– Seigneur Kurokawa, je suis ravie de vous voir toujours aussi bien portant.
Elle pénétra dans la pièce sans autre forme de politesse, ceci mis à part celles relatives au protocole alors entré en vigueur. Un protocole qui était inculqué à nombre de shinobis mais qui bien évidemment ne saurait leur servir à tous tant ce genre de rencontres relevait de l'extrême rareté. Amaya aurait dû dès lors se sentir privilégiée de se voir gratifiée de la présence de son ancien chef économique, mais elle savait passer outre cette pression avec une facilité déconcertante -elle-même faisant partie d'un cercle réduit de personnes riches et influentes, elle ne saurait tolérer se voir flancher sous prétexte d'être face à quelqu'un d'une plus haute extraction. Sans piper mot, elle vint s'installer derrière la personne qu'elle était censée protéger, visiblement considérée avec une attention méticuleuse par les autres shinobis en place. La réunion pouvait alors commencer sous le regard inquisiteur du daimyo de l'eau, un homme aux traits rongés par l'âge et à l'esprit bonifié par le temps.
– Très bien, je vous écoute.
Il s'était fait clair et concis, la preuve d'un grand discernement. Il ne voulait pas perdre son temps en de vaines paroles obséquieuses au possible, il désirait ardemment rentrer dans le vif de la situation sans avoir à y aller par quatre chemin devant un protocole désuet qu'il aurait sans doute apprécié respecter. Cependant, le pion d'Amaya avait bien fait de préparer le terrain en entamant une relation purement diplomatique dans un premier lieu, qui évolua bien rapidement en une solide amitié de tout fil cousu par le plan de la mafieuse, vénale au possible. Cette entrevue entre les deux seigneurs visait un objectif à plus long terme. Ainsi, elle pourrait noyer le poisson quant à son éventuelle appartenance aux futurs événements qui auraient lieu à Kiri et au pays de l'eau dans son intégralité. Elle aurait sans doute à concéder elle aussi quelques pertes à une triste fatalité, mais c'était là un sacrifice qu'elle acceptait pour la beauté du geste. Bien évidemment, elle saurait limiter ses propres morts pour ne pas avoir à subir le contrecoup de ses coups sur un échiquier à taille humaine.
Lentement, son cavalier chercha à éclaircir sa voix, ayant sûrement mis des mots sur les idées qu'elle attendait de lui. Non sans un certain amusement, elle s'efforça de ne pas lui mettre plus de pression qu'il en subissait déjà. Le rapport de force entre les deux personnes s'avérait déjà être un handicap pour eux, aussi allait-il devoir mettre davantage de poids de son côté de la balance. Mais ce n'était qu'un sacrifice pour arriver à quelque chose de plus grandiose. Seule le temps permettrait de rendre cet investissement rentable, et du temps elle en avait à ne plus quoi savoir en faire, une bénédiction en soi.
– Ma venue ici est simple, je viens ici négocier avec vous une éventuelle alliance économique entre nos deux pays.
Il marqua une légère pause, conscient que donner trop de temps à son interlocuteur saurait laisser le doute s'immiscer dans son esprit. Un air amusé apparut au fil de la conversation sur le visage du Daimyo de l'eau ; il y avait fort à parier qu'il ne prenait pour l'instant pas cette proposition très au sérieux. De ce fait, son hôte enchaina sans trop tarder afin de mettre en avant ce qu'il avait à offrir.
– Comme vous êtes au courant, mon petit territoire m'a poussé à développer le commerce maritime qui s'avère florissant au possible. Je dispose ainsi d'un des plus grands ports du littoral, d'un chantier naval d'ampleur mais aussi et surtout d'une position avantageuse. Le pays du feu a particulièrement participé à ce rayonnement que je vous propose. Vous conviendrez que négocier avec moi reste plus facile que négocier avec le pays du feu étant donné que je demanderai évidemment moins de votre part.
Il cherchait à lancer le dialogue derrière des manières modestes qui visaient à mettre en avant l'exiguité de son territoire. Avec le pont Naruto, Nami no kuni se voyait connecté au pays du feu avec lequel il commerçait bien plus qu'il y a plusieurs dizaines d'années. Et vu l'infrastructure qu'Amaya avait installée à la suite de Gâto, il y avait tôt fait de prétendre que malgré tout ils disposaient du plus grand port. Pouvant dès lors servir de relais, la yakuza espérait pouvoir faciliter son propre trafic si elle pouvait laisser les navires mouiller chez elle. Après tout, pourquoi se compliquer la tâche quand on pouvait simplement modifier la cargaison emportée ?
– Et que désirez vous en échange de cette abondance que vous m'offrez ?
Le daimyo de l'eau sourit légèrement, toujours aussi amusé de la situation. Pour autant, le pion d'Amaya n'avait pas flanché pour autant. Cet entretien, ils l'avaient travaillé pour que la proposition se fasse plus alléchante que jamais. Eux n'avaient besoin que de deux choses : de sa confiance ainsi que d'un accord commercial.
– L'évidence même serait de vous demander d'en faire autant, cependant je ne peux me permettre de le faire. De ce fait, je me contenterai de demander des avantages commerciaux lors de nos prochains échanges ainsi qu'une aide principalement économique. Je m'engagerai à faire de même, vous offrant par la même occasion le marché de Hi no kuni à moindre coût.
Il marque de nouveau une pause, laissant son interlocuteur assimiler les termes du contrat qu'il proposait. Les choses s'étaient plutôt bien déroulées au final, et vu l'apparence que prenait la balance, il fallait être fou ou particulièrement paranoïaque pour ne pas accepter une pareille offre. L'homme face à elle était cependant sain d'esprit, aussi elle supposa sans trop se mouiller que son long silence traduisait une réflexion intérieure qui mènerait sans en douter à un accord. Même si il n'avait pas été parfait dans son rôle, son cavalier avait su traduire les idées les plus importantes et garder même quelques cartes dans sa manche. Commercer était vraiment plus compliqué que mener une vie de shinobi à son sens, chose étonnante en soi. Alors seulement, l'extirpant de ses pensées les plus saugrenues, le daimyo daigna leur offrir une réponse. Dans le même moment, il claque des doigts afin de se faire apporter une feuille vierge ainsi qu'une plume d'oie de bonne qualité, preuve de son approbation.
– Très bien, je récapitule donc les termes de cette alliance : Vous me proposez une aide commerciale, percevrez moins de taxes sur mes marchandises, m'aiderez au niveau logistique avec vos navires et votre port, me permettrez de faciliter les échanges avec hi no kuni, tout cela contre un geste commercial de ma part ? Mais qu'attendons-nous pour officialiser cela ?