J'ai vécu...
Chapitre I. Qui scribit bis legit.
Impossible de vous décrire précisément le jour de ma naissance, bien évidemment. On me l'a conté comme je vous le conte. Maman dit que je suis née dans un éclat de rire, une joie immense pour un si petit bébé, né légèrement prématurément, dans un hôpital de fortune au retour d'un voyage précipité. Après tant de stress, de fatigue et d'ennuis, j'étais là. Petite pouponne, minuscule, m'époumonant des cris de ce mariage avec l'air ambiant. La nuit de juillet m'ayant alitée, puis allaitée s'est aboutie sur les rayonnements d'un doux soleil, radieux, venant aux aurores bouleversé Maman. C'est comme ça qu'elle me le raconte. J'ai été son levé de soleil, son aube de joie et l'ode de mes cris a levé le voile de mystère sur cette question que toutes les jeunes filles peuvent se poser à un moment ou un autre "C'est quoi, être maman ?"
Mon père, lui, n'était pas là. En fait, il n'était plus là, précisément. Il a été envoyé à l'étranger sous décision du conseil, et nous ne l'avons jamais vraiment revu. Mais bon, ce n'est qu'us et coutumes dans un monde de guerre. Je ne suis pas le première, et malheureusement loin d'être la dernière. Deux jours après mes premiers souffles, j'ai été menée à Suna où j'ai pu recevoir les soins adéquats au vu de ma légère précocité. En quelques jours, mes yeux ciels rayonnaient déjà, et en quelques mois, mes premiers mots venaient au gré d'un hiver, qui, pour le gigantesque désert qu'est mon pays, est une période bien étrange. Malgré une situation politique particulièrement compliqué, il était plus facile de se mettre à l'abri des conflits et d'aller et venir du village vers l'extérieur en ayant un poupon.
C'est un peu court comme prologue, n'est-ce pas ? Que voulez-vous que je vous dise ? Toutes les naissances ne sont pas bercées de morts, de démons à queue, de manipulations ou autre. La sagesse des membres du clan Junko a toujours su se retranscrire en les grossesses des futures mères. Eviter le stress autant que possible, de l'écoute, de la compassion, s'éloigner de tous les fronts… Ça vous semble évident, hein ? Ça ne l'est pas pour tous. Les complications sont venues après, la vie est faite d'aléas, nous le savons tous.
Chapitre II. Prima caritas incipit a seipso
« Maman ! Je vais chez papy Momoka pour mon entraînement, il a dit qu'il me ramènerai de nouveaux livres ! A toute à l'heure ! »Pas le temps d'écouter la moindre réponse, je courais déjà dans les rues de Suna pour gambader jusqu'à la sortie, montrer l'écusson de mon clan pour indiquer que mon lieu de résidence est ailleurs. J'avais encore du mal à tout saisir, mais apparemment il fallait éviter de s'éloigner de trop du village, sinon on risquait d'avoir de gros ennuis. Disciplinée, j'ai toujours tracé ma route entre notre petit appartement, de chez Maman, jusqu'au domaine du clan, à quelques kilomètres de là. C'est à ce moment-ci que commençait l'entraînement. Assez strict, il faut l'avouer. Les montagnes de livres ramenés par papy Momoka, l'aîné chargé de nous former étaient démentielles. Le nombre de parties d'échec que nous faisions me donnaient des vertiges et nos entraînements au combat son millimétrés.
Les moments que j'apprécie le plus, c'est la méditation. Pour une enfant qui adore apprendre et qui observe tout c'est peut-être un peu bizarre, c'est vrai ! Mais qui dit qu'un rat n'est pas fait pour s'entendre avec un chat ? Cette anecdote me faisait glousser, alors que j'évoluais rapidement, mes pieds nus frottant contre le sable brûlant, assez peu de temps pour éviter que ça ne soit douloureux. Arrivant enfin à l'oasis, je faisais de grands signes au vieil homme en sautant sur les fesses pour glisser sur la dune de sable, criant de joie. Enfant insouciante aux boucles d'argents, le vent portait ma vie, et ma vie se portait comme le vent. La liberté paraissait un mode de vie que je n'abandonnerais jamais. Mais l'enfance à une fin. Et au fond de tous, nous le savons tous. C'est pour cela que j'en profite à fond !
Me présentant devant mon mètre, bien plus haut que moi, j'offrais mon plus beau sourire en trépignant d'impatience.
« Papy ! Papy Momo' ! Dit moi, c'était comment ton voyage !? Qu'est-ce que tu as appris !? Tu m'as ramené quelque chose !? »Le vieil homme chaleureux riait, vaguement en toussotant de fatigue. J'étais si loin d'avoir conscience de la réalité, à cette époque.
« Du calme, Kaede. Du calme. Si tu ne te détends pas, l'entraînement va encore durer des heures avant que tu parviennes à un quelconque résultat… C'était chouette oui ! J'ai vu des tortues, et des dauphins. Et je t'ai ramené des livres. Et autre cadeau, plus spécial ! Je n'ai pas pu revenir le jour même, mais je sais que tu me pardonneras. Voilà pour tes dix ans, et pour te féliciter de tous tes efforts. Il est très précieux, alors prends-en soin ! »
Le collier qu'il me tendait me paraissait d'une valeur inestimable, un véritable trésor à préserver à tout prix. Un souvenir de vacances, c'est ainsi que je le voyais. C'est bien plus tard que j'apprendrai que Momoka l'avait récupéré sur la dépouille de mon père. Evidemment, je n'étais pas prête. J'avais déjà vu des choses terribles. Le régime du Kazekage Shunsuke n'est pas des plus tendres. C'est ce que me dit Maman sans arrêt ! Pourtant, il le savait. Je n'étais pas prête pour ça. Pas encore.
Nos pas nous guidaient vers l'escalier du temple, habité par les scribes et les aînés. Une vraie confrérie. Je faisais un petit signe à tout le monde, à vrai dire, je les ai tous vus il y a deux jours pour fêter mon anniversaire. Tout le monde pense que l'ambiance est plus prospère ici qu'au village, et que Maman et moi sommes les seules à pouvoir se déplacer sans avoir trop de soucis. C'est bien plus tard encore, que j'apprendrai l'horrible vérité guidée sur cette liberté illusoire. Garantie par un homme. Un faucheur. Qui se montrera être le père de ma petite sœur.
L'entraînement avait déjà commencé. Je descendais les marches nous menant à la salle de formation les yeux clos, malgré les marches déséquilibrées qui surplombent l'escalier en colimaçon. Quand j'avais cinq ans, je devais les monter, et les descendre sans tomber en regardant où j'allais. Désormais, je n'avais le droit de me fier qu'à mes souvenirs… Un entraînement bien étrange, n'est-ce pas ? Momoka avait ses méthodes, et il est apparemment le meilleur formateur qu'est reçu tout le clan. J'ai déjà pris le temps d'éplucher les informations relatives aux membres ayant été archivées, entre deux exercices, il semble que tous les plus grands Junko sont issus de l'enseignement de papy Momoka.
Un petit trou de mémoire me fit presque tomber au niveau des dernières marches; rattrapée in extremis par un bras qui n'était pas celui de mon enseignant. Une douceur et une odeur particulièrement féminine, clignant des yeux de surprise en les rouvrant. Ce carré bleu, et ces yeux verts profonds. Impossible de ne pas les reconnaître…
« Alma ! »Un grand sourire naquit à mon visage alors que je sautais dans les bras de l'adolescente, celle-ci m'offrait un tendre sourire en me faisant doucement tournoyer, avant de me reposer au sol pour me serrer de réconfort. Alma est issue du village de Tetsu, qu'elle a été obligée de fuir après des difficultés politiques. Momoka l'a donc accueillie au sein du clan, trop à l'écart du village pour être suspectée de quoi que ce soit. C'est elle qui m'apprends à me battre à l'épée, même si j'avoue ne pas être si douée que ça, contrairement à elle. Papy Momoka se fait désarmer à chaque fois, et c'est une belle philosophie ! Chacun son domaine. La connaissance, la prise d'information, l'analyse et la réaction, c'est nous. L'épée, le calme, la persévérance, c'est Alma.
Après une discussion entre nous trois, la méditation commençait. Désireuse d'alimenter mon entraînement, Alma le suivait le plus sérieusement possible, et, pendant notre temps libre, elle me montrait quelques effets du maniement de l'épée. L'entraînement d'aujourd'hui était jovial, j'avais du mal à me centrer. Alma m'avait manqué. Papy Momoka aussi. Pour cette première, je n'en avais pas conscience, mais j'étais en train d'expérimenter ce sentiment puissant qu'on appelle l'amour. La seule chose dont j'étais certaine à propos de cela, c'était son existence sur le front de l'ex Kazakege Gaara, les livres parlent de quelque chose qu'on ne peut expliquer, et qui s'exprime de lui-même. Quelque chose qui est continuellement nouveau, et qui peut faire de nous de la meilleure à la pire des personnes vivant en ce monde. L'amour… Est-ce un avenir ? Est-ce certain ? Et la certitude, est-ce quelque chose dont nous voulons nous imprégner ? Nous rend-elle heureux ? Triste ? Toutes les connaissances du monde ne suffisent pas à répondre à certaines questions.
D'abord, il y avait l'entraînement au Taijutsu. Je n'égalais certainement pas Papy Momoka, mais avec le temps, je comprenais les fonctions du corps, les façons de réagir adéquat. D'une certaine façon, cette méthode de travail me fait penser à ce que j'ai étudié sur les différents clans à travers le monde, par l'exemple du clan Uchiha. Cette capacité d'observation est étroitement liée avec le pouvoir de leurs yeux. Le nôtre est proche, et différent à la fois, en ce sens. Notre pouvoir passe par nos yeux, mais est originaire de notre cerveau. Notre culture, notre connaissance se retranscrit dans ce que nous observons et les automatismes se créent. Pas de possibilité de réagir à une situation si elle n'a pas déjà été observée à l'aide de ce pouvoir…
Après trois heures de combat, une petite pause, cinq heures de lectures, venait enfin le temps de croiser le fer avec Alma. Elle me prêtait toujours l'un de ses deux sabres, forgé par sa famille, à son pays d'origine. S'il est une chose qu'il est certain, c'est que ce que je ressens me donne envie de renverser des montagnes. De m'entraîner plus dur, et de briser cette barrière qui l'empêche de retourner à sa vie de famille, à son clan. Et pourtant, je veux aussi la garder pour moi. L'amour brise nos libertés pour en apporter d'autres. J'en suis persuadée. Et est-ce là finalement toute l'ampleur du conflit entre les amis de Gaara et les amis de Shunsuke ? L'amour vaut-il le prix de la liberté ? La liberté vaut-elle le prix de l'amour ? Et si l'amour doit être conservé, jusqu'où sommes-nous prêt à aller pour les autres ? Peut-on condamner les pro-Gaara de vivre heureux au prix du progrès ? Peut-on condamner les pro-Shunsuke de vivre triste tout en protégeant les leurs et leur apportant le plus possible ? Non. Bien sûr. Rien n'est condamnable, en ce monde. La justice est une question de point de vue.
Suis-je juste ?
Chapitre III. Natura non nisi parendo vincitur
« Je ne plaisante pas. Un jour, je deviendrais Kazekage pour toi. Et je ferai tout pour que tu puisses enfin vivre en paix, sans te cacher. Je ferai tout mon possible pour que tout le monde soit heureux et se sente en sécurité à la fois. J'y donnerai ma vie. Arrête de te moquer de moi s'il te plait… »« Si ton clan n'était pas ce qu'il est, je dirais que tu n'es encore qu'une enfant, Kaede… Mais je crois en tes convictions. Tu as quatorze ans, moi vingt, pourtant, tu es en bien des points plus mature que moi, et sur ce point… Tu ne cesses de te montrer comme une enfant en étant particulièrement sérieuse. Je ne comprends pas pourquoi tu t'attaches tant à tes rêves. Et encore moins pourquoi je suis une part si importante de ton rêve. »« L'amour, ce n'est pas quelque chose que l'on comprends Alma… J'ai la conviction que c'est ce que je dois faire. Je ne veux pas faire comme le reste du clan et resté endormis dans le fond d'un temple presque oublié à mettre sur papier ce qu'il se passe dans le monde. L'histoire, c'est nous qui l'écrivons, mais je ne veux pas rester enfermée pour ça. Et encore moins toi ! Je t'aime, mais pas uniquement toi, j'aime le monde Alma, je veux que tu sois une part de mon monde, je veux voir le plus de choses possible et protéger le monde ! »« Commence déjà par savoir te protéger toi-même ! »Je clignais des yeux dans l'incompréhension alors qu'elle riait aux éclats en me lançant son oreiller en pleine tête. Gonflant mes joues comme une enfant, je roulais à califourchon sur elle et la petite bataille commençait, à celle qui maîtriserait l'autre. Sans arme, j'avais tendance à être la plus douée à ce petit jeu. Ça devenait une forme de rituel, et pourtant chaque fois me semblaient inédites, nous nous retrouvions le visage à quelques centimètres l'une de l'autre, et nos lèvres s'entrechoquaient en de lentes caresses alors que le silence frappait lourdement nos yeux, des milliers de fourmillements dévorant nos corps. Me relevant brutalement, je souriais, amusée en lui jetant mon oreiller au visage pour m'enfuir m'habiller en vitesse.
Je venais d'avoir quatorze ans. Un peu en retard, j'étais entrée à l'académie. J'ai eu besoin de parfaire ma formation aux talents de mon clan avant de me lancer dans le monde ninja. Et surtout, j'étais maintenant certaine de ce que je voulais faire de ma vie. Œuvrer pour un monde meilleur, pour tout le monde. Quoi qu'il en coûte, et quels qu'en soient les efforts. A l'académie, j'étais la plus âgée de ma classe, mais aussi de loin la plus douée. Je maîtrisais les techniques académiques depuis l'âge de sept ans, mon taijutsu était bien au-delà de celui des aspirants, de même pour mon genjutsu. Ma seule lacune, c'était le ninjutsu. Kujutsu, Futon, Katon, Raiton, Hyoton, Doton, Sunaton, Kuchyose… J'ai vu des tas de prodiges, et très vite j'avais compris que ce n'était pas là l'essence de mes plus grands talents. Je me débrouillais, mais… Je me débrouillais, seulement.
J'ai été intégré dans une équipe avec laquelle je ne m'entendais pas forcément. J'avais fait l'effort au début, mais les deux garçons sont en rivalité et n'écoutent aucun de mes conseils. Notre juunin en charge n'en a rien à faire de nous, il le fait parce qu'il est forcé et nous met dans des situations dangereuses dont je suis la seule à me sortir sans réelle difficulté. En réalité, je m'ennuis. La défense mise en place par le Kazekage nous pousse à faire des missions de plus haut rang, et plus j'observe notre juunin référant en combat, plus je me lamente de mon sort. Je ne me considère en rien comme supérieur, mais l'ennui est palpable, je l'avoue… Rien de passionnant, ne nous mentons pas.
L'examen chunnin c'est passé pour moi sans encombre. A vrai dire j'ai été la seule acceptée de mon équipe, et le fait de pouvoir désormais diriger des équipes me simplifiait grandement la vie. Un sens de la cartographie précis, des repères adéquats et mes capacités d'observations m'ont permis de mener à bien une quantité de mission astronomique avec différentes équipes, si bien qu'en quelques mois à peine, après avoir effectué douze missions de rang A, je passais l'examen juunin [NB. Se référer à la description physique et morale pour plus de précisions sur le déroulement], là, encore, quelques jours avant mes seize ans, tout me paraissait simple, calculable et prévisible. Ma relation avec Alma se portait à merveille. Je me sentais horrible de pouvoir voir le monde et de trouver le temps de m'ennuyer pendant les missions, alors qu'elle est cloîtrée en quasi-permanence.
Le temps passait, j'achetais de plus en plus de livres. Et je commençais à comprendre Momoka. Ces livres, c'était une façon de m'échapper de quelque chose. De régler mon temps pour casser ce sentiment d'enfermement que j'aurais pu développer si j'étais restée là à m'ennuyer. Il m'en semble là presque l'essence même du clan. Se cultiver, en permanence, se renseigner, voyager. Toutes des thématiques qui semblent combattre l'ennui. Et tout ça me repousse encore plus de ma définition de la liberté pour me laisser me perdre à nouveau…
Est-on libre si on ne nous contraint pas ?
La philosophie est un sujet de discussion que je trouve passionnant, mais il faut dire que les questions se méritent d'être posées. Aurais-je aujourd'hui la liberté que j'ai, les possibilités, et le champ d'action que j'ai, si on ne m'avait rien imposé ? La contrainte est-elle donc une chance ? Si oui, alors les amis de Shunsuke ont peut-être raison de mener une politique plus dure, pour mieux nous préparer à demain… Oui, mais, aujourd'hui… ?
Suis-je libre ?
Chapitre IV. De gustibus et coloribus non est disputandum.
« Bouge-toi, on va être en retard ! »« Encore un moment… Soit sympa… »Je souriais vaguement en la regardant se retourner dans le lit pour fuir la lumière que je venais d'allumer. Finissant de m'habiller, mon bandeau attaché autour de mon épaule gauche. J'étais particulièrement enthousiaste. Et Alma aussi, même si elle ne le montrait pas. Elle n'a pratiquement pas dormis de la nuit. Aujourd'hui, j'ai ma première mission en solitaire depuis que j'ai été promue. Ça va faire deux ans, maintenant, et j'attendais vraiment ce moment ! Elle a eu l'occasion de prendre l'air quelques fois, pendant les tempêtes de sable ou les nuits sans lunes. Mais jamais assez à mon goût. Il fallait aujourd'hui que je me prenne en main, j'allais lui montrer le monde !
Une dizaine de minutes de préparation et nous voilà parties. Nous quittions les alentours de Suna, en évitant soigneusement les points de contrôles, avant que je ne les contourne d'un autre côté pour signaler mon départ. Tout avait été précisément organisé. Fort heureusement, je parvenais sans trop de difficulté à cacher ma joie. J'étais à vraie dire aussi concentrée sur ma mission. Un seul échec à déplorer de toute ma carrière de shinobi, à cause d'un de mes confrères qui a manqué de discrétion. Le suspect qu'on devait ramener intact a finalement été… Salement amoché. J'ai assumé ma part de responsabilité, et lui la sienne. Bon. Les répercussions n'ont pas été bien graves.
Revenons-en à nos moutons. Notre mission nous menait assez loin, au village caché de la pluie, un petit souci d'impayé avec un client, et l'anbu était bien trop occupé ces derniers temps avec les rebelles pour s'en charger. Ainsi donc m'en est revenue la responsabilité. J'avais pris la tête de cortège pour prévenir des dangers éventuels en aval, cependant je sentais bien que la lumière la fatiguait assez rapidement, impossible pourtant de ralentir, j'avais un lapse de temps assez limité pour effectuer cette mission.
Aussi, une partie du chemin, je forçais Alma à se reposer sur mon dos. Pas qu'elle soit particulièrement lourde, bien au contraire, alors ce n'était pas un souci réel. Un arrêt nocturne nous paraissait obligatoire à une auberge, mais nous décidions tout de même de manger à l'extérieur, une volonté qui me parait assez logique en l'espèce. Assises toutes deux à une table, nous contemplions le soleil couchant, un sourire idiot aux lèvres, dans le plus grand des silences.
« Kae, tu… ? »Me tournant maladroitement vers elle, je tremblais vaguement, alors que les larmes ruisselaient à mes yeux. Mes nerfs fatiguaient, et j'avais l'impression de ne pas lui en donner assez. Pourtant je faisais tout mon possible, et je savais que si cette mission était un franc succès, je pourrai demander plus de missions en solitaire, de façon à ce que nous puissions nous évader toutes les deux le plus souvent possible. Sentant la main inquiète, accompagné d'un petit "Hey… Bébé…", je souriais maladroitement en laissant ses bras m'entourer, le regard plongé dans le vide. Pourquoi était-ce si dur ? Pourquoi encore plus pour moi que pour elle ? Ça n'a tellement… Tellement pas de sens ! Perdue dans mes pensées, nous restâmes quelques temps à discuter ainsi, avant que je ne lui parle des constellations, naissant dans le ciel. Petit à petit, la discussion semblait s'alléger alors que esprit était encore chargé d'émotions. Et… Merde. Me redressant soudainement pour me dresser droit devant elle, je posais un genou à terre sortant de ma poche une petite boîte de bois, pour y ouvrir à son minois une bague.
« Je voulais attendre ton anniversaire, mais… Est-ce que tu veux m'épouser ? »Les larmes, et les doigts fins de l'épéiste se nichant devant son visage généraient toutes sortes d'émotions dans le creux de mon ventre, alors que je manquais de m'évanouir en voyant sa tête acquiescer pour former un oui. Le reste de la soirée n'en fut que des plus merveilleuses, à en détruire toute mes économies dans la plus belle chambre et la meilleure bouteille. La folie de la liberté c'était éprises de nous, à deux heures du matin, nous étions en train de nous baigner dans un lac avoisinant, à laisser nos envies guider nos pas.
Nos pas. Le lendemain, ce festival d'émotion était encore présent, mais il fallait se focaliser sur la mission. Nous arrivions aux abords du village caché de la pluie vers midi, moment où nous commencions à demander des informations sous couverture de demande commerciale. C'est vers 17 heures que nous fut indiqué un vieil entrepôt. En l'instant, mes yeux s'étaient mis à étincelés des mauvaises informations de mon informateur. J'ai indiqué à Alma que j'irais en éclaireur, ce qui, vous vous doutez bien, aboutis à une maigre dispute pour que finalement nous y allions toutes les deux.
Sur place, l'homme nous attendait, assis sur une caisse, seul, les bras croisé.
« Vous, ceux de Suna, vous ne savez jamais vous arrêter ! »
« Les ordres sont les ordres, ne rendez pas les choses plus compliquées s'il vous plait. »Evidemment, il s'agissait de la réponse attendue. Zyeutant en haut, sur les étages, se dégageaient plusieurs dangers, de part et d'autres des rembardes d'escaliers alors que je reculais d'un demi pas, murmurant d'une voix assez tranquille.
« On dégage, ils sont beaucoup trop nombreux. »Vous savez ce qu'il se passe dans ces cas là ? Non, le beau héro n'arrive pas pour vous aider, encore plus d'ennemis pénètrent par la porte que nous avions emprunté plutôt, aussi la seule sortie et le seul angle mort de cette quasi prise d'otage. Merde ! Un léger froncement de sourcils naissait en mon minois à cet instant.
« Au vu de l'arnaque financière que vous avez monté, ces mercenaires sont-ils au courant que vous ne les paierez pas ? »En vain. Bien sûr que c'était en vain. Les hurlements sanguinaires des guerriers bondissants. Mon dos ce collant à celui d'Alma, elle dégainait ses sabres alors que mes yeux s'imprégnaient d'une lueur et changeaient vaguement de forme, avançant sans pitié dans un bain de sang, sans le moindre scrupule, alors que le voleur, semblait lui savourer le spectacle. Tu parles d'une mission de rang B. Il commence à me les briser sérieusement ! Prise d'un appuis au sol, je laissais un high kick fracasser la mâchoire d'un des renégats tout en bondissant à l'aide de mes mains et tournoyant vaguement pour me retrouver les genoux autour d'un autre, jouant des hanches pour lui briser la nuque, tout en bondissant pour essayer d'attraper le malfrat sans succès.
C'était sans compter en ma perte de calme que je clignais des yeux en sentant un danger bien plus probant que les précédents, me tournant brusquement vers la pile de soldats, mes yeux s'écarquillant en même temps que ceux d'Alma, alors qu'un katana transperçait son estomac. Mon corps tout entier semblait perdre le contrôle. Peu importe les heures de méditation et d'entraînement, le choc émotionnel était beaucoup trop violent. Mes yeux se mettaient à briller légèrement plus, alors que mon chakra, lui, semblait brûler assez vivement, la vitesse de mes mouvements et la force de ceux-ci se démultipliant assez brutalement pour produire un théâtral bain de sang, reprenant mes esprits alors que la salle ne contenait que plus que quelques mercenaires qui tentaient de s'enfuir, Alma et le voleur. Ma priorité est évidente, n'est-ce pas ? J'accourrais larmes aux yeux en la soulevant le plus délicatement possible, mon corps tout entier pourvu de tremblements. Au moins autant que le sien.
« Bébé, eh, respire, reste calme, je vais trouver de l'aide, ça va aller, je te le ju- »« Chht… Écoute-moi, Kaede, s'il te plait… Je me sens partir, et il faut que je te délivre quelques mots… »Les larmes se démultipliaient à mon visage. Mon corps était pratiquement incontrôlable, alors que je bégayais maladroitement.
« N-non ! Tu ne vas nulle part, on va te soigner, je… Je vais trouver une solution ! »« Soit courageuse, je t'en prie…»A ces mots, j'écarquillais les yeux. Consciente de la réalité qui se défilait soudainement. Etait-ce la fin ? Lui avais-je privé de quelques secondes pour donner ses derniers mots ? L'idée me donnaient envie de vomir. Mais la simple idée de continuer, encore plus. Aussi, tant bien que mal, je ravalais ma salive, incapable de contenir mes larmes, essayant de ne pas trop sangloter.
« Ecoute-moi bien Kaede… Tu es une belle personne… Ne laisse jamais personne dire le contraire… Je veux que tu continues de croire en tes rêves… Même si je n'en fais plus partie. J'ai confiance en toi. Un jour, quelqu'un te rendras aussi heureuse que tu l'étais jusqu'à lors, si tu lui ouvres ton cœur… Je m'en veux tellement de t'infliger une épreuve pareille… C'est un bien piètre cadeau de mariage, hein… ? » elle riait, légèrement, avant de tousser, crachant quelques gouttes de sang.
« Deviens la meilleure des Kazekage. Et si tu n'y arrives pas, aides les autant que tu le peux, ou arrête les s'ils s'éloignent du droit chemin… J'aimerais juste… Te demander un dernier caprice… Je sais que c'est énorme… Mais… Je voudrais que tu ramènes mon corps, au côté des nôtres… J'ai… Je veux demeurer prêt de toi… Prêt de tout le monde. Et… Dis le moi une dernière fois… Avant que je ne parte. Dit-moi que tu m'aimes, s'il te plait… Où que j'aille, ça me donnera la force de tout affronter… » Impossible, à ces derniers mots de ne pas fondre en sanglots. Elle en demandait trop ! Et pourtant, il faut tellement que je me recentre… Laissant quelques petits instants de silence, je combattais corps et âmes contre mes émotions alors que ma tête tournait terriblement.
« Je t'aime, Alma. Je t'aime, je t'ai aimé dès la première fois que je t'ai vu, et je t'aimerai toujours, quoi qu'il arrive… »« Merci… Je… N'ai pas pu te trouver de bague… Mais, je te laisse mes deux sabres. Je sais qu'ils t'ont toujours passionné, et c'est… Ce qui nous a rapprochées, après tout… Sache que je t'aime, moi aussi… Mon amour… »C'était le mot de la fin. Le prochain était d'autant plus sombre que cette enflure tentait de s'enfuir en me voyant dans un moment de faiblesse. Attrapant l'une des armes de ma défunte aimée dont je venais de clore les yeux et doucement reposer au sol, je lançais le sabre qui s'accrochait au blazer de l'homme d'affaire pour l'enfoncer contre un mur et l'immobiliser, mon regard plein de larmes et de haine, attrapant la deuxième lame pour la dégainer lentement, dans un bruit de métal froid qui n'avait jamais été aussi glaçant.
« Attends, attends ! J-je… J'ai de l'argent, beaucoup d'argent ! Je vais rembourser le village ! Et toi ! Je vais te couvrir d'or ! »
Penchant la tête sur le côté en l'attrapant par le col pour le détacher du sol, je laissais l'obscurité d'un regard meurtrit dévorer ses yeux et le plonger dans des illusions toutes plus horribles les unes que les autres, suivant ses yeux convulsifs du regard, le maintenant dans cet état jusqu'à la limite à laquelle il aurait dû perdre connaissance.
« Pitié ! Arrête ! J'ai une femme ! Des enfants ! »
« J'avais une femme aussi. Ce que je vais te faire va te donner envie de mettre fin à tes jours… Et attends seulement d'arriver à Suna… »Quelques instants plus tard, je quittais les lieux, les mains de l'homme arrachées, la plaie cautérisée à la torche, sa langue coupée, ses cordes vocales brisées et la plupart de ses dents défoncés, de même que son nez, et l'un de ses yeux, sortis de son orbite, le traînant par une corde, encore à peine en vie, mes deux sabres autour de la taille, Alma dans les bras, le regard partagé entre la haine et les pleurs.
Suis-je en vie ?
Chapitre V. Necessitas feriis caret
Je suis rentrée sans faire la moindre halte. Sans manger, sans boire, sans dormir. Mon corps ne tenait plus, et je me suis écroulée devant le temple, récupéré par Momoka. C'est trois jours après que je me réveillais, Maman à mon chevet. A peine mes yeux s'ouvraient que je fondais en larmes en me nichant maladroitement dans ses bras. Plus rien n'allait jamais être comme avant… Et pourtant la vie continue.
Quelques jours passèrent pour que je me remette et eurent lieu, secrètement bien sûr, les obsèques d'Alma. Tout le monde eu le droit de dire son petit mot. Tout le monde la connaissait, de prêt, ou de loin, même si sa famille, c'était moi. La seule chose qu'il me restait, c'était ses armes, son doudou, que j'avais retrouvé dans notre lit, son parfum, et ses vêtements. Je ne me savais jusqu'à lors pas matérialiste, mais ce sont ses objets qui m'ont aidée à remonter la pente. Maman c'était arrangé pour parler d'un décès d'un membre du clan, et, par tradition, c'était quelque chose qui se faisait entre nous, sans trop y lier Suna. Aussi, j'avais grâce à cela gagné une grosse semaine de répit après les funérailles.
[…]
« Bientôt dix ans ont passés depuis que tu es partie. Je pense que tu serais fière de moi. J'ai fait d'énormes progrès. J'arrive à avoir beaucoup d'interactions assez naturelles avec les gens. Le village à tellement changé… Je sais te l'avoir raconté en venant te voir, mais… J'aurais aimé que tu puisses voir ça… Notre Kazekage n'est plus en fonction, Dorumo Sabaku de son nom. Je vais… Essayer de faire quelque chose. D'aller parler aux conseillers. C'est peut-être aujourd'hui que je fais un pas vers mes rêves.
La réponse est oui. »