Nous avions dépassé assez vite les cascades de Takigakure, il nous fallait atteindre le pays du riz sans trop d’encombres. J’espérais ne pas tomber sur des shinobis d’autres villages, je reprenais tout juste mes forces après mon énorme technique du village de la pluie. Le vaste pays du feu était à craindre, je devais éviter d’abattre qui que ce soit, lorsque j’y repense, je me souviens et comprends que cela faisait longtemps que je n’avais pas tué.
-Henge !
Alors que je passais à pleine vitesse les chemins d’arbre en arbre, je devins rapidement un simple commerçant du village de la pluie. Comme j’en avais croisé des dizaines là-bas, mes deux oursons semblaient se faire au rythme effréné mais long du trajet. Je me demandais à quoi ressemblait l’endroit où j’allais désormais vivre, leurs avancées et leurs secrets, leurs interdits… Ils étaient tout bonnement les meilleurs dans le domaine technologique, leur patrimoine m’intriguait. Mais serait-ce facile de m’y intégrer, de découvrir ces secrets. La facilité me lasse de toute manière, l’oiseau prend son envol pourrait-on dire de mes actes dans un passé proche. Ma destinée à devenir aux yeux de ce pathétique monde l’envoyé des Dieux se rapprochait de plus en plus de mon présent, elle était à la fois proche et loin de tout cela.
Ashiro avait manié une technique à plusieurs reprises devant moi, un passage au travers de la matière. Un don ahurissant, une technique qu’il inventa de lui-même et sans aucune aide extérieure. C’était à moi de le faire si je voulais passer au travers les murailles du village caché des nuages. Je pensais continuellement à la manière de procéder, si j’échouais alors je m’en remettrai à l’enlèvement et l’usurpation pour passer cette épreuve. Nous arrivâmes à la fin de journée, presque la nuit même, au pays du riz. Bouba et Fuu grignotèrent un lapin qu’ils avaient trouvé mort non loin de notre campement. Pour ma part, je ne mangeai qu’un reste de fruits rouges récoltées durant notre route. Je m’assoupis au pied d’un énorme chêne, la vie sauvage et libre n’avait plus de secret pour moi. Je pense même m’être endormi les lèvres décorées d’un infime sourire, la journée fut longue et fatigante…
Le soleil éveilla mes sens dès l’aube, je laissai dormir mes petites bêtes encore exténuées après le périple. Ce fut l’occasion de m’entraîner au maniement de cette technique, j’appose la paume de mes mains à un arbre puis tente d’insuffler mon chakra dans celui-ci. Malheureusement, rien ne se passa, pas l’ombre infime d’un début de réussite. Il semblerait que l’affinité de ce cher Ashiro soit bien différente des autres, il serait donc un génie, un vrai. Mon sensei m’intriguera toujours, il a trouvé le moyen de dériver le shôton à ses extraordinaires facultés de médecines. J’eus à cet instant précis, une petite pensée pour lui. Bravo, me dis-je au fond de moi, une félicitation qu’il n’entendra jamais. Le petit toussotement, léger et attendrissant, de Bouba m’extirpa du fond de mes pensées, il venait de se réveiller. Fuu aussi écarquilla les paupières avant de se dresser rapidement sur ses quatre pattes.
-Vous allez bien ?
-Ou-Oui Sukai.
Fuu semblait étonné de ma petite attention inattendue à leur égard, cette réponse assez frileuse me fit prendre conscience des changements occasionnés par leur rencontre et ce voyage. J’étais protecteur à leur encontre, moi qui n’avait jamais protégé ne serait-ce que mes propres parents, mon propre sang, je défends de simples grizzlys. Quelle pathétique ironie du sort, la vie me réservera donc toujours surprises et découvertes.
Nous partîmes tôt, le ventre vide mais les esprits reposées, tout comme nos corps. Le pays du riz nous réserva un beau paysage à l’occasion de notre passage, foulant l’herbe fraîche de ce pays, les senteurs heureuses de la vie sauvage amusaient mes narines. Je continue mon chemin plus bavard que l’autrefois, Bouba et Fuu se révèlent très intelligents. Ils avaient devinés avec pertinence le nom de notre terre d’accueil. Eux aussi étaient un peu perplexes mais enthousiasmés par la nouvelle vie que nous allions partager dans cet endroit. La vie sauvage laisserait alors place à une vie plus urbaine, la présence de l’homme nous fera sûrement pas mal d’effets, surtout à ces bêtes habituées de la précarité naturelle, la vie animale à l’état pur. Alors que nous continuions de fouler les rizières, Fuu aperçut au loin des semblants de fumée, un campement peut être. Nous allions devoir débusquer des ninjas pour usurper leur identité de manière parfaite, espérons que ces fumées proviennent d’un d’entre eux. Alors, nous haletâmes le rythme pour nous retrouver en vitesse sur place. A travers les bois, nous pouvions commencer à observer ceux-ci. C’était bien des shinobis, tout était donc parfait. Trois contre un, le calcul de victoire serait vite fait si je n’étais pas Sukai, enfant des dieux. C’était le moment de faire couler le sang, encore une fois.
-Vous deux, vous allez rester en retrait, je vais m’occuper d’eux seul.
-Fûton Enveloppe de vent. Kuron Kesshô.
Rapide et accompagné d’un clone cristallin, je me sentais prêt à affronter ces hommes. Je prendrais leurs vêtements et cristalliserai avant de réduire en poussières leurs corps. D’un vif pas en avant, je me présentai à eux comme un ennemi soudain et mal attentionné. J’élance deux shuriken sur le plus grand des trois, celui-au centre. Au moment où il tenta de parer le coup, le cristal s’empara de ses deux mains, poignets et progressa jusqu’à l’intégralité de ses deux bras. Mon clone était déjà au prise avec les deux autres hommes, à deux, ils auront bientôt l’avantage. J’élance un kunaï sur un des ennemis de mon clone, comme prévu il esquive le coup et libère de l’espace à mon second. Je profite de cette fenêtre de tir pour exploser mon clone, les débris cristallins perforent la chair de mes adversaires en une centaine de petites entailles. Mon katana sort de son enclos et mêle le fer au cristal pour allonger une lame tranchante droit dans le foie de l’ennemi. Je brise le lien entre le fer et le cristal pour fendre d’un coup horizontal mon adversaire, le cristal retrouve son allié ferreux pour abattre un deuxième ennemi, encore une fois, je déloge le fer du cristal et dirige mon arme à ma ceinture. Je m’assurai de ne laisser aucune trace, le cristal retomba en poussière emmenant dans l’ignorance totale d’autrui. Avant de les envoyer définitivement dans l’oubli, je dérobai les vêtements du seul qui n’avait pas souffert, qui n’avait pas versé de sang.
Fuu et Bouba n’avaient pas assisté à leur mort, cachés dans les arbustes. Je criai leurs noms et les voilà sortis, nous reprîmes la route, tout fut calme dans ce combat à sens unique. Ma nouvelle veste de shinobi de Kumo épousa très vite les formes de mon corps. Nous discutâmes de ce à quoi pouvait ressembler le village, je compris que ces grizzlys se faisaient une vision très faussée de la vie citadine. Quelques heures seulement après, une fois le pays de la foudre pénétré, le village fut à portée de vue. Un paysage nouveau nous accueilli ici. Les grandes portes d’entrée de Kumo me rappelèrent injustement celles de Iwa, j’avais quelque peu oublié ce à quoi ressemblait mon village. J’approchai de celles-ci, les deux animaux étaient retournés dans leur parchemin d’invocations.
-Bonjour, je reviens de mission tout droit du pays du riz.