Fiche de Meï

Mon corps nu se présentait ainsi à moi devant ce miroir. C’est la première fois que j’ai l’occasion de le contempler, depuis ma naissance. Quelques apparats autour de moi, j’attrapais deux élastiques pour attacher mes cheveux en deux couettes équilibrées avec soin, mes mèches roses ondulées tombant le long de mon dos. Passant un doigt sur l’une de mes oreilles, j’haussais lentement l’un de mes fins sourcils en me rendant compte de leur sensibilité. Mes prunelles jaunes émettaient suffisamment de lumière pour me permettre de m’habiller et de m’y retrouver.

Cette couleur chaude, jaune foncé, presque marron que l’on pouvait retrouver en mes yeux et sur ma longue queue touffue qui se promenait au vent. C’est ce corps, qui m’a été donné à la naissance, il y a de cela quelques jours, qui est comme ça… Aucun apparat. Ma queue et mes yeux brillent dans la nuit. Attrapant ce bout de colonne vertébral du bout des doigts, j’en caressais lentement les poils en le ramenant devant le miroir pour en constater la touffe marron qui s’éclaircissait au bout. Un sourire léger naissait à mon visage alors que je m’étirais, dévoilant l’entièreté de mes courbes à moi-même.

De taille moyenne, entre un mètre soixante-cinq et un mètre soixante-dix, je dirais a vue d’œil, les graisses de mon corps parfaitement réparties pour former celui-ci en sablier, une poitrine volumineuse, des hanches proéminentes, une chute de reins naturellement creusée malgré l’absence de contrecoup au niveau de mon ventre parfaitement plat. Des épaules très légèrement moins larges que mes hanches, de peu, des mains fines, aux doigts longs.

Du peu de corps humain que j’ai pu observer dans l’ombre de l’autre greluche, celui qui me plait le plus est clairement le mien. Secouant doucement la tête, je finissais de m’habiller d’un haut relativement court, dévoilant mes hanches et mon ventre, de façon à ne pas emprisonner ma queue, partie de mon corps vraisemblablement sensible. Une paire de bottines me rehaussant de quelques centimètres.

Je suis née comme ça. Je suis une boule de haine à l’état pur. Une boule de haine… Malicieuse. Dès le début de ma croissance, dans l’ombre de cette gamine, l’humanité est pour moi un ramassis de faiblards à soumettre. Tant d’émotions inutiles, tant d’actes inutiles en découlant… Les humains perdent leur temps à des faits tant irrationnel. La seule chose cohérente, et encore, chez eux, sont les relations charnelles. C’est d’ailleurs peut-être le plus grand indicateur de l’état des relations des personnes. La domination est de mise, même si elle est parfois subtile.

Mais la domination, c’est pour moi la seule façon de redonner un sens à ces êtres perdus. Et en même temps je dois avouer que c’est drôle de voir un humain s’abandonner et considérer un autre être comme son tout. Les Dieux sont des êtres bien aises. J’aimerais bien être à la place parfois et faire d’eux mes petits animaux de compagnie, leur donner des directives plus absurdes les unes que les autres : battez-vous en mon nom, sacrifiez-vous en mon nom, sacrifiez une vierge en mon nom…

D’un rire léger je secouais doucement la tête. Tellement absurde ! Et pourtant. Les humains m’intéressent. Je passerai du temps avec eux. C’est ce que je me suis dit la première fois quand je suis apparue pour aider cette gamine en laquelle j’ai grandis. Je dois avouer avoir pris un plaisir certains à voir la peur dans les yeux de tous, à me sentir si supérieure, à prendre mon temps pour réduire ses assaillants au silence.

Autant dire que ça va être court. Ma vie est courte. Mes premiers songent date de la première visite de la blondinette, Reiko, dans cette mine. Mes premiers actes de conscience se sont matérialisés dans son ombre. C’est là que j’ai grandis. J’y ai eu le loisir d’observer le meilleur et le pire chez l’Homme. Leur place irrationnelle pour la famille et l’amour, leur haine, leur folie. Je dois avouer que me nourrir de la haine de cette gosse n’a pas été particulièrement éprouvant.

L’élément déclencheur, c’était de voir sa mère se faire souiller sous ses yeux, et donc les miens. Je frissonnais intérieurement. Si j’avais eu des lèvres à l’époque, je les aurais mordillées d’excitation : cet acte permis de créer un réel désespoir, mais aussi une colère, une haine, une frustration, tue dans la soumission. C’est ainsi que les humains fonctionnent : pour les briser, il suffit de menacer ce qui leur est cher ou de leur en priver. Si simple… Tellement simple.

Alors que durant cette chasse à l’homme j’apprenais à chasser et être chassée en même temps. J’en comprenais les rouages, et c’était… Amusant, je l’avoue. Du moins ça l’était jusqu’à ce que je me sente en mesure de naître. De quitter son ombre et de l’emporter avec moi. Etrangement, ça me rassurait moins. Je me sentais moins à l’abri en comprenant qu’un lien persistait entre la blondasse et moi. Je comprenais l’ironie du destin… C’est donc ça ?

J’existe pour éviter la mort à cette môme ? La rage s’emparait de moi en cet instant. J’en perdais ma première cible : quelle intérêt de la soumettre si sa vie dépends de la mienne et inversement ? En l’instant, la colère me dépassait. Me rongeait de l’intérieur alors que dans un cri inaudible je prenais forme au moment fatidique, et dans l’illusion, massacrait les assaillants de la blondinette. C’était comme un réflexe. Ne pas mourir. Et ce lien. Ce lien est si facile à ressentir pour moi. Je le sens. Quand je puise dans me réserves, les siennes s’amenuisent aussi. Nous partageons la même énergie ? Réellement ?

La créature à tête de loup massacrait en l’illusion les bandits, rudement faibles, alors que sous le coup de la colère, j’attrapais une lame, interposée entre mon illusion et la jeune femme de façon à ne pas être vue par celle-ci, entièrement nue, donc vulnérable, au gré des humains.

Quelques coups de lames discrets et quelques décapitations plus tard, je sentais mon corps me quitter, clignant des yeux en me retrouvant en un endroit nouveau. Sale et triste. Seule, je regardais vaguement autour de moi. Des étendues de plaines pourries et brûlées, de vieux arbres aux fruits atrocement repoussants, des montagnes, et au loin, très loin, une lueur.

Un autre monde… ? Alors, il m’est possible de fuir les humains ? Bon à savoir. Demeurant quelques jours à me promener, ma seule interaction fut avec un étrange animal qui n’avait pas l’usage de la parole, qui c’était assis face à moi et avait passé un temps qui me paraissait interminable à me contempler. Etait-ce une mise en garde ? Une sorte de « bienvenue » ? Non.

Un étrange sentiment me parcourait, mon corps entier se gagnant en frisson alors que mon corps m’échappait de nouveau pour paraître dans le monde réel. La blondinette, ma créatrice… Lui lançant un regard, je l’observais, endormie, tendue dans son sommeil. Un cauchemar ? J’ai eu un peu l’occasion d’observer leur déroulement. Même si les hommes sont assez peu rationnels, je fronçais les sourcils. Vais-je faire des cauchemars, moi aussi… ? Un lieu dans lequel je n’ai aucun contrôle ? L’idée me dégoûtait, alors que je m’approchais lentement du miroir pour observer mon corps nu.

• Âge : 19 ans
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