« On n'emporte en mourant que ce qu'on a donné. »

J'ai le teint plutôt pâle mais assez uni, le front élevé et d'une raisonnable grandeur, des yeux bleus, petits et enfoncés ainsi que des sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serai fort empêché de dire de quelle sorte j'ai le nez fait, car il n'est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu. Tout ce que je sais, c'est qu'il est plutôt grand que petit et qu'il descend un peu trop bas. J'ai une fine bouche et des lèvres assez rouges d'ordinaire, ni bien ni mal taillée. J'ai les dents blanches et passablement bien rangées. L'on m'a dit autrefois que j'avais un peu trop de menton : je viens de me regarder dans un miroir pour savoir ce qu'il en est, mais je ne sais guère en juger. Pour le tour du visage je l'ai carré... ou ovale ; lequel des deux, il me serait fort difficile de le dire. J'ai les cheveux noirs, ni trop long, ni trop court. Ma démarche n'est pas ordinaire, le dos trapu, j'effraie la plupart des enfants. Mais ce n'est pas le physique qui fait l'homme, ce sont ses actions. Autrefois populaire auprès des filles, cet ère est révolue. La beauté du corps est la première cause de l'amour, baliverne !

Classant les derniers préparatifs, je n'avais pratiquement pas dormi de la nuit. Il ne faut pas se mentir : maître Futae est un homme bien difficile pour son âge. J'étudiais l'état de santé des derniers cobayes, ces pauvres individus que j'allais envoyer à une mort certaine. Avec stratégie et prudence, j'essayais tant bien que mal de placer mes pions sur cet échiquier géant. Notre cible était le village d'Amegakure, connu pour son industrie et son impact sur le marché économique. Cette petite nation commençait à prendre de l'ampleur au fur et à mesure du temps, il fallait donc rapidement y remédier. Quatre villages étaient largement suffisant, pas besoin de plus. Fière d'avoir conclu ce travail, je me dirigeais vers le QG général, là ou les jeunes recrues étaient entraînés à devenir de la chair à canon.

Pas à pas, j'approchais du bâtiment. Le soleil de Kumo faisait refléter mon ombre sur l'ensemble de la cour principale. Une multitude de regards se levèrent vers le ciel : ceux-ci pouvaient observer l'homme trapu que j'étais. Lorsque le silence fut de mise, je frappai le sol d'un coup sec avec l'aide de mon bâton. L'ordre était lancé : il était temps de passer à l'assaut. J'aimais cela, voir tous ces visages craindre une seule et même personne me procurait une immense satisfaction ; j'étais leur roi !

— Dans la vie, il y a deux types d'individus : les faiblards, qui n'ont pas leur place dans un monde aussi cruel que le nôtre et les vainqueurs, nous, qui prêtons allégeance au Dieu de la vie, celui qui nous a fait tel que nous sommes, nous, misérables humains. Marcher aux côtés de Kami, souveraine de la Terre et de l'univers est mon vœu le plus cher. Au nom de la vie et de la mort, faites entendre nos paroles à ces stupides villageois ! Je ne veux pas de survivants !

J'observais chaque visage, qu'il soit apeuré, déterminé, anxieux ou même combatif. Dans quelques jours, ils ne seront plus qu'un tas de chair dévoré par je ne sais quels insectes. Contre toute attente, deux protagonistes attirèrent mon attention. Un homme et une femme, jouant à un jeu de séduction par le regard, quelle infamie ! Pendant que les troupes s'équipaient des fameuses ceintures explosives, je pris à part les deux tourtereaux. Les  Robinsons s'aimaient plus que tout, l'amour avait eu raison d'eux, il était déjà trop tard. Lâchant ma pauvre canne qui s'écrasa quelques instants après sur le plancher, je plaçai mes mains sur les épaules de mes convives, le sourire aux lèvres.

— Trop vulnérable, pardonnez-moi.

Une seconde s'était à peine écoulé qu'une explosion retentit. Les deux jeunes gens avaient littéralement été réduit en une misérable flaque pourpre. J'étais couvert de sang, mais le plus dur était fait. L'amour est une faiblesse et je ne peux guère la laisser prendre le contrôle. L'on pourrait me qualifier d'être perfide, sadique, cruel. Tous ces mots me définissent, moi, Manzo Jigoku.