Aujourd’hui était le grand jour. Celui que j’attendais depuis mon arrivée à Suna : l’investiture de Soufuku au poste de Kazekage. Encore fallait-il qu’il parvienne à convaincre le conseil du village, ce qui ne serait certainement pas chose facile étant donnée sa situation délicate. En effet, bien que de nombreux habitants du désert considéraient le retour de Soufuku comme un nouvel espoir pour leur patrie si affaiblie, la majorité de la population continuait d’adhérer, que ce soit par crainte ou par idéologie, aux idées conservatrices qu’avaient instauré les faucheurs et d’autres avant eux. Mon ami, qui deviendrait bientôt mon Kazekage, m’avait demandé de ne pas l’accompagner au moment où il s’adresserait au conseil. Il voulait apparaître comme un être fort et sûr de lui, et pas comme un lâche nécessitant l’aide d’une étrangère. Cela pouvait très bien se comprendre, et d’ailleurs, tant que je n’aurai pas prouvé au peuple mon adhésion et ma détermination, je serai jusqu’alors toujours perçue comme une intruse. Mais j’avais déjà un plan bien ficelé en tête afin de faire oublier cet état.
Je mis un pied hors de mon lit dans la suite qui nous avait été confiée dans le bâtiment de direction du village, à Naeko et à moi. Alors que je commençais à m’habiller, je tâchai de vérifier que mon cousin était toujours dans les parages. Visiblement, il dormait encore. Ou plutôt, il feignait de se reposer : Naeko restait sceptique à propos de notre intégration au village caché du sable. Il ne s’y sentait pas chez lui. Bien sûr, je partageais ce sentiment nostalgique, rêvant encore parfois du Kiri d’autrefois. Cependant, j’étais consciente que le monde avait changé. Rien n’était plus comme avant, et rien ne le serait plus jamais. Dos à lui, je finis de nouer mon soutien-gorge avant de me retourner.
- Que dirais-tu d’une promenade ? Nous devons apprendre à connaître notre nouveau foyer. Si on veut apparaître comme de véritable Sunajins, il faut montrer qu’on le désire.
Encore torse nu sous sa couette et les yeux mi-clos, l’homme que j’affectionnais le plus en ce monde grommela d’indécision. Il n’était motivé à rien et je peinais à changer cet état d’esprit. J’espérais donc qu’il n’était que passager. Je le tirai hors de son lit et le persuadai de m’accompagner prendre le petit-déjeuner. Quelques spécialités culinaires du désert plus tard, nous entreprîmes notre marche dans ce village à l’aspect encore rudimentaire. Je n’étais pas allée à Konoha ni à Iwa depuis trop longtemps pour me faire une idée précise, mais j’étais convaincue que les autres villages étaient bien plus évolués que le nôtre. Et pour cause : Suna n’avait connu que haine et désolation ces derniers temps. Je compris alors qu’il m’incombait d’en faire une nation tournée vers son avenir, et pas vers son passé.
J’en profitai pour me faire quelques repères, comme la bibliothèque du village, l'hôpital, les curiosités, les différents quartiers. Bientôt, tout cela n’aurait plus aucun secret pour moi. Sur la route, nous discutâmes d’un bon nombre de sujets, de l’Enfant Maudit jusqu’à l’état actuel de Kumo. J’avais promis à Naeko et à d’autres de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour rétablir l’ordre au village caché des nuages. Mais il me fallait avant cela comprendre ce qui s’y tramait… Naeko n’aimait pas en parler, mais les agissements qui avaient poussé les Kumojins à fuir leurs terres relevaient du surnaturel. Alors que nous étions encore dans nos pensées respectives, le son d’une cloche vint attirer notre attention. Celle-ci annonçait quelque chose de très important pour l’avenir de Suna et du pays du Vent tout entier : un Kazekage avait été désigné. Nous nous empressâmes de retourner au bâtiment de direction du village, imitant ainsi une foule d’habitants avides de connaître l’identité de leur nouveau dirigeant. Acclamé par certains, sifflé par d’autres, Soufuku se tenait sur la terrasse de la tour du Kazekage. Nous fîmes notre possible pour le rejoindre le plus rapidement possible. Quelques instants plus tard, je me tenais à ses côtés, Naeko légèrement en retrait. Il prononça alors son discours.
- Mes frères, mon peuple, citoyens du Vent. Aujourd'hui, est une nouvelle ère qui s'ouvre à nous, il en est fini de cette guérilla qui gangrène le village. Il en est fini d'un seul organe décideur, c'est la fin du feu et du sang, le début d'un vent nouveau qui souffle sur nos dunes. Je suis Nitobe Soufuku, votre Hachidaime Kazekage, je ne suis pas le chef : je vous représente tous du plus jeune au plus âgé, que vous soyez hommes ou femmes. Vous êtes avant tous mes confrères et votre parole est d'or pour la bienséance des choses. J'attends de vous une cohésion sans faille, en retour vous aurez de moi un travail sans relâche pour qu'enfin vous puissiez vivre en paix. Évidement cela ne sera pas chose aisée, mais avec le temps les ennemis d'aujourd'hui deviendront les alliés de demain, j'en ai la stricte conviction. Mes frères, mes sœurs, mes enfants, mes parents. C'est l’avènement de Kaze No Kuni en tant que République que nous célébrons aujourd'hui !
Ces mots pleins de sagesse furent suivis d’un tonnerre d’applaudissements qui suffisait amplement à masquer le scepticisme et les huées désapprobatrices. Initiant un mouvement de respect, je m’inclinai face à mon nouveau Kage, ce qu’un bon nombre d’autres shinobis du sable fit par la suite. Lorsque la cérémonie prit fin, Naeko et moi suivîmes Soufuku jusqu’à son bureau personnel. Je ne pus m’empêcher de le gratifier personnellement :
- Félicitations, mon ami. C’est un nouveau départ pour Suna que tu marques là. Nous ne faisons pas encore l’unanimité, mais nous avons déjà conquis un bon nombre de citoyens. Il ne nous reste plus qu’à unifier le peuple sous un seul et même étendard. Et à ces fins, Naeko et moi sommes à ton entière disposition.