiant rapidement que l'eau n'était pas chaude au point de brûler la peau du blessé, elle sortit un rouleau de bandage de sa sacoche et entreprit de nettoyer la plaie, avant de la bander soigneusement. Son oeuvre accomplie, essayant de ne pas trop s'attarder sur le visage pâle et froid du garçon tant qu'elle sentait son pouls, elle l'allongea près du feu et s'en alla explorer les environs. Elle faisait de son mieux pour rester assez proche pour surveiller les alentours du blessé, mais espérait ne pas perdre trop de temps durant sa convalescence. Cet environnement semblait idéal pour les "éponges blanches", il fallait juste trouver des chênes rouges.

Shiro se figea un instant en sentant une perturbation du vent derrière elle. Elle avait mit en place un système de fils autour de la zone où elle avait laissé Kyo jusque là où elle cherchait, afin de sentir leurs vibrations si quelque chose s'approchait de lui, mais ce n'était visiblement pas ça. C'était... un cri. Humain. Elle fronça les sourcils en se redressant, inquiète. Elle n'avait rien laissé s'approcher du blessé, elle en était pourtant certaine. Se tournant vers la direction du cri, y portant toute sa concentration, elle attendit. Rien. Un cri seul, sans grognement, sans mouvement brusque, sans bruit de combat, sans glapissement. Juste la douleur au réveil ? Non, il y avait quelque chose d'autre, le vent portait une autre information. Un déplacement. Quelque chose de lent et de taille humaine qui s'approchait. La kunoichi soupira. Blessé comme il était, il aurait mieux fait d'attendre son retour près du feu. Elle se baissa de nouveau, fouillant entre les racines de l'arbre très vaguement rouge-brun, espérant trouver là de quoi accomplir la première partie de la mission.

Mais c'était visiblement vain et elle était en train de renoncer quand elle entendit les pas du Chuunin derrière elle, indépendamment du vent. Elle se retourna vers lui, l'écoutant lui réindiquer où rechercher d'une seule oreille, et lui lançant un regard réprobateur. Elle allait ouvrir la bouche pour lui faire remarquer la stupidité de ce qu'il était en train de faire, mais il s'affala misérablement contre un arbre, la remerciant de lui avoir sauvé la vie tout en faisant une tête bizarre. Elle soupira de nouveau. Par quoi commencer ? Finalement, c'est avec une voix plus douce qu'elle n'aurait voulu, peut-être à cause de la fatigue, qu'elle lui ordonna de s'asseoir.

Passant dans son dos, elle jeta un œil à son bandage teinté de rouge et grogna un peu, sortant un autre rouleau de bandage de sa sacoche - son seul autre. Entreprenant de défaire le pansement aussi délicatement que possible malgré le sang séché qui allait rendre l'opération spécialement douloureuse pour le garçon, elle lui dit :

- Tu n'aurais pas du bouger... On n'a pas des moyen illimités pour se soigner, ici... Même si c'est vrai qu'on sortira plus vite d'ici en bossant à deux... rajouta-t-elle à mi-voix.

Ayant retiré le plus gros du bandage, il ne restait que la partie collée à la plaie à cause du sang. Elle jeta un coup à l'expression de Kyo, qui avait eut l'air de moyennement apprécier jusque là, et souffla une excuse en entreprenant de retirer tout doucement la bande, pour éviter de détruire le début du travail de cicatrisation. Dés qu'elle eut finit, malgré les spasmes du garçon, elle entreprit de nettoyer la plaie avec sa gourde et un morceau propre de la bande qu'elle venait de retirer, avant de refaire un nouveau bandage. Une fois ceci fait, elle lui laissa sa gourde pour boire et lui souffla qu'elle revenait tout de suite.

Sautant aussi vite que possible vers leur camps de fortune, elle l'atteignit en quelques secondes, ramassant les quelques affaires qu'elle y avait laissé : ses récoltes de fruits, le haut déchiré et tâché de sang du Senju, et la sacoche de ce dernier qu'elle avait retiré pour l'allonger. S'élançant pour retourner auprès de son compagnon, elle le rejoignit une vingtaine de secondes après l'avoir laissé, toujours dans la même position. L'aidant à remettre son haut et sa sacoche, elle entreprit de le soutenir tandis qu'ils suivaient ses indications. Un peu ennuyée par la soudaine lenteur qui lui était imposée, Shiro lâcha :

- Tu es vraiment imprudent... Le venin a du être totalement éliminé de ton corps maintenant, mais ça n'empêche que tu as un sale trou dans le dos... Et je ne suis pas ninja-médecin, moi, j'ai seulement des connaissances en premier secours... Elle lui jeta un œil, pour s'assurer qu'il n'était pas en train de perdre à nouveau connaissance. Je vais pas te mentir, tu es resté inconscient une journée entière, et c'était visiblement pas suffisant... Le soleil va se coucher dans deux heures à peu près, donc dès qu'on aura récupéré ces champignons, tu vas me faire le plaisir de dormir.

Et de un. Shiro aurait pu commencer à désespérer, perdue dans une forêt hostile avec un blessé grave et incapable d'accomplir une mission de récolte, mais au moins, ils avaient trouvé les champignons. En train de tremper dans un simili-marécage, au pied d'arbres bien plus rouges qu'elle n'aurait pensé - pas étonnant que Kyo les ait vus de si loin -, elle en avait pris trois gros qui avaient l'air spécialement "mûrs" et les plaça dans une sacoche qu'elle confia à son camarade, après s'être assurée de son poids et de la position de la sangle. Une fois les "éponges blanches" trouvée, cependant, la nuit était bien tombée, les deux avaient cherché bien plus longtemps que Shiro n'aurait aimé. Et surtout, elle fut prise d'une réelle urgence lorsqu'elle se rendit compte que l'atmosphère lourde et humide persistait hors des marécage. Et un coup d’œil au ciel sombre confirma ses craintes : pas d'étoiles ni même de lune, ils devaient trouver un abri de toute urgence.

Après avoir scanné les environs pour s'assurer de l'absence de danger immédiat, elle laissa le garçon contre un arbre qu'elle gravit jusqu'au faîte, cherchant autant de ses yeux réels que venteux un quelconque endroit pour se mettre à l'abri. Une masse sombre plus loin attira son attention et les mouvements aériens qu'elle y percevait en se concentrant évoquaient un gros obstacle. Une falaise. Elle quitta son perchoir et rejoignit le sol en quelques sauts. Son camarade semblait avoir de plus en plus de mal à tenir debout ou rester conscient, depuis le temps qu'ils marchaient. Aussi soigneusement que possible, elle saisit l'un de ses bras qu'elle cala sur ses épaules, et entreprit de le maintenir en évitant de toucher sa plaie. Elle n'allait pas pouvoir se déplacer très vite, à ce rythme, ils seraient arrivés dans une quinzaines de minutes. À voir si ils trouvaient rapidement un abri.

Ils avançaient lentement au goût de Shiro, mais ils ne se traînaient pas tant que ça. À intervalles réguliers, Shiro les faisait sauter au dessus d'un obstacle ou d'un trou trop long à traverser normalement. Elle reprenait même espoir d'atteindre leur destination avant la pluie, lorsqu'une goutte tomba sur sa joue. Perdant un instant à lancer un regard assassin vers le ciel, elle assit Kyo et se rua au pied de l'arbre le plus proche, ramassant des branches encore relativement sèches malgré l'humidité ambiante, puis revint les fourrer dans le sac des récoltes, alors que les gouttes se faisaient plus nombreuses. En quelques dizaines de secondes, l'averse s'abattait sur eux à travers la canopée qu'elle frappait bruyamment. La jeune femme aidait son compagnon à marcher tout en maintenant la besace à bout de bras pour protéger sa blessure.

Au bout de quelques minutes de déplacement rendu laborieux par le bois devenu glissant, la falaise apparut soudain entre les arbres qui poussaient presque sur elle. Sans surprise, aucune grotte n'était miraculeusement sous leurs yeux, confortable et facile d'accès. Laissant de nouveau Kyo contre un arbre, pas encore réduite à lui demander de l'aide dans son état, elle prit quelques mètres de recul, vérifia rapidement que ce qu'elle s'apprêtait à faire n'allait pas déclencher le courroux d'une quelconque créature mortelle, et joignit les mains. Elle enchaîna les mudras un instant. Sa conscience lui disait que ce n'était clairement pas prudent, mais elle était un peu mise en sourdine depuis que Shiro avait eut moins de trois heures de sommeil cumulées sur ces deux derniers jours, que la survie d'un blessé dépendait d'elle et qu'il pleuvait. Ce fut donc sans grands états d'âme qu'elle projeta violemment son Shinkū Daigyoku.

L'immense et coûteuse sphère de fuuton percuta brutalement la paroi rocheuse, défonçant la roche en s'y enfonçant, avant de se dissiper. Pas assez loin. Sentant qu'elle entamait ses réserves, la jeune femme réitéra son action, faisant cette fois pénétrer la sphère suffisamment loin pour véritablement créer un abri de la pluie. Dans un ultime acte de prudence, elle projeta son attention sur les mouvements de l'air qui émanaient du trou : des fissures, bien sûr, de légers tremblement dus à la rémanence du choc, mais a priori, les tremblements se calmaient, la structure n'allaient pas s'effondrer tout de suite. Passant outre ses propres vacillement, elle aida son camarade à se relever et courut autant que possible dans la caverne artificiel, s'y enfonçant jusqu'au fond. Laissant Kyo sortir le bois, elle arrangea une tentative de petit barrage à partir des gravas qu'elle trouvait pour limiter l'écoulement de l'eau dans la grotte, puis rejoint son compagnon pour entreprendre d'allumer le foyer. Puisant dans ses dernières forces pour ne pas faire durer l'étape plus longtemps, elle maintins ses Yeux de vent jusqu'au bout, analysant les petits mouvements d'air et se synchronisant avec eux pour lancer le brasier, évitant ainsi de voir ses efforts se faire littéralement souffler.

Quand elle fut sure que le bois brûlait, elle s'adossa finalement au mur de la grotte, et s'endormit immédiatement, abattue par l'épuisement avant d'avoir pu s'assurer de l'état du Chuunin.

Shiro se réveilla en sursaut, sans savoir pourquoi, avec pour toute information une douleur cuisante sur le côté du crâne, son mouvement l'ayant fait se cogner contre la paroi. Restant quelques secondes groggy pour reprendre ses esprits, elle mit plusieurs instants à analyser les informations qui lui venaient de son environnement. Il faisait jour et... il ne pleuvait plus, elle avait dormi ? Elle avait une couverture ?? Kyo avait disparu ?!

Elle bondit sur ses pieds mais faillit tomber à nouveau. Ayant un léger tournis après ce soudain redressement, elle appuya sa main contre le mur, et se força à se calmer pour analyser plus sereinement la situation. Kyo avait disparu, mais pas de trace de lutte ou de sang, et sa sacoche de ninja était partie aussi. Il avait dû sortir volontairement chercher quelque chose, pas trop loin espérait-elle. Essuyant machinalement son front, son regard fit le tour de la caverne artificielle. Sa tentative d'empêcher l'eau de rentrer avait eu un effet limité, le barrage miniature s'étant percé en plusieurs points qui laissaient paraître autant de mares. Le feu s'était éteint depuis un moment déjà.

Faisant fi de ses courbatures et de son corps ensommeillé, elle fit quelques pas vers la sortie de la grotte, jusqu'à sentir des rayons de soleil atteindre sa peau, chauffant la cascade aérienne qui l'engloba d'un coup. De ce qu'elle devinait de la position du soleil, il devait encore être le matin, et l'atmosphère très (trop ?) légèrement humide et à la pression normale la rassura sur l'absence de pluie à venir. Dans un élan inexpliqué, peut-être renforcé par la fatigue ou le soulagement, la kunoichi s'effondra sur ses genoux à l'entrée de la grotte, visage vers le ciel et mains jointes, et entreprit de prier Zefa. Profitant un instant des Yeux de vent offert par cette configuration, elle localisa Kyo et s'assura de sa santé, puis tenta de se laisser aller à la prière. Malheureusement, toutes les informations apportées par son jutsu et tous les jeux de l'air contre sa peau rendaient l'entreprise impossible. Renonçant brièvement à l'immobilité, elle retourna dans la grotte à l'abri, là où elle s'était installée, et fit passer la couverture sur ses épaules pour limiter les distractions de l'atmosphère. De retour dans un milieu serein et chaud, son corps sauta sur l'occasion de récupérer davantage, et sa méditation se mua bien vite en nouveau sommeil.


Ce fut l'odeur du poisson qui réveilla à nouveau la jeune femme, un peu plus reposée que plus tôt. Elle leva un regard surpris au foyer rallumé et un regard moralisateur de convenance au blessé, mais quand elle se redressa et qu'il lui tendit à manger, elle le remercia sincèrement, savourant le repas comme si c'était son premier depuis deux jours. Ce qui était presque le cas, s'étant beaucoup nourrie frugalement pour veiller sur le blessé. Prenant des nouvelles de la blessure du Chuunin, elle haussa un sourcil quand il fit signe que tout allait bien, mais laissa couler. Ils discutèrent tranquillement le temps de finir de manger, puis Shiro ramena le sujet sur la mission :

- Au fait... lâcha-t-elle de sa voix tranquille, adossée au mur. Je suis un peu sortie ce matin et sans la pluie, le vent était plus calme et j'ai remarqué des trucs... Je crois qu'il y a d'autre grottes sur la paroi, naturelles... Et c'est difficile à expliquer, mais je crois qu'il y a moyen d'y trouver des "fleur-étoiles"...

En effet, difficile d'expliquer ce genre de subtilités aériennes : un vent plus sec que prévu malgré la pluie et la forêt, probablement à cause de la nature de la roche. Des grottes s'y trouvant devaient avoir une humidité suffisamment limitée pour permettre la pousse de cette autre plante recherchée. Et s'ils pouvaient récupérer aussi rapidement le deuxième ingrédient, ça serait un soulagement certain.

- Du coup, enchaîna-t-elle, en grimpant sur les arbres on devrait peut-être les localiser... Et... je ne sais pas si ta santé te le permet, mais si tu a des techniques qui nous permettraient d'y accéder si elles sont en hauteur... ça pourrait être pratique.

Shiro était perplexe en arrivant dans l'immense caverne. Elle était sûre que les fleurs étaient là, ils pouvaient même distinguer la lueur pâle qu'elles émettaient dans un trou en hauteur en plissant les yeux. Mais le spectacle était tout de même impressionnant. Outre la taille gigantesque de l'endroit, la lumière qui filtrait en cascades lumineuses à travers quelques zones écroulées du plafond, et la profondeur de la crevasse qui se perdait dans la pénombre, l'atmosphère était improbable. En présence d'une cascade, surtout au sein d'une grotte, l'air aurait dû être particulièrement humide, mais ce n'était pas le cas. Entre la roche poreuse qui devait absorber l'humidité, et le fait que l'arrivée de la cascade était bien plus loin en bas, le spectacle chamboulait pas mal la kunoichi, très sensible à l'état et à la cohérence de l'atmosphère.

Dans tous les cas, il leur fallait à présent récupérer ces plantes, et pour ça, il suffisait de suivre un plan simple et clair. Dès lors que le Chuunin eut commencé à élever la vague d'eau qui allait devenir son dragon, la jeune ninja bondit sur cette dernière, se concentrant pour réussir à stabiliser son chakra comme il fallait du premier coups. Quand elle fut sûre d'être suffisamment agrippée, accroupie sur le jutsu de suiton, elle lança un regard entendu à Kyo et la créature aqueuse s'élança au dessus du précipice.

Pendant un bref instant, Shiro eût le vertige, le regard plongée vers les ténèbres des profondeurs, séparées d'elle simplement par une mince couche d'eau. Elle eût un moment de vertige, aussitôt supplanté par de l'excitation. Elle avait l'impression de voler. Pourtant elle ne pouvait détacher son regard de l'abysse. Elle était comme obnubilée. Elle voulait voler. Elle voulait réellement voler. Sa vision périphérique la ramena à la réalité au bout de quelques instants.

Elle s'était beaucoup approché de la destination, mais le jutsu de Kyo avait ses limites, et elle sentait qu'il avait cessé de monter, qu'il commençait même à descendre. Un coup d’œil à la paroi l'informa que cette roche poreuse était encore là, et que sauter dessus pour essayer de marcher à la verticale ne risquait pas de fonctionner. Pas beaucoup de choix, si elle ne voulait pas tomber, donc. Enchaînant les mudras, elle projeta un puissant fuuton vers le bas, achevant le dragon d'eau mais la propulsant suffisamment haut pour avoir une vue directe sur le fleurs. Encore un peu trop loin cependant, et elle retomba sans avoir pu agripper la cavité qui accueillait les plantes médicinales.

Elle était cependant suffisamment proche pour toucher le mur un mètre sous sa cible, et prenant appui grâce à son chakra, elle se propulsa juste avant que la couche qui l'avait reçue ne se désagrège. Agrippant la petite cavité à bout de bras, elle se dépêcha de se hisser avant que sa prise ne se décroche, puis s'engouffra dans le creux d'où émanait la légère lumière.

Le trou faisait à peine un mètre de diamètre, et elle était contrainte de s'y tenir accroupie, mais au moins, elle avait les fleurs sous les yeux. Un petit bosquet de quatre-cinq individus se tenait là, toute ornée des cinq pétales phosphorescentes qui leur donnait leur nom. Baissant la main pour en cueillir délicatement trois, elle comprit d'un coup pourquoi ces plantes avaient poussé ici, alors que ce n'était pas les meilleures conditions. Juste à côté de leurs racine, une toute petite crevasse laissait s'échapper de l'air chaud et sec. Souriant à cette découverte, elle ne s'y attarda pas davantage et rangea soigneusement les fleurs dans un sachet pour les préserver au mieux. Se retournant vers l'extérieur, elle fit finalement signe à Kyo pour qu'il l'aide à redescendre, pointant du doigt sa récolte pour le rassurer. Dans tous les cas, la descente devrait être plus simple que la montée.

À peine Shiro posa-t-elle un pied à terre qu'elle se précipita vers Kyo pour l'empêcher de tomber, vérifiant d'un coup d'oeil qu'il n'était touché que par la fatigue et que sa plaie était toujours fermée. Dès qu'elle fut rassurée sur ce point, elle baissa son regard vers le visage haletant du Chuunin, soupira, puis entreprit de l'aider à se relever pour l'éloigner du bord du ravin. L'endroit n'était pas mal pour faire une pause de quelques heures. Déballant partiellement leurs affaires pour permettre à Kyo de s'allonger, elle-même s'assit et récupéra le rouleau de mission pour se rappeler de leur dernière cible. Des plantes carnivores qui risquaient de leur causer problème, cachées dans les zones sombres et humides de la fôret. La jeune femme tenta d'oublier que cette description correspondait à la majorité de cet endroit, pour éviter de déprimer outre mesure, et referma le rouleau. Elle sentait qu'ils allaient les chercher longtemps celles-là.

Elle ne savait pas si Kyo s'était endormi ou pas, elle-même se contentait de somnoler pour surveiller un minimum les environs. Elle laissa malgré tout passer quelques heures, jusqu'à ce que Kyo entreprenne de se redresser, signe de son rétablissement. Quand elle fut sûre qu'il s'était remis, elle entreprit de remballer leurs affaires et de faire le point :

- Bon, pour l'instant, je crois qu'on a aucun indice d'où se trouvent les prochaines plantes. Elle fit une pause, puis un léger soupir. À part chercher des zones spécialement sombres, ou peut-être désertées par la faune locale, on ne va pas pouvoir faire grand chose d'autre que de vagabonder.

Aidant son camarade à se remettre sur ses jambes, Shiro sortit avec lui de la grotte, et embrassa du regard la forêt sur laquelle tombait le soir. Une part d'elle aurait aimé qu'ils attendent le matin et se reposent davantage, mais d'un autre côté, ils venaient de faire une longue pause et ils étaient sur cette mission de puis déjà plusieurs jours. Il fallait qu'ils se dépêchent, d'autant plus que ces plantes étaient nécessaires en urgence pour l'hôpital de Konoha. Et compte tenu de l'errance qui les attendait, plus vite ils commençaient, plus vite c'était passé.

Shiro n'était pas très convaincue par l'idée de Kyo, puisqu'il lui semblait tout aussi hasardeux de chercher les plantes que de chercher les proies de ces plantes, puisque dans tous les cas, ils n'avaient que peu d'indices sur le lieu et sur l'aspect de ce qu'ils cherchaient. Cependant elle reconnaissait que s'intéresser à la faune environnante était une bonne idée, ne serait-ce que cas l'absence d'animaux dans une zone pouvait être un bon indice.

Ainsi, après un peu de repos supplémentaire, les deux Chuunins repartirent en quête des confins de la Forêt de la Mort, décidant de se séparer un peu pour couvrir plus de terrain, tout en restant à portée de cri l'un de l'autre. Laissant son camarade à son observation de rongeurs locaux, Shiro porta davantage son attention sur un oiseau de taille modeste qui volait de plante en plante, enfonçant son bec dans les recoins pour y trouver graines ou insectes. Elle le suivit aussi silencieusement que possible, persuadée qu'une telle méthode de chasse devait faire du volatile une cible parfaite pour des végétaux carnivores. L'oiseau volait donc par à coup, comme s'il sautant d'un trou à l'autre, jusqu'à ce qu'il s’immobilise, levant la tête pour porter son attention sur son environnement, ayant probablement entendu quelques chose. Après quelques seconde de silence, durant lesquels la kunoichi ne percevait que les mouvements normaux de la sylve, l'animal s'envola brusquement d'un battement d'aile, ayant sans doute perçu un danger pour lui. Après avoir minutieusement sondé son environnement par prudence, l'adolescente soupira : après tout une telle proie devait avoir développé des sens bien aiguisés pour survivre dans un tel environnement.

Elle entreprit donc de reporter davantage son attention sur son entourage pour trouver une autre cible à suivre et s'élança dès qu'elle eût trouvé, prenant toujours en compte sa distance avec Kyo. Elle sauta de sa branche pour atterrir souplement sur le sol, à quelques dizaines de mètres d'un lézard brun et long comme son tibia, presque invisible dans son environnement. Davantage protégé par son camouflage que par son attention, le reptile ne sembla pas faire grand cas de la présence de l'humaine à proximité, et continuait de se servir à grand coups de langue dans un nuage de petits insectes. Shiro claqua sa paume contre son cou en sentant l'un de ces derniers la piquer, mais elle resta aussi stoïque que possible. Finalement repu, le lézard s'éloigna entre les racines, toujours à portée de vue de la shinobi, avançant par étape, s'arrêtant parfois pour lever la tête, mais sans s'enfuir. La jeune femme sentait l'espoir monter en constatant qu'il s'approchait d'une zone qu'elle avait repéré comme suspecte, et entreprit d'escalader aussi silencieusement que possible l'arbre le plus proche, s'installant sur une branche pour avoir une meilleure vision du spectacle.

L'endroit était suspect par sa maigre présence de faune, mais aussi par l'abondance de flore, qui pouvait en être autant une cause qu'une conséquence. Cependant, cette amas de végétaux empêchait de reconnaître une potentielle plante carnivore, condamnant à appliquer le plan du Senju pour trouver une proie. Suivant donc attentivement le reptile des yeux, tandis qu'il s'approchait de l'épaisse brousse, Shiro sentit l'excitation la prendre : peut-être l'animal était-il attiré par des effluves émises par le végétal, sinon il aurait peu de raisons de se diriger ici en étant repu ! Une main crispé sur la branche où elle était accroupie, l'autre frottant nerveusement sa piqure, elle espérait réellement qu'ils règlent cette mission dans la journée, elle avait juste envie de passer une nuit complète dans un lit, et son manque de sommeil pourrait commencer à lui nuire sur la durée.

Le reptile s'avançait bravement, guère intimidé par les fougères qui l'entouraient ou par les herbes hautes qui barraient son horizon. Tournant la tête à droite et à gauche, il avançait mètre par mètre, puis pas par pas, semblant chercher quelque chose. Il posa finalement l'une de ses pattes sur un curieux nénuphar aussi gros que lui, mais lorsqu'il voulut la retirer, celle-ci resta collée. En un instant la panique envahit la bête, qui s'apprêtait à pousser un piaillement dans l'espoir vain d'échapper à une mort certaine, mais avant qu'il ne puisse émettre un son, une liane jaillit de la plante. Dès que son extrémité entra au contact de la peau de l'animal, celui-ci se paralysa et tomba tout entier dans la surface collante qui se referma comme une mâchoire, s'immobilisant dans cette nouvelle position pour digérer sa proie.

La kunoichi avait observé la scène avec fascination, gardant toujours un intérêt secret pour ces curiosités de la nature, mais se reprit facilement. Balayant l'espace du regard, quasiment sûre d'avoir identifié les fameuses "doucettes", elle constata qu'il y en avait plusieurs dans les environs, la plus grande atteignant un mètre de diamètre. Si elle se souvenait bien, il fallait récupérer le suc anesthésiant conservé dans les lianes, ce qui n'allait pas être une partie de plaisir, surtout vu la vivacité de l'attaque de la plante.

Satisfaite de sa trouvaille, elle entreprit de reporter son attention sur son environnement pour localiser Kyo, mais constata que ses Yeux de vents ne semblaient plus actifs. Le temps avait filé plus vite qu'elle ne l'aurait pensé. Joignant ses mains pour les réactiver, elle constata avec stupeur que le vent restait toujours aussi muet, et alors qu'elle se redressait en fronçant les sourcils, elle dérapa de sa branche. Se rattrapant de ses mains, grâce à ses lointains réflexes de cancre en manipulation du chakra, elle s'assit en sentant une grande vague de froid la traverser. Elle tenta de malaxer du chakra. En vain. Elle ne sentait même pas un simple début de flot à travers ses méridiens. Elle sentit doucement la panique la gagner. Qu'est ce qu'il s'était passé ? Elle saisit par réflexe un kunaï, se sentant soudain complètement désarmée face à cette forêt mortelle. Une démangeaison sur son cou attira sa main, et elle écarquilla la yeux en pensant comprendre. Qu'est-ce qui l'avait piqué ? Est-ce que c'était temporaire ou définitif ? Est-ce que ce n'était que le premier effet d'une suite de symptômes mortels ?

Elle tenta d'apaiser sa respiration que la panique affolait, et força la rationalité sur le devant de sa scène mentale. Il fallait finir la mission aussi vite que possible, car dans le pire des cas, seul l'hôpital de Konoha pourra gérer son cas. Kyo était assez loin, elle avait une idée de sa direction générale, mais il devait s'être déplacé depuis la dernière fois. Et sans ses jutsus, elle resterait incapable de le retrouver comme ça. Elle ne pouvait pas se permettre de se perdre en le cherchant. Elle pesa le pour et le contre, et décidant qu'au pire, elle avait encore son entraînement de taijutsu et ses armes, elle grimpa laborieusement sur une branche au dessus d'elle et cria :

- KYO ! PAR ICI !

Tous les volatiles s'envolèrent et elle entendit un certain nombre de feuilles bruisser. Ça allait sans doute l'inquiéter et très probablement attirer des prédateurs, mais elle avait besoin qu'il la rejoigne. Elle allait aussi devoir lui expliquer sa situation, mais en faisant de son mieux pour ne pas lui transmettre ses inquiétudes. Elle serra les dents. Cette mission allait vraiment de mal en pis.